L'Oscar et la putain

 


« Vous voulez que je vous parle de Xavier ? C'est un peu compliqué. Dans cette affaire, il n'y a que des faux-semblants, et rien n'est jamais vraiment comme cela semble être. Tenez, un bon exemple, vous voyez cette photo ?

 


Je l'ai faite il n'y a pas longtemps. Regardez ces femmes en robes de soirées, sur scène, avec un micro. Fatalement, vous les prenez pour des stars. Oubliez ça, ce ne sont que des putes ! Elles gagnent leur vie en s’exhibant complètement à poil et en se laissant prendre devant tout le monde dans les postures les plus embarrassantes. Ce sont des actrices de films X !

J'ai pris la photo pendant la remise des AVN Awards, les oscars du porno. Ces filles qui essaient de se donner des airs, c'étaient les maitresses de cérémonie. Au même moment, mon ami Xavier était dans les coulisses. Il trimballait ses gros seins et son joli cul nerveux à travers cette volière, en se demandant ce qu'il faisait là. Hé oui, Xavier, maintenant, c'est un type qui a un corps de femme. C’est une belle fille d'ailleurs, avec des courbes qui donnent des idées aux messieurs. Pauvre Xavier ! Je vais vous raconter comment il s'est retrouvé dans ce guêpier… »

Xavier était à Hollywood depuis quelques mois. C’était le petit français plein d’enthousiasme venu chercher le rêve américain. Il était scénariste. C'est dans une soirée que je l'ai rencontré, une de ces fêtes privées où se pressent les starlettes en mal de contrat et les producteurs en mal de chair fraiche. Il accompagnait une de ses amies, une fille que j'avais croisée sur plusieurs castings. Je lui ai plu tout de suite, à Xavier – je fais souvent cet effet-là aux hommes – et, très vite, nous avons emménagé ensemble. Ce n'était pas vraiment un petit copain très amusant, il consacrait la plupart de son énergie à se faire un nom dans le métier, mais j’appréciais ça. Les jolies filles comme moi passent leurs vies poursuivies par des grappes de types qui ont l'air tous plus formidables les uns que les autres mais, quand on va un peu au fond des choses, on découvre que toutes leurs belles promesses, ce n'est que du vent. Xavier, lui, c'était un garçon sérieux, et il avait un vrai talent. Moi, je le secondais de mon mieux. Je croyais en sa chance.

Un jour, il m'a demandé de venir dans le salon et il m'a fait asseoir sur le canapé. Cela faisait plus de deux semaines qu'il travaillait sans relâche et ne sortait presque pas de son bureau. Il semblait à bout, ravagé par la fatigue et la contrariété. Il marchait de long en large devant moi et parlait en faisant de grands gestes.

– Chandra, j'ai eu une idée, je sens qu'il y a quelque chose dedans… C'est un truc fabuleux ! Un billet garanti pour les Oscars.

– Oh ! Ai-je dit en levant un sourcil. C'est pour ça que tu as l'air si joyeux, Xavier ?

Son regard bouillonnait de dépit et ça le rendait presque sauvage.

– Ne te moque pas Chandra. Tiens, lis…

J'ai passé une demi-heure à parcourir son texte, et franchement, plus j'avançais, plus je me demandais si je ne m'étais pas trompée complètement sur ce garçon. Et cette idée m'exaspérait au plus haut point car, généralement, j’estime être de celles qui savent juger les hommes.

– C'est une plaisanterie, Xavier ? C'est le pire ramassis de banalité que j'ai rencontré dans ma vie !

– Je sais Chandra, ça ne vaut pas un clou ! C'est ça le drame : rien ne sort. J'ai beau tourner les choses dans tous les sens, tout ce que j'écris ne mérite même pas de servir de papier toilette ! Pourtant, je te jure, l’idée était là, et regarde ce que j’en ai fait !

J'ai repris le scénario et je l'ai relu plus attentivement. C'est vrai qu'il y avait quelque chose, si on faisait abstraction de l'épaisse couche de fadaises inconsistantes qui noyait le tout. Je reprenais un peu espoir et je commençais même à entrevoir des possibilités. Petit à petit dans mon esprit, un projet se formait, les éléments s'emboîtaient les uns après les autres, dans une vision qui devenait parfaite. La partie allait être délicate, bien sûr, mais je ne suis pas le genre de fille qui a froid aux yeux.

Les femmes ont plus de sens psychologique que les hommes, c'est une chose que j'ai pu constater personnellement. Je connaissais mon Xavier et j'avais bien perçu ce qui le bloquait, l'ingrédient qui lui manquait pour exprimer tout son talent créatif. Mais lui, le pauvre, il ne se rendait compte de rien et, bien sûr, je devais prendre les choses en mains.

– Ton problème, c’est que tu sais bien quels sentiments mettre en scène, mais tu ne sais pas les exprimer. En somme, tu comprends tout, mais de loin, comme dans un livre. Il n’y a pas le sang qui pulse et l’indéfinissable désordre de la vie. Quelque part, tu es trop pur, Xavier. D’ailleurs, ton histoire, c’est bien ça, n’est-ce pas ? Une âme pure qui découvre la turpitude de monde, jusqu’à tomber elle-même dans l’abjection ?

Je l’ai regardé et Xavier avait cet air enfin soulagé de quelqu’un qui se sent compris. Il était mûr pour accepter ma proposition.

