Les grandes vacances d'Arnaud


 
La seconde histoire écrite en collaboration avec Alex. Celle-ci est terminée. 
Elle a été rédigée en fonction des préférences d'Arnaud.



Chapitre 1 : Arrivée en Espagne


Dans l’avion qui volait en direction d’Alicante, en Espagne, Arnaud était sur son ordinateur. Il rédigeait un rapport pour son patron.
- Arnaud, tu ne peux pas décompresser un peu ? Je te rappelle que nous sommes en vacances !
Alex poussa un soupir d’exaspération. Arnaud n’avait pas quitté son écran des yeux depuis le départ, alors que tous ses amis bavardaient joyeusement, heureux à l’idée de se dorer pendant trois semaines sur les plages méditerranéennes.
- Juste un truc à finir ! répondit Arnaud d’un ton rogue.
- Il y a toujours un truc à finir avec toi ! Tu ne sais pas t’amuser !
- Je dois finir ce dossier, c’est important ! Ma carrière est en jeu ! Arnaud, énervé, avait presque crié. Quelques personnes tournèrent la tête vers lui. C’est vrai qu’il avait bien besoin de se détendre un peu. Mais il n’arrivait pas à oublier son travail, ne fut-ce qu’un moment. C’était plus fort que lui. Il recommença à taper frénétiquement sur le clavier de son ordinateur portable.
Arnaud était un jeune cadre dynamique, intelligent, qui à force d’efforts avait réussi à grimper les échelons. Il était fier de ce qu’il était devenu. Il n’avait pas trente ans et il occupait déjà un poste à haute responsabilité, dans un grand groupe financier. Il adorait son travail. Il aimait cette lutte permanente pour être le meilleur, encore et toujours, qui lui procurait chaque jour des poussées d'adrénaline. Il gagnait très largement sa vie, parcourait tous les jours les quelques brefs kilomètres le séparant de son lieu de travail dans une voiture surpuissante aux allures de monstre mécanique, et habitait un grand duplex vers la place de la Nation, à Paris.
Il avait l’impression de réussir sa vie. Son seul regret, c’était qu’il passait son existence entière plongé dans le travail. Le stress finissait par l’user. Parfois, il se prenait à rêver d’avoir moins de responsabilités. Il aurait voulu pouvoir s'arrêter un peu, pour prendre le temps de goûter aux plaisirs de la vie.
C’est pour cela qu’il s’était laissé convaincre d’accompagner ses trois vieux copains, Alex, Xavier et Cyrille. Sans trop y croire, ils étaient venus lui proposer ce voyage au soleil de la Costa Blanca. Arnaud avait décidé de laisser derrière lui tous ses soucis, pour une fois. Et il avait accepté. Mais dès qu’il avait mis un pied dans l’avion, le naturel était revenu, et Arnaud n’avait pas réussi à détacher ses pensées de son travail. Il imaginait avec un sentiment d’horreur tout ce qui pouvait se passer là-bas, pendant son absence. Il y avait ce dossier à rendre, qui avait pris du retard. Et Arnaud pensait à tous ses subordonnés, si bons camarades en apparence, qui n’attendaient en réalité qu’une occasion pour lui souffler sa place. La concurrence était sans pitié !
Arrivé à l’aéroport d’Alicante, Arnaud sortit son téléphone portable et se précipita afin de capter du réseau.
- Ouf ! Enfin une connexion Wifi ! Je vais pouvoir envoyer ce fichier à mon boss.
Arnaud ouvrit sa messagerie et vit défiler tous les mails qui étaient arrivés durant le court laps de temps du trajet en avion.
- Quoi ? 34 messages ! Mais c’est pas vrai ! Les gens ne peuvent pas me foutre la paix ?!
Après quelques heures de bus, Arnaud et ses amis finirent par arriver à Calp, destination de leur voyage.
- Les amis, dit Alex, voilà notre paradis pour les trois prochaines semaines !
