Détours de magie

 


Les filles s’étaient toutes levées et les garçons restaient assis. Mon amie jeta un petit regard vers moi. Un éclair de sourire très féminin traversa son visage, les lèvres relevées en coin et l’œil légèrement pincé. Cela donnait un air étrange à ses traits d’homme. Surtout qu’il s’agissait de mes traits d’homme à moi ! J’ai fini par comprendre l’allusion silencieuse et je me suis levé à mon tour, débarrassant pour aller faire la vaisselle en bonne fille. Mes talons me donnaient cette drôle de posture gênante, dressées sur la pointe des pieds, cambrant mes fesses et faisant rouler ma démarche, pendant que ma poitrine ballottait dans mon décolleté. Suivant les conseils de mon amie, je n’avais pas mis de soutien-gorge et ça me donnait une impression bizarre. Mon corps oubliait toujours que j’étais une femme et les sensations qui venaient me le rappeler était comme des dissonances, des décalages dans ma tête. Fred, un de mes bons copains, glissa un regard vers moi pendant que je me penchais sur la table, donnant un coup d’œil express sur mes hanches toutes proches et ma gorge presque au niveau de sa joue. Je le sentis au mouvement de sa tête, sans même avoir besoin de regarder. Tout de même, Fred, je ne pensais pas qu’il se permettrait de me mater ma copine comme ça !

Parce que ma copine, c’était moi, et moi, c’était ma copine. J’avais trouvé un vieux livre de sort et nous avions essayé l’échange de corps. C’était presque par jeu, sans y croire, sauf que ça avait diablement bien marché ! Depuis, j’étais une femme et, elle, elle faisait l’homme. Et la garce en profitait ! Elle abusait de mon corps pour jouer les machos, prétendant qu’après tout, elle se contentait de m’imiter à la perfection et que ce n’était là que la monnaie de ma pièce. Elle exagérait, je n’étais pas ce genre de macho-là, quand même. Enfin, peut-être un peu, mais pas tant que ça… Elle passait ses soirées avec mes potes, à se gratter les couilles en jouant aux jeux vidéo, et elle me demandait si j’avais mes règles chaque fois que je lui faisais une remarque. Le soir, quand elle me grimpait dessus pour me tringler comme on se débarrasse de quelque chose, je trouvais ça affreusement frustrant. Mon corps était bien plus sensible, maintenant que j’étais une fille, et je voulais qu’on s’en occupe un peu. Au lieu de ça, j’étais étalé sous elle, secoué comme un paquet de linge, avec son souffle dans mon cou, n’ayant rien d’autre à faire que regarder le plafond. Le pire, c’est que j’aimais ça tout de même, mais pas assez vite. Le réacteur n’avait pas le temps de chauffer et, quand ma copine crachait sa jouissance avec mon pénis, moi, j’étais à peine lancé. Elle me laissait alors avec toute mon insatisfaction et s’allongeait à côté de moi d’un air satisfait, pour dormir tout de suite.

J’en avais assez et, plus d’une fois, je m’étais levé durant la nuit et j’avais ressortis le livre, pour retrouver la page du sort et l’annuler. Seulement, c’était un peu dommage. Je n’avais eu que les mauvais côtés, jusqu’à présent. Les dragueurs dans la rue, les mateurs de cul, les gros lourds qui collent, ma chère et tendre changée en gros enflé de phallocrate, ses propres copines complètement connes que je devais supporter, en écoutant leurs petites histoires de gonzesses frustrées… Bref, jusqu’à maintenant, c’était tout pour mon amie et rien pour moi. Elle ne semblait d’ailleurs pas pressée de reprendre sa place, ce qui voulait tout dire.

Jusqu’à cette nuit-là, pourtant, je n’avais jamais franchi le pas, finissant toujours par ranger piteusement le livre. Quelque chose me retenait. Une envie… Comme tous les mecs, j’avais fantasmé sur le plaisir des nanas. C’est vrai, on est tellement en chien après elles qu’on s’imagine facilement que tout est simple, de leur côté. Elles ont la clé de la boite à bonbon, après tout. Tout leur matos à fantasme, elles l’ont sous la main et elles en font ce qu’elles veulent. Bref, je voulais jouer au moins une fois la partie du côté des gagnantes. Finalement, ce soir-là, je me décidai. Pas pour annuler l’échange de corps, non, mais pour aller voir les autres sorts disponibles. Il y en avait des tas, et des bien sympathiques.