– Il va falloir me faire totalement confiance et m’obéir aveuglément, Xavier. Tu verras des choses extraordinaires, tu vivras des choses incroyables, et il faudra tout de même me faire confiance au point de ne même pas poser de question. Sans cela, ce n’est pas la peine de commencer ! Tu le jure ?

Il jura et je lui tendis une petite fiole.

– Bois-en la moitié !

– Et qu’est-ce que ça va me faire ton…

– Xavier ! Tu as juré !

– Bon, bon, sans poser de questions, d’accord…

Xavier avala une petite gorgée de liquide et me rendit la fiole à demi-pleine.

– Très bien, Xavier. Dès demain, je te présente à Syd Raimy, et tu travailleras pour lui comme correcteur.

– Correcteur ? Jamais de la vie ! Je…

– Xavier !

Il baissa la tête et fit un moulinet de la main dans ma direction, comme pour dire que c’était désormais moi la patronne. Xavier avait beau faire la tête, parce que les correcteurs, n’est-ce pas, ce ne sont que des pisses-vinaigre qui ne songent qu’à massacrer le travail des autres, je savais bien qu’en même temps il ne boudait pas son plaisir à l’idée de travailler pour un type comme Syd. C’était une sorte de légende dans le cinéma indépendant, et la moitié des films qui avait poussé Xavier à vouloir faire ce métier avait été produit par lui !


Xavier regardait son reflet dans la vitre. Depuis ce matin, quelque chose le dérangeait en lui, une impression diffuse, un sentiment bizarre, l’impression de ne pas vraiment être lui-même, sans qu’il puisse dire pourquoi… Un livret épais tomba sur son bureau, le tirant brusquement de ses pensées.

– L’auteur de celui-là, il se prend pour Terence Malik !

Syd était déjà repartit, lui laissant le script. Xavier allait devoir à nouveau tailler et trancher dans tout ça, afin d’en sortir quelque chose qui pourrait convenir à son patron. Xavier soupira, puis sortit son gros stylo rouge et tourna la première page.


Le lendemain matin, le miroir renvoya à Xavier une image encore plus étrange que la vieille. Il voyait maintenant les pointes de ses cheveux s’éclaircir légèrement, blondir comme celle d’un enfant. Il se voyait plus petit, plus menu. Ses bras avaient perdu en muscle et son visage s’était arrondi. « Qu’est-ce qui m’arrive ? ». Aux pieds, ses chaussures s’étaient mises à flotter et son pantalon pendait en accordéon sur sa taille. Quant à ses manches, elles lui recouvraient presque totalement le haut des mains. Xavier se frotta la joue. Sa peau était bien lisse et il ne sentait pas sous ses doigts la piqûre de la barbe du matin. Dans la glace, le visage étrange regardait Xavier, sans comprendre.

– Chandra, je n’ai plus rien à me mettre !

– Ce n’est pas aux filles de prononcer ce genre de phrase, Xavier ?

– Je ne plaisante pas, plus aucun vêtement ne me va ! Regarde : tu vois bien que mon corps change !

– Ne t’occupe pas de ça, tout se déroule comme prévu.

– Parce que, ça, c’était prévu ! Mais enfin c’est impo…

– Xavier, pour la dernière fois, laisse-toi faire et fais-moi confiance… Viens, je vais te prêter mes habits.

– Bon, ok, merc… Hé, non ! Je ne vais quand même pas sortir habillé en femme !

– Pauvre chou, va ! Tout honteux de porter des habits de fille ! Mûrit un peu, Xavier !


Dans la rue, Xavier n’attira pas vraiment les regards – il portait des choses plutôt unisexes, en fait – mais il avait l’impression que tout le monde était grand autour de lui. Les hommes comme les femmes semblaient avoir pris des centimètres à mesure que lui-même en perdait et cela déroutait complètement sa manière de placer son corps. Il n’avait plus cette impression rassurante de pouvoir fendre la foule.


À la machine à café, la grande rousse de l’accueil s’approcha à côté de Xavier et son corps tendu en posture séductrice se relâcha soudain lorsqu’elle s’appuya sur le buffet. Le dos ramassé et la tête penchée, elle était déjà beaucoup moins sexy.

– Pfiuu, j’en ai ma claque des mecs ! Ce porc de Big John est encore venu me faire du rentre dedans ! Cette manie qu’il a de vouloir me pincer la joue ! Juré, s’il retente ça encore une fois, je vais le mordre !

– Tu perdrais ton boulot, ma vieille ! Big John est un connard, mais il est cadre…

La brunette un peu trop grassouillette qui travaillait au service du personnel était venue se joindre au groupe. Au milieu des deux filles, Xavier ne disait rien. Il les regardait alternativement, l’une et l’autre, parler de leurs affaires de femmes, entre femmes, tout en prenant Xavier à témoin de temps en temps. Elles le traitaient vraiment comme s’il était l’une d’elle !