Débarqués à l’hôtel, Cyrille réussit à convaincre Arnaud d’aller à la plage pour s’éclaircir un peu les idées. Il lui fit miroiter toutes ces jolies filles à moitiés nues, à peine recouvertes de leurs bikinis, qui n’attendaient qu’eux, à quelques centaines de mètres de là, sur le sable. Arnaud, alléché à l’idée de tous ces corps pulpeux et bronzés, se laissa fléchir. Il adorait les courbes des femmes latines, et leurs regards sombres et sauvages le mettaient dans tous ses états. Arrivé sur la longue plage étincelante, il dévora du regard l’étalage des beautés qui se prélassaient là. Quelques secondes, toutes ses préoccupations s’envolèrent de son esprit. Ces brûlantes espagnoles s’exhibant dans leurs maillots de bain l’excitaient terriblement.
La sonnerie du téléphone d’Arnaud résonna.
- Non ! Ne me dis pas que tu as emmené ton téléphone ! s’écria Cyrille exaspéré.
- Merde, c’est mon boss… Excuse-moi...
Arnaud se tourna pour échapper au regard de Cyrille et décrocha.
Le reste de la bande rejoignit les deux jeunes gens. Tous ses amis étaient affligés de voir à quel point Arnaud restait prisonnier de son travail. Ils voyaient tristement Arnaud s’éloigner sur la plage, le nez dans son téléphone, passant à côté d’une paire de jolies filles, sans même voir leur sourire et les oeillades qu’elles lui décochaient.
Arnaud revint quelques minutes plus tard, toujours en pleine conversation. Il était complètement pris par ce que lui disait son interlocuteur.  
- Ok… Pas de problème, je tâcherai de trouver un peu de temps pour cela... Vous pouvez compter sur moi ! dit-il d’une voix calme et rassurante.
Arnaud raccrocha et son expression changea soudain du tout au tout. Il se mit à crier.
- J’en ai vraiment marre ! Putain de boulot ! Putain de patron ! Il ne peut pas me foutre la paix un peu ? J’en ai plein le cul !
Il jeta furieusement son téléphone dans le sable.
- Les gens ne peuvent pas comprendre que je suis en vacances ? C’est quand même pas compliqué à saisir non ?
- Allez Arnaud, calme toi ! dit Alex en ramassant le portable et en le faisant discrètement disparaître dans la poche de son bermuda. “Toujours une tentation en moins pour ce pauvre vieux”, se dit-il.
- Ce soir, reprit Cyrille, on te propose d’aller dans un bar du coin, histoire de s’amuser et prendre du bon temps !
- Mais par pitié, s’écria Xavier, promets-nous de ne pas ramener du boulot avec toi ! Essaye juste le temps d’une soirée de simplement t’amuser !
- Ok, je vais faire mon possible, répondit Arnaud en tendant la main vers Alex, pour qu’il lui rende son portable.



Chapitre 2 : rencontre au bar


Arnaud et ses amis se rendirent ainsi dans un bar pour la soirée. L’endroit, bondé de touriste, avait réussi à garder un cachet local assez plaisant. L’ambiance était dynamique, les clients étaient jeunes, les odeurs multiples des tapas venaient chatouiller les narines et la gent féminine était bien représentée, en nombre comme en qualité. Tous les amis se sentirent immédiatement à leur aise dans cet endroit… Sauf Arnaud. Il n’arrêtait pas de penser à son téléphone, caché dans sa poche. Et puis, après s'être dit que c’était vraiment idiot de gâcher cet instant, il se décida enfin à apprécier la soirée. Après quelques bières, tous ses soucis avaient été noyés dans une douce euphorie.
Arnaud buvait vite, et il repassait commande immédiatement. Il n’était pas particulièrement soiffard, pourtant, mais il ne se lassait pas de voir la barmaid s’approcher de lui en roulant des hanches, se pencher en dévoilant un décolleté gonflé de rondeurs généreuses, lui faire un sourire chargé de sous-entendus torrides tout en déposant un nouveau verre, rejeter sa broussailleuse tignasse aux reflets de nuits derrière ses fines épaules et repartir en dodelinant de la croupe. Arnaud était sous le charme ! Âgée d’une vingtaine d’années, cette fille avait tout pour elle, et ses vêtements ultras moulants ne gâchaient rien du spectacle, bien au contraire !  
