– Eh ! Maman ! C’est quoi ce gros
tas vautré sur mon lit ?
–
Chut, tu vas la réveiller ! Pour l’instant, il faut lui laisser
beaucoup de sommeil. La transformation est en train de se faire dans
sa tête. Si on l’interrompt, elle se terminera pas comme il faut…
–
Peuh, pas de risque que cette barrique de viande ouvre un œil. Tu
l’entends ronfler ? On pourrait lui grimper dessus qu’elle s’en
rendrait même pas compte. Bon Dieu, à la voir comme ça, bien
ronde, grasse et toute nue, ça me donnerait presque des envies !
–
Non mais ! Range-moi ton attirail, saligaud ! Et devant ta mère,
encore ! Mais qu’est-ce j’ai fait au bon Dieu pour avoir un
obsédé pareil comme fils !
–
Ouais, bon, alors, tu me dis ce qu’elle fout là, cette grosse
vache ?
–
Elle, c’est la fin de nos problèmes d’argent. Puisque t’es
qu’un bon à rien de feignant, il faut bien trouver de quoi assurer
l’ordinaire ! Ce n’est pas avec les quelques sous que je gagne à
faire la rebouteuse qu’on va survivre… Tu vas lui construire un
petit appentis au fond du jardin, avec assez de place pour mettre une
paillasse et puis pas trop de courants d’air pour qu’elle ne nous
fasse pas des maladies. Tu comprends, les gars du coin pourront venir
se faire reluire la nouille avec elle et ils nous donneront des sous.
–
Ouais, mais va falloir la surveiller ! Qu’elle aille pas tout
raconter aux gendarmes. C’est encore un coup à nous faire avoir
des ennuis, ça !
–
Mais, grand nigaud, t’écoutes donc rien ! Je t’ai dit que ça
travaillait dans sa caboche. Quand ce sera terminé, elle sera
complètement abrutie, à peine capable de causer trois mots. Tout
restera bloqué dans sa tête. Il suffira de lui mettre une chaine au
pied et on lui filera du bâton de temps en temps, si elle fait des
difficultés. Je te parie qu’elle va vite s’habituer et tu verras
qu’elle restera gentiment posée comme une bouse, à attendre sa
pâtée comme les cochons.
–
Ben dis donc, maman, tu fais pas impressionnante comme ça, mais
quand même, tu te débrouilles sacrément pour savoir des choses et
des trucs !
–
Peuh, si t’avais voulu apprendre… Mais Môsieur à mieux à faire
! Toujours à te saouler la gueule et à courir le guilledou.
Mauvaise graine et compagnie, tout comme ton père !
–
Hum… Et tu l’as trouvée où, cette fille ?
–
Ça ? Oh, c’est personne ! C’était un automobiliste qu’avait
des problèmes de panne sèche sur la petite route, derrière. Un
gars bien habillé et propre sur lui. Le genre qu’a de l’éducation
et qui regarde tout le monde de haut. Je lui ai fait la manipulation
de la tante Maude, la vieille que tout le monde croyait timbrée…
Une belle voiture qu’il avait, ce péteux. Tantôt, t’iras me la
balancer dans l’étang !
–
Je pourrais pas la conduire un tout petit peu, avant ?
–
Non je te dis, malheureux ! Si on se fait prendre avec, on devra
répondre à des questions !
–
Eh ben quand même ! Si on m’avait dit qu’un homme pouvait
devenir ça…
–
T’occupe donc pas de lui. Après tout, c’était qu’un type trop
couillon pour penser à faire le plein !
–
Ben, maintenant que t’en as fait une fille de joie, le plein, elle
va en avoir son comptant, la grosse garce ! Avec tous ces hommes qui
vont la bourrer…
Le
fils se mit à glousser alors que la mère levait les yeux au ciel.
Elle ouvrit le fourneau et commença à enfoncer les vêtements du
jeune automobiliste dedans. Le tissu était fin et il devait valoir
cher, mais c’était plus prudent de ne garder aucune trace. Elle
sortit le portefeuille de la veste et vérifia qu’il n’y avait
plus d’argent à l’intérieur. Elle regarda un instant la pièce
d’identité du jeune homme. La mère n’avait pas beaucoup
fréquenté l’école mais, en s’appliquant, elle parvenait à
lire tout de même et déchiffra le prénom marqué sur le petit
rectangle coloré.
–
A-L-E-X… Ben Alex, maintenant, c’est bien terminé pour toi !
Elle
jeta le portefeuille au cœur du feu.
Génial cette histoire :) J'ai bien aimé la relire et j'ai toujours autant apprécié ;)
RépondreSupprimerMerci Alex, c'est toujours un plaisir de t'inventer des souffrances ;)
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