Tout allait en s’aggravant, jour après jour. Xavier avait maintenant une vraie silhouette ! C’est-à-dire qu’il n’avait plus un corps en trapèze monolithique, posé sur deux jambes droites, caractéristique d’un homme bien bâtit. Tout était plus fin et plus courbé. Ses épaules étaient plus étroites et ses bras beaucoup plus maigres, son torse s’incurvait jusqu’à la taille, qui se serrait, avant de repartir en courbe vers ses hanches. Ses fesses étaient plus rondes, et plus grosses aussi… Alors que Xavier prenait la mesure de tous ces changements en lui, un homme entra dans les toilettes masculines et le fixa bizarrement, avant de renoncer aux urinoirs pour aller dans un des W-C fermés. Xavier se sentait presque comme un intrus ! Ses cheveux avaient encore blondi et ils s’allongeaient incontestablement, frottant maintenant ses épaules. Ses yeux s’éclaircissaient et Xavier les trouvaient plus grands, dans son visage.


– Ce n’est plus possible, Chandra ! Qu’est-ce que tu m’as fait boire ?

– Tu le sauras en temps voulu. Mais dis-moi, Xavier, entre tes jambes, ta fierté masculine n’en prend pas un coup ?

– Ne m’en parle pas, j’ai l’impression d’être de nouveau un enfant de 10 ans ! Et puis… plus personne ne me reconnait, à part mon patron, mais je te soupçonne d’avoir mis ton bon ami Syd dans la confidence, n’est-ce pas ?

– Syd n’est pas mon ami. Une fille qui a autant traîné ses fesses que moi a un carnet d’adresse, c’est normal, avec dedans pas mal de gens qui lui doivent des services. Mais ne t’imagines pas qu’ils donneront autre chose qu’un service. Dans la vie, Xavier, c’est chacun pour soi !

– En attendant, tout le monde va me prendre pour un monstre, avec ma tête qui se transforme de jour en jour !

– Nous sommes à Hollywood, mon cher. Ici, tout le monde peut admettre que tu prennes des hormones pour changer ton apparence !

– Tu ne me feras pas croire que des hormones peuvent avoir ce résultat-là ! Qu’est-ce que je suis en train de devenir ?

– En tous cas, je te rassure sur un point : intellectuellement, tu es toujours le même. Lourdaud comme un homme !

Chandra éclata de rire…


Xavier passait ses journées à corriger les scénarios des autres et il biffait comme une bonne machine. Il avait fini par comprendre qu’ici, comme dans n’importe quelle major Hollywoodienne, on produisait des films comme on produit de la soupe. C’était la liberté balisée, l’usine à idées convenables… Xavier repensait souvent à l’histoire de l’anticonformiste venu un jour au travail sans cravate, puis tout le monde l’a imité pour venir au travail sans cravate, et le dernier à venir au travail avec une cravate se faisait regarder de travers par tous les autres. L’anticonformisme devient toujours le conformisme de demain, n’est-ce pas ? Xavier avait enfin admis qu’ici, on était dans cet anticonformisme-là, cet anticonformisme des petites cases bien rangées, et ça le déprimait.

Et pire que tout, après ce travail de boucher intellectuel, il se retrouvait devant un inconnu dans la glace, parce que dans la journée son corps avait poursuivi son évolution. Les joues de Xavier ne portaient plus aucune barbe, même fugace, et son front avait perdu les deux plis qui le barraient. Sous ses mains, il sentait que ses cuisses étaient maintenant deux belles pièces un peu graisseuses, bien trop molles pour lui. Quant au ridicule robinet de son sexe d’homme, il se trouvait désormais à la verticale, entre ses jambes, minuscule petite excroissance pendouillante, et cela obligeait Xavier à s’accroupir pour faire pipi. Ses cheveux avaient dépassé ses épaules pour commencer à descendre le long de son dos et son regard avait complètement changé, des pupilles jusqu’à la ligne des sourcils. Désormais, ses collègues demandaient à Xavier ce qu’il prenait, pour avoir des résultats aussi spectaculaires, et, lorsque Xavier ne répondait rien, ils riaient de sa manie de vouloir garder le secret. Au moment où certain commencèrent à le fixer au niveau des pectoraux, Xavier réalisa qu’il allait être temps…

– Chandra… prête-moi un de tes soutien-gorge…

– Répète-moi ça, Xavier ?

– N’en profite pas, veux-tu ! Cela fait plusieurs jours qu’ils poussent. Au début, ce n’était que deux petites noisettes, à peine comme des boutons. Et puis ça s’est mis à remuer sur moi, à suivre mes gestes avec des tremblements, sans compter que ça m’irritait sous mes chemises. Ils ont grossi tous les jours… Tu ne peux pas comprendre ce que ça fait à un homme, d’avoir des seins !


Quelques jours après, vers la fin de la première phase, Xavier passa une soirée entière devant la glace, les cuisses écartées. Il touchait doucement ses lèvres. Ce mot tournait dans sa tête. Des lèvres. Avoir des lèvres entre les jambes, ça semblait anatomiquement bizarre, non ? Comme une bouche en fait, qui serait placée là. Les doigts de Xavier exploraient la peau toute rose coincée au fond de tout ça, il sentait l’entrée de l’orifice qui s’était formé, solidement serré, et il n’osait pas forcer pour glisser son ongle dedans.


– Chloé, ou alors Claudette, ça fait si frenchy !

– Chloé ira très bien… Je n’en reviens toujours pas, Chandra ! Je suis vraiment une femme !

– Oh, ne rêve pas, Chloé, tu es loin d’être une femme. Il faudrait que tu perdes ta démarche de grand dadais et que tu arrêtes ce ridiculement roulement d’épaules. Et puis ton corps est encore bien trop épais. Tu es presque entre les deux, en somme…


Syd jeta le dernier scénario à l’étude vers Chloé, si violemment qu’il manqua de peu sa figure.