- Dis, donc, celle-là, si elle a un pourcentage sur les consommations, tu vas faire exploser son salaire Arnaud ! s'esclaffa Cyrille qui avait remarqué le manège de son ami…
- Il y a autre chose qui va exploser dans pas longtemps, si cette fille continue à s’agiter sous mon nez...
Arnaud la regardait fixement, elle glissait son corps époustouflant d’une table à l’autre, aimantant les attentions masculines dans son sillage.
- Putain, il faut vraiment que je me la fasse !
En même temps qu’il s’imaginait la mettre à nu dans un lit, Arnaud ne pouvait s’empêcher de penser, dans un coin de sa tête, combien la vie de cette fille était facile comparée à la sienne. Elle n’avait qu’à sourire à tout le monde, préparer des cocktails et remplir des verres, aller les déposer sous les regards des hommes... Et tous les soirs, elle pouvait choisir un mâle différent, et se faire emmener dans des explosions de sensualité et des feux d’artifice d’orgasmes. L’amour débordait de son corps de femme, c’était évident. Tout était simple pour cette fille, elle n’avait aucun soucis...
Pris dans ses pensées, Arnaud n’écoutait même plus la discussion qui agitait ses amis.
- … Ha ha ha ! Oui, mais ça, c’est ce que tu t’imagines Alex ! N’est-ce pas Arnaud ?
- Je… Hein ? Euuuh… Excusez-moi… Je pensais à autre chose…
Arnaud avait l’air complètement absent. Ses yeux continuaient malgré lui à suivre la silhouette chargée de promesses de la barmaid. Ses trois amis éclatèrent de rire !
- Ne te retiens pas Arnaud, attaque ! Sans ça tu vas te rendre malade !
- Oui, vas-y, de toute façon, ça crève les yeux qu’elle n’attend que ça !
Arnaud sourit, se leva, décidé, et se dirigea vers le bar. Ses amis le regardaient partir à l’assaut avec des clins d’oeil complices. Au moins Arnaud avait complètement oublié son boulot et son patron. C’était déjà ça…
Arnaud déploya toutes ses ruses. Il se fit doucereux, gentiment moqueur, drôle, flatteur juste ce qu’il faut. La fille commença à le voir comme un peu plus qu’un client ordinaire. Elle baissait progressivement ses défenses. Vers la fin de la soirée, Arnaud, victorieux, revint à la table où étaient ses amis et leur dit :
- Ne m’attendez pas ! Ce soir, je suis en compagnie !



Chapitre 3 : mépris et conséquences


La fille s’appelait Maria. Un prénom de bonniche espagnole pensa Arnaud. Mais dans le lit, elle était douce et docile, et Arnaud aimait ça. Il la recouvrit avec son corps musclé et la besogna brutalement. Il la prenait comme on s’empare d’une forteresse. Elle gémissait, défoncée à coups vifs et rapides. Il soufflait sur elle, au fur et à mesure que le plaisir montait en lui. Avec sa verge dressée, il avait l’impression de posséder ce corps tout en courbes et en masses mouvantes. Il entrait au plus profond de ses moiteurs féminines et elle se laissait faire, emportée par son plaisir. Il cracha son sperme, enfoncé, tendu au cœur de son ventre conquis. Elle cria sous l’orgasme, comme s’il lui faisait mal. Arnaud se relâcha et s’effondra lentement sur elle, exhalant un soupir brûlant dans le creux de son épaule.
Arnaud ne comptait pas s’attarder, il avait pris de cette fille tout ce qui l’intéressait. Il bascula sur le côté et se leva, ramassa ses vêtements et commença à se rhabiller. Un objet dur pesait dans la poche de sa veste. Il sortit son téléphone machinalement, et l’alluma pour regarder les messages. Une longue liste défila sur l’écran. Comme si le monde entier assiégeait sa messagerie, attendant qu’il réponde !
