Barroco



Encore une fois, il n’avait pas de cavalière pour aller à cette fête. Il imaginait déjà les rictus goguenards de ses amis, leurs regards allant de la moquerie à la pitié. Alors il demanda mon aide. Pour une fois, juste pour une fois, il voulait parader avec au bras une poupée de légende, énamourée, splendide et tout à lui, quelque chose qui les oblige enfin à avaler leur salive de travers. Bref, de quoi faire définitivement oublier sa réputation de piteux Don Juan. Le problème c’est que la poupée, dans son idée, c’était moi...
J’ai beau avoir les idées larges, je n’étais pas très chaud pour jouer le rôle. Me faire reluquer pendant toute une soirée comme une page centrale de magazine pour hommes, ce n’est quand même pas rien ! Ma dignité de mâle allait en prendre un coup et, en plus, rien ne garantissait que ça fonctionne…
Mais voyons, Julien, me répétait-il, tu sais bien que la vieille chouette ne plaisantait pas ! Nous l’avons vu tous les deux à l’œuvre, enfin ! Et puis, si elle t’a légué ce vœu de métamorphose, c’est que tu ne risques rien !
La vieille chouette, c’était mon arrière-grand-mère, une femme aux pouvoirs étranges, chez qui nous passions nos vacances lorsque nous étions enfants. Elle m’avait laissé en héritage un vœu pour transformer qui je voulais en ce que je voulais. Ensuite, il suffisait que la personne métamorphosée le souhaite pour reprendre sa forme d’origine. Mais tout ça ne pouvait fonctionner qu’une fois !
C’est bon, tu as gagné, allons-y ! Après tout, je n’ai jamais trop compris à quoi ce vœu pouvait bien servir. Au moins, ce sera une expérience…
Il commença à me dire ce qu'il souhaitait, comme fille de ses rêves. C'était assez efficace, bien que pas très original : bombé là où la chair plait, long et fin ailleurs, et aussi, bien sûr, très voyant et très sexuel de partout. Je lui conseillai néanmoins de ne pas me rendre trop vulgaire non plus, sans quoi ses amis allaient seulement croire qu'il s'était payé une prostituée. Nous procédions une partie après l'autre. Il me racontait ce qu'il envisageait, je l'imaginais et c'était fait ! En revanche, il devait être précis dans ses descriptions, car une fois la transformation accomplie, je ne pouvais plus la modifier.
Au début, cela commença comme un jeu où nous retrouvions nos bons moments de complicité. Au fur et à mesure, cependant, les choses devinrent plus délicates. Une étrange excitation s'empara de nous. Il se mit à jeter sur moi des regards bien trop luisants, son souffle se fit plus court et sa bouche se relâcha. Je ne l'avais jamais vu ainsi, du moins, pas quand c'est moi qu'il regardait ! De mon côté, j'avais des bouffées chaudes qui me montaient à la tête, et j’étais traversé de décharges d'excitation incompréhensibles, de celles qui peuvent nous prendre lorsqu'une conquête réticente se livre enfin ! Et je sentais le pouvoir de la vieille magicienne qui cognait en moi, de plus en plus fort, mettant le désordre dans mes pensées.
Nous en étions à la fin, il ne restait plus que la poitrine, et nous étions tous deux traversés de désirs qui n'avaient plus grand-chose de naturel. La force de la métamorphose semblait s'échapper de moi, désordonnée, et elle nous baignait dans une atmosphère surréelle. Je n'étais pas très sûr de contrôler encore quoi que ce soit. Il me raconta ce qu'il envisageait pour mes seins. Ronds et confortables, comme je m'y attendais. Je commençai à me concentrer…
À cet instant, la porte d'entrée s'ouvrit sur Alice, ma fiancée. Elle posa son sac de voyage au pied du guéridon.
Le vol a été annulé, je ne pourrais partir que demain si…
Elle s'arrêta net en découvrant la scène devant elle, une scène avec une femme nue dans son salon ! Un mélange de surprise et de colère empourpra son visage. Elle allait demander où je me trouvais, quand ses yeux s'agrandirent, noyés soudain par l'horreur. L’instant d’après, elle s'effondra littéralement sur elle-même ! C’était comme si une force l'aspirait de l'intérieur, la retournant et la roulant en boule comme une simple chaussette ! Ses vêtements tombèrent au sol, vides et, par-dessus, il ne resta que deux globes ronds, formés à partir de ce qui avait le corps de ma fiancée ! C’était des boules de chair coiffées de deux petits cercles cramoisis, surmontés par des sortes d’antennes granuleuses. C’était… des seins ! Alice ! J'avais pensé à cette maudite poitrine en regardant Alice ! La puissance surnaturelle que je dégageais avait transformé ma fiancée !
Les deux masses commencèrent à glisser vers moi, poussèrent leur trajectoire jusqu'à mes pieds, puis grimpèrent le long de ma jambe avec des ondulations gélatineuses. Elles passèrent sur mon abdomen et vinrent accrocher leur poids à mon torse, se fondant à ma peau lorsqu'elles furent bien positionnées. Je pris les deux globes dans mes mains et les soulevai. Toujours sous l'emprise de cette sale excitation magique, je ne pouvais pas m’empêcher de fixer avec plaisir cette paire qui était maintenant le mienne.
Après tout, ce n'est pas grave, il suffit que tu décides de redevenir comme avant…
Devant moi, il me regardait, l'air navré, mais avec ses yeux brulés de lueurs étonnantes, mélange d'ivresse et de désir viril.
Tu ne comprends pas ! J'essaye mais ça ne marche pas ! Je ne suis plus seul, dans ce corps ! Il y a Alice avec moi ! Et Alice ne peut plus rien décider du tout ! Je ne… Je ne parviens pas à revenir en arrière !
Il malaxa quelques secondes sa mâchoire de ses doigts gourds. Maintenant que le sort avait été achevé, les vapeurs surnaturelle se dissipaient lentement et il redevenait peu à peu l’ami que j’avais toujours connu, tandis que moi je redevenais celui que j’avais toujours été. Sauf que j’étais désormais une femme ! Son regard m’évaluait, descendait et remontait, faisait des détours en s'attardant longuement sur le chemin de ma silhouette. Cela me gênait et me troublait en même temps, faisant redoubler les molles chaleurs dans mon corps.
Tu ne m’en veux pas trop, Julien ? Dis ?
Puis il ajouta, avec un sourire un peu gamin :
En tout cas, tu es très réussie ! Euh… On va quand même à la fête ?

Sur une idée de Julien
 


Commentaires

  1. Très sympa .
    C'était une idée de moi ou d'un autre Julien ?^^

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    1. Une idée à toi, mais il y a eu pas mal de modifs, comme à mon habitude. J'ai mis la première version, en-dessous, histoire que tu y retrouves (peut-être) tes petits ;)

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    1. En effet, j'ai aussi changé la police de caractère, mais bon, ce n'est ce qu'on remarque en premier... ;)

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  3. Mais n'avais-tu pas droit qu'à une seule transformation ? et là avec Alice, il y en a deux ^^

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    1. Pas totalement faux... :)
      Disons que c'était si puissant que ça a fait deux pour le prix d'une !

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