– Tu me vire cette scène, bordel, ce n’est pourtant pas compliqué !

– Mais ça ne veut plus rien dire ! Ce n’est plus qu’une histoire merdique sans queue ni tête si on retire ça ! Et on ne comprend plus pourquoi ils se séparent à la fin !

– Rien à foutre que les gens comprennent, tu ne piges pas ça ? Ils viennent voir mes films pour ne rien comprendre, pauvre cloche. Allez, barre-toi, va te chercher un travail ailleurs, tu me gonfles !


Revenu à la maison, Chloé se prenait la tête entre les mains.

– Ce mec, pour moi, c’était un demi-dieu, tu comprends ? Et je découvre un… un marchand de saucisses !

Xavier regarda le tas de feuilles blanches qui venait d’atterrir devant lui.

– Écrit ! Maintenant, tu reprends ton scénario et tu écris pour toi !

– Chandra, si tu t’imagines que j’ai l’esprit à…

– Écrit !

C’était une minirobe, très mini et très dévoilée et Chloé se tortillait là-dedans.

– Je te rappelle que je suis un homme, moi !

– N’oublie pas de le signaler à tous les mecs qui vont te reluquer, je suis certaine que ça va les pa-sio-nner ! En attendant, tu es une femme qui va travailler, alors tu fais comme toutes les femmes et tu te fais belle ! OK ? Surtout que c’est ton premier jour…

– Je ne le sens pas, ce boulot…

– Qu’est-ce que tu veux qu’il arrive ? Tu vas être l’assistante de Rob Thomas ! Le réalisateur des Mellow Melodies. La série la plus familiale depuis l’invention de la famille… Tout rose, tout familial, tout sucré, complètement familial, tout sirupeux et aussi très familial.

– Et cette robe, elle est familiale, peut-être ?

– Non, mais je connais Rob…

Dans la rue, Chloé baissait les yeux. Les hommes aussi, mais eux c’était pour fixer la viande. Le corps de Chloé était presque achevé, maintenant, et elle avait une jolie paire de seins qui dansait dans son décolleté ouvert. Derrière, c’était sa paire de fesses bien rebondie et emballée court dans le tissu qui chaloupait en leur donnant des idées, sans parler de ses longues cuisses nues qui tricotaient…

La première journée de travail, tout se passa bien, à part la gêne de Chloé dans ses vêtements trop court. La deuxième journée, Mr Thomas posa sa main sur sa cuisse, alors qu’elle attendait comme une potiche assise à côté de lui qu’il l’envoie faire quelque chose. Chloé se raidit, mais ne bougea pas. Elle resta cinq minutes dans le bouillonnement de l’incertitude, alors que l’homme donnait tranquillement ses ordres à son équipe, en laissant cette main sur la peau nue de Chloé. Est-ce qu’elle devait se dérober ? Envoyer une gifle ? Xavier se disait qu’il aurait su quoi faire, s’il avait encore été un homme, mais chaque fois qu’il voulait réagir, il se rappelait qu’il était dans un corps de fille et une mollesse étrange le laissait posé sur place. Chloé finit tout de même par se plaindre un peu…

– Heu, s'il vous plait, votre main…

Le réalisateur ne bougea même pas la tête, concentré sur la scène qu’il dirigeait. Il se tourna finalement vers Chloé.

– Qu’est-ce que tu as dit, poupée ?

Alors que Chloé rassemblait son courage pour lui parler en face, et qu’elle ouvrait la bouche, l’homme donna une tape sur sa cuisse.

– Tiens, vas donc me chercher un café, tu seras mignonne.

Xavier, au fond du corps de Chloé, sentait de toutes ses forces qu’il ne devait pas céder, mais l’indolence de la jeune femme qu’il était devenu le fit obéir, bouger son corps pour se lever et aller chercher le café. Xavier se contenta même de glousser nerveusement quand la main lui caressa les fesses ! Il était vraiment en colère, contre ce mufle mais surtout contre lui-même. Qu’est-ce qui lui prenait, de se laisser faire ainsi ? C’était ça ? Il n’était qu’une pouf blonde qu’on commande à la claque au cul ? Il n’avait qu’une envie, c’était de tout envoyer promener ! Pourtant, il tendit le café à Mr Thomas et repris sa place à côté de lui. La main se reposa sur sa cuisse.


Le troisième jour, Rob avait demandé à Chloé de passer le prendre chez lui. En entrant chez son patron, elle tomba sur l’autre assistante de Mr Thomas. Elle était étalée sous Mr Thomas, sur le ventre, et lui, tout nu, allongé sur elle, il donnait des coups de bassins dans ses fesses, en soufflant très fort. La fille déshabillée, enfoncée dans le canapé par la brutalité du vas-et-viens, ouvrait la bouche pour laisser échapper son orgasme forcé.


Chloé resta devant la porte de la maison, jusqu’à ce que la fille sorte.

– Désolée pour tout à l’heure, j’ai frappé et il m’a dit d’entrer.

– T’inquiète pas, il l’a fait exprès. Ce sera bientôt à ton tour d’y passer, tu sais…

Xavier passa la soirée à y penser. Il n’arrêtait pas de répéter qu’il n’en était pas question.