Il lâcha d’un ton ironique.
- Tu veux que je te fasse une confidence Maria ? Tu n’as l’air de rien comme ça, juste une petite serveuse insignifiante. Ton seul atout en somme, c’est ton cul ! Tu le promènes toute la journée sous le nez des hommes pour qu’ils te laissent des pourboires. Eh bien finalement, je me demande si tu n’as pas de la chance… Tu as la vie facile. Aucun soucis à te faire, aucune question compliquée pour venir perturber ta jolie tête. Ta seule préoccupation, c’est de choisir un mec pour te faire jouir le soir. Et tu peux prendre qui tu veux, les types sont tous partant avec toi, tu as la carrosserie qu’il faut pour leur donner des idées !
Maria le regardait sans rien dire. Seuls ses yeux, qui se plissaient lentement, trahissaient sa colère.
- Tu vois où j’en suis Maria ? J’en arrive presque à envier une fille comme toi… Tu n’es peut-être qu’une demi-pute qui passe ses nuits à soulager les hommes, mais toi, au moins, tu n’as pas un bataillon de parasites aux basques, qui viennent pourrir tes congés avec des rapports interminables qu’il faut rendre de toute urgence !
Arnaud jeta le téléphone dans sa poche.
- Ah mais je suis con… J’imagine que les filles dans ton genre n’ont pas trop les moyens de prendre des congés… En même temps, vu le coin, pour toi, c’est comme des vacances toute l’année ! La plage à deux pas, le soleil, tu es là où il faut ma petite Maria… Quand je pense que moi, pendant ce temps, je me tue au boulot, je ne compte pas mes heures, je vis en permanence sous pression. Je rentre le soir pour n'effondrer dans mon lit, et me lever à l’aube pour recommencer… Et tout ça pourquoi ? Je me crève pour du pognon que je n’ai même pas le loisir de dépenser !
Arnaud regarda la fille, qui restait immobile dans le lit, nue. Son visage ne manifestait aucune expression. Il eut un petit rictus méprisant.  
- Pourquoi je te raconte tout ça… Tu n’es même pas capable de comprendre ! Visiblement, tout ce qui est plus compliqué que la préparation d’un cocktail, ça dépasse tes moyens ma pauvre fille… Me voilà à essayer d’expliquer la vie à une traînée à touriste complètement idiote ! Une une parure de lit tout juste bonne à écarter les jambes pour un soir...   
Arnaud avait fini de s’habiller. Il se dirigea vers la porte, en secouant la tête, replongé dans ses soucis. Au moment où il allait partir, Maria jaillit hors du lit. Elle ne le montrait pas, mais elle était affreusement vexée par ce que venait de lui dire Arnaud. Chacune de ses paroles l’avait brûlé comme un fer au rouge. Dissimulant sa colère, elle lui fit un sourire.  
- Mon pauvre chou, dit-elle d’une voix gentille, tu te sens trop stressé ? Ta vie est pleine de tracas n’est-ce pas… Tu voudrais un peu te sortir de tout ça. Je sais bien que je ne suis pas intelligente comme toi, mais ça, je peux le comprendre…
Elle jouait les ingénues pour endormir la méfiance d’Arnaud. Elle avait en tête un moyen de se venger de cet idiot grossier qui était venu l’insulter jusque dans son propre lit !
- Si tu veux, je connais un moyen de te libérer pour le temps des vacances… Et tu prendras beaucoup de plaisir je te le promets. Je ne peux pas vraiment te dire en quoi ça consiste, mais si tu es curieux, viens demain à Tárbena. C’est un petit village situé dans les terres, à une trentaine de kilomètres. Une fois là-bas, tu n’auras qu’à demander “le centre”...
