La bombe sur un volcan

 

 

Son patron allait encore l’enguirlander. L’avion spécial n’avait pas été ravitaillé en carburant à temps et il y aurait du retard au décollage. Laurent en avait assez, ce voyage était un supplice. Sur cette île paradisiaque, c’étaient des vacances pour tout le monde, sauf pour lui. Il était l’assistant d’un des hommes les plus riches du monde, et il avait l’impression que son seul rôle, c’était de servir de défouloir à tout le monde.

– Mes bagages ne sont pas encore à bords ?

La belle oiselle blonde, en paréo et maillot de bain, souleva ses lunettes de soleil de grande marque pour poser sur lui des yeux immobiles de reproche. Ça, c’était le bouquet ! Même les escorts engagées pour la distraction se permettaient de le regarder de haut !

Mais après tout, la jolie fille avait raison, Laurent n’était rien de plus qu’un larbin… Pourtant, son père était un cadre haut placé dans la multinationale de son patron, mais il lui avait définitivement coupé les vivres après son dernier échec aux examens de l’université. Faisant jouer les relations de sa famille, Laurent avait pu trouver cette place de petit assistant mais, même cela, il n’était visiblement pas capable de le faire correctement.

Une fois l’avion en l’air, ce fut l’orgie, comme d’habitude. Le patron aimait les filles en paquet et les escorts ne chômaient pas, avec lui. Les beautés y passaient toutes en même temps et, au fond de l’appareil, assis tout seul, Laurent essayait de ne pas entendre. Peu après, leur travail accompli, trois des filles presque nues vinrent s’asseoir devant Laurent et s’amusèrent de son trouble face à elles. Elles étaient belles, elles étaient jeunes et leur chair était si proche, mais elles n’étaient pas pour lui.

 


«  C’est sûr, elles ont la belle vie, elles ! » Pensa fugacement Laurent.

L’escale suivante fut l’occasion d’une nouvelle humiliation. Son chef confia à Laurent le soin de promener les filles sur l’île. Faire le chauffeur, juste ça, rien de bien compliqué en somme. Pour Laurent, cela voulait dire : on n’ose plus te confier la moindre tâche importante, tu n’es bon qu’à faire les courses. Il rongeait son frein au volant, en ignorant les beautés qui s’amusaient à l’arrière du 4x4, toutes presque aussi nues que dans l’avion. Pour comble de malchance, au retour, les filles voulurent passer par les petites routes escaladant le volcan et Laurent perdit son chemin. Il redescendit par n’importe quel chemin et termina sur une petite plage, isolée de tout. C’en était trop ! Laurent coupa le contact et alla s’allonger sur le sable. Les filles le taquinaient mais il ne répondait plus rien. Comme la nuit tombait, elles décidèrent de rester là jusqu’au lendemain. Elles allumèrent un grand feu sur la plage et se mirent à faire la fête.

Dans le noir, loin du feu, la vieille sorcière noire et décharnée s’approcha de Laurent sans même qu’il l’entende. Il la découvrit brusquement juste à côté de l’endroit où il s’était allongé.

– J’ai entendu ton souhait, tout à l’heure. Tu veux leur vie, n’est-ce pas ?

La vieille femme parlait un créole incompréhensible mais, pourtant, sans réaliser comment, Laurent parvenait à déchiffrer ses paroles sans difficulté. En revanche, il n’arrivait pas à comprendre à quoi elle faisait allusion… La vieille secoua la tête de haut en bas, comme pour faire entrer les choses dans le crane d’un enfant têtu.

– Dans le ventre de l’oiseau chromé, tu voulais devenir une fille comme elles.

Laurent n’était pas d’humeur à plaisanter, vraiment, et il se redressa pour dire à l’autre d’aller se faire cuire un œuf. Un filet de voix aiguë sorti de sa gorge, pendant que ses yeux tombèrent sur son buste, qui comportait deux renflements pas du tout habituel chez un garçon. La sorcière avait changé son corps en femme ! Il allait crier, lui dire d’annuler cette magie, mais en tournant la tête vers elle, il vit qu’elle avait déjà disparu, avalée par l’obscurité.

Laurent regarda les filles qui s’amusaient et qui n’avaient rien vu de sa métamorphose. Il regarda son corps, sous la clarté de la lune. Il se tâta un peu partout, forçant son esprit à rester calme. Il était bien une femme, aussi femme que si on l’avait mise au monde ainsi ! C’était fou mais c’était pourtant réel ! Il rejoignit les filles. Il se sentait étrangement bien… à sa place.

Elles avaient sorti des provisions de la voiture, plus quelques bouteilles achetées en duty-free durant l’après-midi. Elles étaient déjà ivres et firent à peine attention à cette nouvelle venue qui se déshabilla sans un mot pour les rejoindre. « Qui sait, pensa Laurent, c’est peut-être à ça que je suis destiné… ». 

 

Le lendemain matin, au réveil, Laurent était toujours une fille, mais il était seul sur la plage. Ne trouvant pas leur chauffeur, les escorts avaient visiblement repris la voiture, en laissant là cette jeune femme qu’elles ne connaissaient pas. Elles avaient dû penser que c’était juste une vacancière faisant du camping dans les environs. Laurent regarda la mer, le ciel, la plage, le volcan imposant derrière la route, il regarda ses quelques vêtements d’homme qu’il avait roulé contre un rocher un peu plus loin, avec quelques dollars en poche seulement.

– Ça commence bien !

Il baissa les yeux sur son splendide corps féminin et haussa les épaules. Après tout, désormais, qu’importe les petites mésaventures. Il avait tout ce qu’il faut à un garçon comme lui pour être heureux…

 


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