– Xavier, ce que tu peux être capricieuse, depuis que tu es une femme. Ça ne va quand même pas te tuer de te faire démonter un bon coup, non ? Des millions de femmes supportent ça tous les jours, et elles ne s’en portent pas plus mal, tu sais.

– Mais enfin, Chandra…

Xavier ne savait plus quoi répondre. Énervé par le mouvement de ses seins sur son torse, il essayait de les maintenir en place tout en continuant les cent pas. Il trouvait ridicule d’être ainsi à la fois en colère et incapable de résister aux ordres qu’il recevait. Il ne sentait en lui aucune subtilité, aucun recul, il n’était capable d’aucune forme de ruse. Il se contentait d’essayer de recourir à une force de caractère qu’il n’avait plus.

– Ce que tu ne réalises pas, Xavier, c’est que pendant ce temps, tu écris enfin quelque chose de valable. Tous les soirs, ton travail avance, et crois-moi, cette fois, c’est sacrément bon ! Tout ça te nourrit, Xavier. Tu ne le vois pas, mais c’est ce qui te manquait ! Alors arrête de discuter, et subit comme une bonne fille !


« C’est un dépucelage ! » pensa Xavier. Il parvint à crier que c’était sa première fois et Mr Thomas, déjà couché sur Chloé, ses mains sur ses seins, sa verge déjà sortie, regarda la fille dans les yeux.

– Alors on peut dire que tu as de la chance, chaton, parce que je suis une sorte d’expert !

Il replongea la tête dans le cou de Chloé qui continua à se débattre sans y croire. Elle n’osait pas crier, de peur d’être ridicule, et Mr Thomas profitait de sa force pour la tenir en place. Il allait l’enfiler et Xavier aurait voulu pouvoir se battre, sentir dans ses bras ses muscles d’homme pour mettre une belle dérouillée à l’autre ordure, mais ses bras se faisait facilement maintenir d’une seule main, et l’autre lui riait dessus, prenant ses réticences pour des minauderies de fille qui aime que ce soit brutal. Si seulement Xavier n’avait pas eu cette saleté de corps féminin !

– Tu es prête, petite ? Je vais te rendre femme !

Le bout gonflé s’enfonça et écarta la chair serrée. Chloé avait le souffle coupé ! La petite résistance de l’hymen laissa la place à une grande déchirure soudaine qui laboura la pauvre fille. Ça avait craqué ! Le type se sentait fort. Il s’enfonça encore, jusqu’à ce que ses testicules viennent frotter les fesses de Chloé. Xavier n’en revenait pas ! Il sentait des bourses d’homme qui tapaient contre ses fesses, il avait un pénis d’homme planté dans le corps, et il était bien trop femelle pour y échapper ! L’hymen déchiré, le pistonnage commença. Brutal, complet, en secouant bien le corps de Chloé. Xavier voyait ses seins de femmes qui bondissaient sous ses yeux, en rythme.

Le plaisir n’était pas prévu au programme, selon Xavier. Se faire droitdecuisser comme une vulgaire promotion canapé, c’était une chose… Aimer ça, c’était exclu ! Sauf que Xavier était maintenant Chloé, et que Chloé était qune fille besognée par un homme. Cela vint d’un coup. À un moment, il n’y avait que l’impression d’être éclatée de l’intérieur, et puis l’instant d’après c’était délicieux. Cela monta comme une déchargé électrique le long de son corps et, quand cela arriva à sa tête, Chloé roula des yeux. Un petit cri gargouillant sortit de sa gorge et ses ongles se refermèrent sur les draps. Glissement après glissement, coups après coup, retrait après enfoncement, c’était meilleur à chaque fois ! C’était si intense que Chloé essaya à nouveau de repousser le grand corps posé sur elle, donnant de petits coups impuissants de la paume sur les grandes épaules, sans même savoir ce qu’elle voulait faire ainsi, le faire stopper ou aller plus vite. Sa bouche restait tout le temps ouverte, elle avait la gorge ponctuée de cris de plus en plus étourdis et ses paupières s’agitaient nerveusement par-dessus ses yeux, sans qu’elle puisse les contrôler.

 

A la fin, elle attrapa un coussin pour se l’enfoncer sur la bouche, mordant dedans comme une hystérique pour s’empêcher de hurler partout. Il lui éjacula au fond de l’orifice, sortit son bâton à plaisir d’entre ses cuisses, cracha un peu sur son ventre et termina sur son visage, alors que Chloé restait complètement interdite, vidée par le départ du sexe en elle. Elle reçut tout sans bouger…


– Ce type est un vrai salaud, Chandra. Quand je pense qu’il passe pour un modèle de vertu, Mr Marié-trois-enfants, membre des associations de défense morale, tellement… tellement familial ! Tu te rends compte qu’il est dans une ligue contre l’avortement ? Alors qu’il ne met même pas de capote !

– Qu’est-ce qu’on y peut, Xavier. Comme dit la chanson, « it’s man’s world », et les femmes doivent bien faire avec…

– Chandra, ne me prends pas pour une idiote ! Ne me dit pas que, toi, tu te laisserais faire comme ça ! C’est ce corps, tu comprends, je n’arrive pas à résister dans cette peau de femme.