Arnaud haussa les épaules et il s’éloigna sans rien dire. Il pensait être tombé sur une timbrée, une adepte d’une secte ou quelque chose dans le style. Ce n’est même pas la peine de discuter avec ce genre de folle. Mais à ce moment-là, son téléphone se mit à sonner furieusement dans sa poche. Arnaud baissa la tête avec un air vaincu. Il se retourna vers Maria, qui, nue sur le seuil de la porte, le regardait partir.
- C’est d’accord, je viendrais. Au point où j’en suis, je n’ai plus rien à perdre.
“C’est ce qui te trompe Arnaud”, pensa Maria.



Chapitre 4 : Arnaud passe de l’autre côté


Dans le car bringueballant qui slalomait au gré des tournants, sur la route menant de Calp à Tárbena, Arnaud se demandait pourquoi il avait accepté cette proposition. Il s'enfonçait au cœur des terres, au milieu des collines rouges et sèches, dans cette Espagne écrasée de chaleur, âpre, éloignée des grands flots de touristes. Il avait l’impression que ce pays l’avalait, kilomètre après kilomètre. Dans quel trou perdu se rendait-il ? Il n’en avait même aucune idée. Il se traitait intérieurement d’imbécile. Dire qu’il aurait pu passer la journée à la plage, avec ses amis, à draguer les filles. Au lieu de ça il était enfoncé dans le siège inconfortable de ce bus, et il perdait son temps à contempler la succession interminable des vallonnements sauvages. Et tout ça pourquoi ? Pour se rendre au rendez-vous farfelu d’une fille qui devait être complètement timbrée. Arnaud maudissait cette femelle et se maudissait par la même occasion. Il aurait dû se contenter de prendre son cul et ne pas prêter attention à ce qui sortait de sa bouche.
Le car dévala finalement une pente et arriva à Tárbena. Ce n’était qu’un petit village, brûlé par la lumière du plein midi. En descendant les marches du car, Arnaud se demandait une fois de plus ce que diable il faisait là. Il marcha quelques minutes au hasard, dans les rues presque désertes. Il commençait à se dire que tout ça n’était qu’une mauvaise blague. La fille l’avait fait venir jusque dans ce patelin oublié juste pour se venger de ses remarques désobligeantes. Il était sur le point de retourner sur la place du village, trouver un café pour commander un taxi, et peu importe le prix que ça allait lui coûter. Mais une grande forme de verre, rectiligne, attira son regard au détour d’une rue. Il s'avança et découvrit en bordure du village, derrière les petites maisons serrées les unes contre les autres, une large esplanade donnant sur un bâtiment massif en forme de cube. Arnaud marcha vers le quadrilatère de béton entièrement caparaçonné de vitres opaques. Après un moment qui lui parut interminable, à se demander comment cette verrue de modernisme était venue se planter à côté de ce village endormi, Arnaud franchit la grande porte d’entrée et pénétra dans un hall aux résonances de cathédrale. Une réceptionniste attendait, oisive, derrière un guichet aux allures de murailles. La femme souleva vers lui un regard hautain alourdi par des paupières trop maquillées. Décontenancé, Arnaud lâcha d’une voix qu’il aurait voulue plus ferme le prénom de Maria. La réceptionniste souleva son téléphone d’une main molle et quelques secondes plus tard, une jeune femme à la longue silhouette, moulée dans une blouse blanche, s’approcha d’Arnaud. Sous le chignon strict et les larges lunettes, Arnaud mit du temps à reconnaître l’accorte serveuse qui lui avait offert ses charmes la nuit dernière.
- Qu’est-ce que tu… Qu’est-ce que tu fais là ? demanda Arnaud, en s’en voulant immédiatement d’avoir posé une question aussi stupide.
- Tu t’imaginais quoi ? Tu crois que, parce que je travaille dans un bar, je ne suis qu’une petite cruche ? Je suis doctorante, en réalité, et je termine un stage ici. Le bar, c’est juste pour me faire un peu d’argent avec les touristes !