Tu ne comptes pas sortir comme ça, j’espère ?

Ma copine n’en revenait pas, et elle faisait les yeux ronds avec mon visage d’homme. Dans mon miroir, la salope avait une petite moue charmante. C’était moi ! J’avais utilisé le sort « bimbo » et, depuis, ça me bimbotait de partout à l’intérieur. Une vraie Barbie grandeur nature, avec du plastique à la place du cerveau. C’était adorable ! Surtout que je m’étais pimpelochée en pure petite pouf et que ça donnait un maximum.

Ben quoi ?, répliquai-je en jouant les innocentes sans y mettre aucune conviction, Tu as bien dragué Mélanie, l’autre soir. Et devant mon nez encore ! Tu ne vas pas me jouer les jalouses, tout de même ?

Je suis sortie et j’ai fait la fête toute la soirée. Et après la fête, j’ai encore fait la fête, mais plus pareil. Cette fois, c’était avec tous ces beaux garçons et ils donnaient sec du piston pour me faire jouir. Ils étaient si choux !


Non mais, arrête, il s’agit de mon corps, je te rappelle !

Oh, n’en fait pas une maladie ! Tu es bien plus belle comme ça...

Cette fois, c’était le sort « pin-up ». Le corps de ma copine était plutôt pas mal, c’est vrai, mais comparé à la plastique invraisemblable que j’avais maintenant, soyons honnêtes, c’était un boudin... Je n’avais plus un milligramme de peau au mauvais endroit. Avec ça, des yeux immenses qui semblaient capable de percer un coffre-fort tellement ils étaient intenses, une démarche chaloupée en diable, des courbes et un visage à faire passer Vénus pour une bossue tordue de la gueule, une chevelure sortie d’un fantasme de coiffeur… C’était vraiment impressionnant !

Et alors là, sur mon passage, tous les mecs étaient changés en loups de dessin animé. Leurs yeux tombaient par terre, leurs mâchoires claquaient en se décrochant, ils perdaient la parole et parfois le souffle et je crois bien que j’ai provoqué un ou deux accidents de la route, rien qu’en marchant dans la rue.

Rien ne t’arrête, décidément, tu n’es plus tenable !

C’est le bitch power, sister. Bien obligée de tenir les mecs par les couilles, sinon tu n’en tire rien de bon…

C’était le sort « crazy love » et, d’un battement de cil, je pouvais les rendre amoureux. C’était un sort à la carte et j’évitais de l’utiliser contre mon amie. Après tout, elle était dans mon corps d’homme et on n’est jamais trop prudent. Mais avec tous les autres, je m’en donnais à cœur joie ! Ils étaient tous à mes pieds, un genou à terre, la main sur le cœur. Ils me couvraient de bouquets, de bijoux et de cadeaux, en bon chevaliers servants prêts à tout pour moi. Je leur brisais le cœur d’un murmure et je jouais avec eux comme s’ils étaient des marionnettes. Ils menaçaient de se tuer si je ne leur cédais pas mais, les pauvres, ils m’ennuyaient tellement avec leurs déclarations d’amour. La vie d’une croqueuse d’homme est si compliquée, parfois…

Enfin, bref, je m’amusais comme une petite folle !


Dis-donc, je te trouve un petit quelque chose. Je ne savais pas que j’étais si séduisant, en mec… Ça te dirait de venir me retrouver sous les draps ?

Ma copine me faisait un de ces effets, depuis ce matin. Il y avait dans sa carrure, dans son regard un je ne sais-quoi qui me faisait fondre rien qu’en y pensant. J’avais soudain très envie que son corps de mâle vienne tout contre moi. Elle posa ses mains d’homme sur ma peau et mon cœur chavira. Ensuite, elle me fit l’amour comme un demi-dieu conquistador, m’apprenant des sortes de plaisirs dont je n’avais même pas osé imaginer l’existence !

Après l’extase, alors que je me lovais contre son corps viril, toute soyeuse et bonne chatte, ma copine me demanda d’un ton léger :

Alors, qu’est-ce que tu penses de ce sort « Casanova » ?

J’enrageais déjà, en pensant à toutes les autres pétasses qui allaient jouir sous ses caresses. En même temps, je me disais qu’on n’avait pas fini de s’amuser, mon amie et moi, avec ce livre de sort…





Commentaires

  1. Super intéressant comme concept pour une super histoire bravo!

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    1. Que mes histoires plaisent et m'en voilà tout rose de contentement...
      Merci !

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