– Tiens, c’est amusant, tu as parlé de toi au féminin…


Le matin, c’était le pire moment de la journée, pour Xavier. Parce que, dans son ventre, il y avait une sacrée démangeaison qui mettait une sorte de question dans sa tête : « aujourd’hui, est-ce que j’y passe ? Aujourd’hui, combien de fois ? ». Et le pire, c’est que c’était une question chargée d’impatience ! Xavier avait beau se raisonner, Chloé avait envie et, en allant au travail, elle roulait inconsciemment des hanches un peu plus fort à chaque fois qu’elle croisait un homme.

Ce jour-là, c’était vendredi. Le vendredi, c’était le jour des amis, et les filles étaient souvent partagées. On leur glissait à l’oreille d’être gentilles avec untel, et elles allaient contre lui, posant leur joli corps en maillot de bain sur les genoux de l’homme qui commençait à tripoter.


Vendredi, le jour des amis, des soirées, des sorties en mer sur les yachts, des robes déchirées et de la baise par surprise…

Chloé se retrouva à quatre pattes, dans une chambre, avec un inconnu par derrière et un type à peine croisé qui s’enfonçait dans sa bouche, tirant sur ses cheveux pour la faire sucer plus vite. Chloé serrait les draps dans ses doigts et Xavier ne voulait pas de ce plaisir, il ne voulait vraiment pas, il luttait de toutes ses forces. Mais les pénis étaient sans pitié et firent jouir la pauvre fille tant et plus. Ils terminèrent en jets larges avant de la laisser là, toute tâchée au foutre, un peu perdue après l’orgasme.


Comme Chloé avait son petit succès, un type se glissa immédiatement dans la chambre, pour occuper le trou encore chaud. Chloé essaya bien de s’échapper, mais l’autre n’eut qu’à la toucher entre les cuisses pour la soumettre. Xavier essayait de ne plus penser.


– Chloé est une salope, voilà tout. Ça arrive à des filles très bien, Xavier…

– Oh, Chandra, je t’en prie ! Ce matin, j’ai vu Joanie en larmes. Tu sais, ma collègue assistante. Ce con l’a mise en cloque ! Elle ne savait plus où se mettre, mais elle répétait que ce n’est pas grave, parce qu’il allait payer l’avortement. Mais comment les hommes peuvent-ils être aussi hypocrites ?

– Ah, pour ça, tu es mieux placé que moi pour répondre…

– Je parle de l’humanité en général, Chandra !

– Allons, Xavier, un peu de patience, nous sommes presque arrivés à nos fins. Tu continues ton scénario, n’est-ce pas ?

– Que tu dis ! J’écris de moins en moins bien. Je crois que tout ça me ronge la tête. Si ça continue je… je ne saurai plus écrire, c’est tout ! Tu vois, je sens des choses, comme ça, qui disparaissent de moi. J’ai l’impression que c’est mon corps qui me contamine. Ce n’est pas que le désir sexuel, c’est plus profond que ça. Je n’arrive plus vraiment à écrire, je n’arrive même plus vraiment à parler français, tout me vient en anglais maintenant, comme si c’était presque ma langue natale et je… je me sens tellement bête ! Vraiment, je deviens stupide, Chandra ! Je me mets à changer…

– Pour l’instant, contente-toi de prendre des notes de tout ce qui t’arrive, tu mettras le tout au propre après.


– Alors, ça va mieux, depuis que tu as quitté ton emploi de pute à tout faire ?

– Chandra, je n’arrive plus à rien…

– Sors, change-toi les idées !

– Non, mais, c’est bon. Je… Je n’ai pas envie de sortir.

– Pourtant, la dernière fois, tu avais plutôt aimé ça. Comment il s’appelait déjà ? Rodney ! Et celui d’avant ? David ? Les autres, je ne me souviens plus…

Chloé regardait consciencieusement ses pieds… Xavier en avait assez de ses instincts de petite pétasse prête à s’épingler sur la première bite venue !

Il se laissa faire malgré tout et se retrouva dans le grand night-club. Chloé avait soudain très envie d’aller au milieu de la piste, où tout le monde pourrait la voir.


Elle essaya un peu de résister, parce qu’elle savait bien comment cela finirait… L’envie fut tout de même la plus forte et Xavier alla danser comme une fille qui veut plaire aux hommes, avec des mouvements très déhanchés et des à-coups de poitrine pour attirer l’attention. C’est vrai que Chloé était une bien jolie blonde et son air peu farouche suscitait facilement des vocations chez les emballeurs de filles pour la baise vite-fait.

Moins d’une heure plus tard, Chloé, toute rouge, revint vers Chandra.

– Il y a Chico et ses amis qui vont me raccompagner…

– Combien d’amis ? Demanda Chandra.

Chloé regarda dans la direction du groupe d’homme, sans répondre. Elle savait déjà qu’elle allait se laisser faire. Il y avait encore beaucoup de colère, au fond de cette fille, mais en même temps les mains de Chico sur sa taille avaient allumé des impatiences entre ses cuisses et la jeune blonde n’arrivait plus vraiment à réfléchir convenablement. Quant aux regards de la bande d’ami, des regards de fauves à la bite prête à sortir, cela rendait la pauvre Chloé toute chose…