Dans sa bouche, le mot sonnait comme une insulte. Arnaud se trouva bête et il détestait ça. Pour reprendre l’avantage, il lâcha négligemment :
- Eh bien, elle n’a pas l’air très animée ta boîte.
- Qu’est-ce que tu veux, c’est la crise. Quand les patrons ont fait construire ici, ils espéraient des commandes du monde entier. Mais ils se sont mal débrouillés. On n’a pas assez de clients et la moitié du personnel à déjà été licenciée.
Elle l'emmena à travers de longs couloirs bordés de baies vitrées donnant sur des laboratoires. Dans certains, quelques personnes en blouses s’affairaient autour d'instruments de pointes. Dans la plupart, il n’y avait personne.
- Et vous travaillez dans quel domaine au juste ?
- Le touriste veut savoir n’est-ce pas ? Franchement Arnaud, tu crois que je te fais visiter une curiosité ? C’est bien plus grand que ça…
Arnaud se rendit compte qu’elle esquivait sa question et n’insista pas. Elle lui fit passer une porte épaisse donnant sur un sas aux murs de métal.
- Nous arrivons, dit-elle en ouvrant la seconde porte du sas.
Ils débouchèrent dans une pièce vide, carrée, haute de plafond, aux murs nus. Il n’y avait pas un meuble, pas un objet. Même pas d’éclairage. La lumière venait d’une pièce contiguë, par une large ouverture dans un des murs. Une épaisse paroi de verre faisait la séparation. En avançant dans la pièce Arnaud vit qu’un des murs était en fait un immense miroir. Il se retourna pour regarder la pièce derrière la vitre. À ce moment, un bruit métallique claqua derrière lui. Maria venait de tirer la lourde porte du sas, l’enfermant ici.
Il se jeta vers la porte et voulut tourner la manivelle qui commandait l’ouverture. Elle était verrouillée ! Arnaud commençait à paniquer. Il se sentait comme un rat de laboratoire enfermé dans une cage. Toute la pièce lui semblait maintenant menaçante. Il se mit à crier en frappant la porte de toutes ses forces.
- Arrête cette plaisanterie ! Maria ! Ouvre cette porte tout de suite !
Maria apparut dans la pièce éclairée. Elle regardait Arnaud se débattre, protégée par la vitre. Elle se pencha vers un micro et sa voix retentit autour d’Arnaud.
- Je t’avais promis que tu pourrais oublier tes soucis pendant tes vacances Arnaud. Eh bien, c’est le cas ! En ce moment, tu es au cœur d’un centre de recherche à la pointe de la technologie, et tu vas avoir la chance d’étrenner une machine de plusieurs millions d'euros. Tu devrais m’être reconnaissant du privilège que je t’accorde !
- Je… Non ! Ouvre-moi ! Ça suffit maintenant ! Maria, ce n’est plus drôle !
- Au contraire, c’est maintenant que ça va devenir amusant. Tu vois, je suis étudiante en biologie moléculaire et ce que je vais faire maintenant, c’est un peu le rêve de toute ma vie. Tu imagines ce que ça serait, de pouvoir voyager d’un corps à un autre, selon nos envies ? Devenir instantanément ce que nous souhaitons au plus profond de notre coeur ? Changer non seulement notre apparence mais aussi notre caractère, d’un simple claquement de doigt. Ce serait merveilleux n’est-ce pas ? Nous avons construit cette installation pour cela...
Tout en parlant, la jeune fille tapait sur un clavier d’ordinateur. Autour d’Arnaud, les murs se mirent à vibrer doucement. Une étrange puissance semblait se dégager d’eux. Arnaud pouvait la sentir. Il avait vraiment peur maintenant.
- Maria… Qu’est-ce que tu fais ? Maria ! Stoppe ça immédiatement ! Maria ! Tu m’entends, arrête ça ! Arrête ça tout de suite petite connasse !
- Oh, Arnaud, tu n’es pas poli avec celle qui va te permettre de réaliser ton voeu le plus cher... Rends-toi compte, cette machine permet toutes les transformations et tu va être le premier à l’essayer. Concentre-toi sur ce que tu voudrais vraiment être ! Repense à ce que tu m’as dit l’autre soir, sur cette vie sans soucis à laquelle tu aspires… Et quand j’appuierais sur ce bouton Arnaud, tu commenceras ta transformation.
Le doigt de Maria resta suspendu quelques secondes. Il s’abaissa, tandis qu’Arnaud poussait un cri de rage ! Les murs lancèrent des vagues de chaleur, de plus en plus fortes. Arnaud avait l'impression d’être enfermé dans un four. La panique gagna sur lui. Il se mit à hurler et à taper sur la vitre. Maria le regardait sans bouger.
Des jets de fumée furent propulsés dans la pièce. Le gaz opaque enveloppa Arnaud. Il s’attendait à suffoquer, mais malgré l’épaisseur du nuage qui l’entourait, il pouvait continuer à respirer sans problème.
La voix dans les haut-parleurs éclata à ses oreilles, comme si le son venait d’être décuplé.
- Pense à ce que tu voudrais Arnaud ! Pense à ton rêve de l’autre soir ! Ne plus avoir de soucis Arnaud, ne plus s’en faire, se laisser mener… C’est bien ce que tu veux non ? Pense à ça, Arnaud !
Plongé dans un brouillard aux reflets multicolores, Arnaud, terrorisé, s’imaginait déjà perdu. Il pensait qu’il allait mourir ici, entre les mains de cette folle, pour quelques paroles malheureuses prononcées par inadvertance. Il se mit à repenser à sa vie. Le sentiment qui le dominait, c’était le regret. Il avait réussi tout ce qu’il avait entrepris, certes, mais à cet instant, il aurait tant voulu emporter avec lui quelques souvenirs moins austères. Des souvenirs de fêtes, d’escapades, d’imprévus. Il aurait voulu que sa peau se souvienne de toutes les filles passées entre ses bras. Il n’y en avait pas eu assez. Son esprit glissa vers l’image d’une belle latina alanguie, occupée seulement de son corps et de son plaisir. Arnaud remplit ses pensées de ce sourire innocent et de ce grand regard. S’il devait mourir, il voulait que ce soit en compagnie de cette image. Une fille sensuelle, docile, simple jusqu’à la stupidité, ouverte aux désirs des hommes et à leur satisfaction. Une fille sans soucis, prête à s’offrir parce qu’elle aime ça.
Le nuage kaléidoscopique se dissipa lentement. Arnaud distingua de nouveau la pièce autour de lui. il retrouva le visage de Maria, qui le regardait à travers la vitre. Elle souriait. Arnaud se sentait bizarre. Pris d’un pressentiment, il se tourna vers le miroir et avança dans sa direction pour passer les dernières volutes de fumée, et voir son reflet. Mais il avait une sensation étrange en marchant. Il avait l’impression que le sol ne se trouvait plus à la même hauteur. Des poids dans son corps le poussaient ou le tiraient sans qu’il s’y attende, comme si son centre de gravité avait brusquement changé, comme si les masses de chair n’étaient plus réparties de la même manière sur lui. Son pantalon glissa par terre, manquant de lui faire perdre l’équilibre. Ça alors, c’était bien la première fois qu’une chose pareille lui arrivait ! Perdre son pantalon ! Au bout de ses bras, il vit que ses manches pendaient largement. Comme si ces vêtements avaient grandi ! Arnaud se demandait ce qui se passait.
Il eut alors la vision de son reflet. Il était méconnaissable. Il comprit que ses vêtements n’avaient pas changé. C’était lui ! Son corps était moins grand ! Mais ce n’était pas le pire…
À la place de l’homme qu’il avait toujours retrouvé dans son miroir, il y avait maintenant une jeune femme aux cheveux châtains, coupés court, dont les franges encadraient des jolis yeux noisettes. D’assez petite taille, elle arborait deux seins qui se dressaient fièrement. Les globes charnus n’étaient pas très gros, mais assez tout de même pour qu’il sente bien la différence avec sa poitrine masculine entièrement plate. Il entra ses doigts dans ces rondeurs, qu’il trouvait complètement saugrenues sur son torse. Il glissa ensuite sa main entre ses jambes et fut traversé d'un frisson de surprise et de gène lorsqu'il rencontra une zone vide à la place de sa virilité.