Chloé hurlait dans une chambre, prise à la queue leu leu par les types. Elle voulait s’enfuir de là, mais son corps était beaucoup trop affaibli par le plaisir pour tenter quoi que ce soit, et les hommes étaient si forts, ils la tenaient si bien, et ils continuaient sans pitié à l’assommer d’orgasme. Régulièrement, Chloé sentait les jets de sperme être jetés sur elle. Elle avait tellement envie d’y gouter ! Mais ce n’était pas possible, bien entendu, aucune fille qui se respecte ne ferait ça. Pourtant, peut-être qu’un petit peu, quand personne ne regarde… Un jet plus puissant que les autres tomba sur son visage, mais manqua de peu sa bouche ouverte. Il suffisait de passer sa langue dessus, ce n’était qu’un petit geste, personne ne verrait, mais Chloé essayait encore de résister…


– Bien entendu, Xavier, tu commences à avoir une réputation. Tous mes amis veulent que je leur obtienne un petit tête-à-tête avec la machine à baise qui écarte plus vite que son ombre ! Il faut dire… Un mot de travers et tu es déjà à poil ! Quant à mes amies, ma pauvre fille, elles me parlent aussi de toi, surtout celles qui sont en couple, mais c’est plutôt pour menacer de t’arracher les seins avec leurs ongles si tu t’approches de leur régulier. Bref, on ne peut pas dire que tu passes inaperçue…

– Ben oui… Comme tu dis Chandra, je suis une salope et il n’y a pas de honte à ça… N’empêche, j’ai pris des notes, comme tu me disais de le faire, mais tout ce que j’obtiens, c’est un journal de jeune putasse qui fait la pute ! Tu sais, j’ai l’impression d’avoir l’âge mental d’une adolescente…

– D’accord, mais une adolescente sacrément en chaleur !

Xavier eut un reste de haine qui lui passa dans les yeux. Ces derniers temps, pourtant, il n’arrivait même plus à se mettre en colère. Il subissait, comme une fille faite pour ça, et il aimait bien trop être une belle Chloé-couche-toi-là qui sopaline tout le foutre qui passe pour pouvoir se plaindre. Au fond de cette blonde, il restait tout de même des lambeaux de révolte, c’est évident, mais ça ne sortait plus.

– Tu n’écoutes pas, Chandra ? Je n’écris plus ! À quoi ça sert, si je ne suis pas capable de boucler le scénario ? Il faut mettre fin à tout ça, et puis tant pis !

– C’est toi qui n’écoutes pas, Xavier. Les choses se déroulent exactement comme prévu, au contraire, et il va être temps de jouer le dernier acte.


Une belle carrure, pour une fille comme Chloé, c’est le plus important. Elle aime se sentir confortablement dominée par l’homme quand il se vide sur elle. Elle adore cette sensation d’être contrôlée par le corps d’un mâle et elle a besoin de se sentir écrasée quand on la pine. Bien entendu, Xavier trouve que c’est dégradant et il déteste ça mais, depuis longtemps, il n’arrive plus à lutter contre les plaisirs débordants de son corps de Chloé.

L’autre, le bel amant qui commence à prendre des droits sur Chloé, c’est un acteur débutant, mais avec une grande carrière devant lui, Chloé en est certaine. Xavier se dit parfois qu’il avait tout de même plus de jugeote lorsqu’il était un homme. Mais, désormais, il est Chloé et c’est une fille qui se laisse si facilement éblouir… Et puis l’autre sait la tenir. Non seulement il la rompt tous les soirs sous des baises ravageuses mais, en plus, il sait l’embrouiller avec son regard sombre et cruel et ses beaux mensonges. Tenir une femme par le ventre et par le cœur, c’est le secret !


– Je ne peux pas être amoureuse, Chandra. Je suis un homme, enfin !

– Mais réfléchit, Xavier ! Une histoire d’amour, c’est parfait pour ton projet. Laisse-toi donc aller… Et puis tu peux avoir confiance, je le connais bien.

En d’autre temps, cette simple phrase aurait alerté Xavier. Mais il était devenu très naïve et Chloé gobait tout ce qu’on lui disait ! Et, surtout, elle gobait tout ce que lui disait son bel amant égoïste…

– Chloé, lui avait-il dit, j’ai besoin de cet argent, et vite. Ces gars-là ne plaisantent pas !

– Mais enfin, tu me demande de jouer dans un porno, là !

– C’est le seul moyen, tu te doutes bien, sinon je ne me serais jamais permis. Allons, Chloé, tu ne veux pas qu’on soit tous les deux ensembles ?

Le plus dur, pour Chloé, ce fut de jouir devant les caméras. Elle avait espéré au moins pouvoir faire semblant. Mais non : pas cette petite salope de Chloé ! Elle chauffait de partout et hurlait en se répandant en gestes désordonnés. Les acteurs qui l’avaient au bout de leur bite souriaient en la voyant pour de bon perdre complètement le contrôle d’elle-même.

– Chandra, il est parti à Vegas… avec une autre fille. Avec mon argent… Ses histoires de dette, c’était du mensonge… Il s’est juste payé un week-end !

– Mais enfin, Xavier, bien entendu, un enfant de cinq ans s’en serait rendu compte !

– Mais, quand je t’en ai parlé, tu as dit…

– Oui, mais c’était pour le scénario, je ne pensais pas que tu serais assez stupide pour y croire ! Allons, inutile de discuter, c’est terminé, maintenant.

Xavier se sentait sale à l’intérieur. Sale et stupide. Sale, stupide et mal dans sa peau. Il s’était fait avoir comme une pute se fait embobiner par son mac, accro à la belle parole et au boniment. Il n’était qu’une midinette bête à sucer de la bite devant tout le monde !

– Ton film fait un carton, tu sais ? Enfin, ce n’est que du porno mais, pour du porno, ça marche du tonnerre !

– Je veux sortir de ce corps, Chandra, j’en ai assez…

– Les filles comme toi n’en n’ont jamais assez, Xavier, je pensais que tu avais au moins compris ça !


Xavier se trouvait face à lui-même ! Face à son corps d’homme ! Craignant d’être dans un rêve, Xavier empoigna ses gros nichons pour se prouver que tout cela était bien réel. Les filles comme Chloé ne se pincent pas, ça laisse des bleus… Chandra se lova contre le corps d’homme.

– Je te présente… mais en fait, tu connais déjà cette personne, puisque tu es devenu « elle ». La petite fiole de potion ne t’a pas métamorphosée, elle a provoqué l’échange de vos corps, quand cette demoiselle a bu l’autre moitié. Je ne vais pas t’expliquer toute la chimie, je ne la connais pas moi-même. J’ai hérité ça de mon père, après l’accident où il est mort. Tout le monde disait que ses recherches n’avaient rien données. Moi, j’étais convaincue du contraire…

– Alors, on peut revenir en arrière, n’est-ce pas ? Je veux reprendre mon corps !

– Ce n’est pas exactement dans mes projets… Tu comprends, maintenant que nous avons le scénario, nous avons l’essentiel.

– Mais, Chandra, il n’est pas terminé…

– Qu’importe, nous avons la matière première pour ça. Il y a tes notes, et puis n’oublie pas que, lorsque tu as perdu ton talent pour écrire, c’est parce que tu prenais les traits de caractère de cette gourde. L’inverse est vrai aussi. Xavier, ici présent, a reçu tes capacités d’écrivain. Il en a aussi reçu les limites, mais ce n’est pas grave, à deux nous arriverons bien à finir le travail.

– Mais… mais pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi prendre ce Xavier plutôt que moi !

– C’est pourtant enfantin : parce que, lui, il va partager ! Nous signerons le scénario de nos deux noms. Tu vois, un demi-million de dollars sur mon compte en banque, c’est un demi-million de bonnes raisons d’agir ainsi !


« Quand Xavier est monté sur scène pour recevoir son AVN de la meilleure suceuse, il pleurait comme une gourde blonde. C’était à cause de l’émotion, bien sûr, mais je crois que c’était surtout de honte !

Oh, Chloé n’a pas à se plaindre, elle travaille beaucoup et, désormais, elle a fait sa vie dans le X. De toute façon, une fille comme elle ne peut pas espérer mieux.

Vous comprenez Monsieur… Monsieur Nora, n’est-ce pas ? Arnaud Nora ? C’est amusant, votre nom de famille est presque l’anagramme de votre prénom… Vous comprenez maintenant pourquoi Xavier ne donne plus de nouvelles depuis si longtemps. Il ne pouvait tout de même pas vous annoncer qu’il était Chloé, l’actrice porno… Vous l’auriez prise pour une folle. Ceci dit, bien entendu, vous vous êtes inquiété, et c’est normal puisque vous êtes son ami. C’est une chose que je peux comprendre, mais c’est aussi quelque chose qui me donne du souci. Vous voyez, je ne pensais pas que vous feriez le voyage jusqu’ici pour retrouver Xavier et cela m’oblige à prendre certaines dispositions. Comme je vous l’ai dit, Monsieur Nora, cette histoire n’est remplie que de faux-semblant. Ainsi, le café que vous buvez depuis tout à l’heure n’est pas vraiment ce qu’il a l’air d’être, c’est en réalité un puissant somnifère, auquel j’ai ajouté la moitié d’une de mes fioles... 

Monsieur Nora ? Monsieur Nora ? Arnaud ? »

Chandra vérifia que le français dormait profondément, puis elle appela sa bonne.

Carmelita ? Tu es toujours d’accord pour aller en France ? Finie pour toi la vie de clandestine, tu ne seras plus jamais une pauvre bonniche soumise aux caprices de tes patrons. C’est quelqu’un d’autre qui tiendra ce rôle pour toi…

En prime, tu seras un bel homme et tu parleras français, et puis anglais aussi. Ça te changera ! Tiens, Carmelita, bois ce qui reste de cette fiole…

Chandra se tourna vers l’homme qui venait d’entrer, l’homme qui avait les traits de Xavier.

Il faudra porter Arnaud dans la cave. Il y restera enfermé le temps que la transformation s’accomplisse.

Elle se caressa doucement la joue.

Qu’en dit-tu ? Tu ne penses pas que son histoire ferait une base du tonnerre pour notre prochain scénario ?

Chandra regarda fugacement l’oscar qui trônait derrière la grande vitrine, celui qu’ils avaient obtenu ensemble pour le scénario des illusions déchirées, l’histoire d’une pauvre fille trop idéaliste qui termine putain.

On pourrait même reprendre des éléments de la vie de Chloé. Enfin, en en faisant un autre personnage, bien sûr… Cette fois en s’occuperait du changement de corps… On pourrait traiter du piège qui se referme lorsque l’échange des deux vies s’accomplit peu à peu… On verrait le type se débattre contre la bimbo qu’il est en train de devenir…

Le faux Xavier secoua la tête.

Inutile, une histoire comme ça, personne n’y croirait !

 



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