D’un coup, l’image du reflet disparu devant Arnaud. La nuit tomba sur lui. Il ne voyait plus ! Il lança ses mains en avant, titubant, cherchant à retrouver un peu de lumière. Il était plongé dans un noir total, il était aveugle ! Il hurla de terreur. Après quelques secondes d’obscurité, Arnaud vit apparaître des images dans son cerveau. C’était comme si il les voyait non pas depuis ses yeux, mais depuis l’intérieur de sa tête. Il n’avait jamais connu une pareille chose. Les images montraient ses souvenirs. Il revoyait des tranches entières de sa vie, saccadées. Les gestes étaient hachés comme dans un vieux film parsemé de coupures. Parfois apparaissait le visage de Maria regardant Arnaud.
En même temps que les images défilaient, Arnaud sentait des sortes de spaguettis, longs et fins, qui entraient sous son crâne. Ils farfouillaient dans sa tête, se glissant dans les circonvolutions de son cerveau pour se placer à l’intérieur. Du moins, c’est l’impression qui envahissait Arnaud. Il eut peur à nouveau, une peur terrible, pire que toutes les autres. Il se prit la tête et roula sur le sol en trépignant.
Il entendit un grand claquement métallique et quand il ouvrit les yeux, il vit Maria qui se penchait sur lui, souriante. Arnaud lança des regards affolés autour de lui. Il voyait à nouveau normalement. Il se remit debout et fut surpris de découvrir qu'il avait maintenant la même taille que Maria, alors qu'avant d'entrer ici il la toisait facilement du haut de son mètre quatre-vingt-deux.
- Tu vois dit Maria tranquillement, tout va bien...
- Non ! Ce... Ce n’est pas ce que je voulais ! Pas ça ! Rechange-moi tout de suite ! Je veux retrouver mon corps d’homme ! Je... Je ne suis pas une fille !
- Désolée, mais c’est toi-même qui as décidé de ton sort Arnaud ! La machine n’a fait que lire en toi, elle t'a transformée en fonction de ce que tu avais en tête, je n'y peux rien.
- Alors, remets-la en route ! Immédiatement ! Je me concentrerais pour annuler tout ça ! Je veux retrouver mon corps !
Maria posa sa main sur le bras d'Arnaud.
- Allons, réfléchis… Es-tu certain que tu ne veux pas tenter l’expérience ? Devenir une jolie jeune fille espagnole, juste le temps de tes vacances ?
- Mais je ne suis pas espagnole ! Je ne parle même pas espagnol !
- Tu crois ? Maria lui fit un petit clin d'oeil
Arnaud se rendit compte que, depuis qu'il avait atterri dans ce corps, il ne s'exprimait plus en français. Il avait parlé espagnol ! Ça lui était venu naturellement.
- Je te l'ai dit Arnaud, la machine n'agit pas que sur le corps, mais aussi sur l'esprit des gens. Visiblement dans ton esprit, une fille comme toi parle automatiquement espagnol.
Arnaud essaya de parler français. Cela lui demanda un effort, mais il y parvint. Cela le soulagea un peu de découvrir qu'il n'avait pas perdu sa langue natale.
- Arnaud ! Imagine ! Être une fille qui attire les garçons et se fait faire l’amour quand elle en a envie. Tu pourras coucher avec n'importe qui, quand tu le souhaites ! Ça ne te tente pas ? Pense au plaisir que tu peux prendre...
Arnaud regardait son corps dans la glace. Il ressentait une petite pointe d'excitation.
- Sans compter que tu pourras entièrement laisser tes tracas derrière toi. Pendant quelques semaines, tu pourras tout oublier, tu n'auras qu'à t'amuser, tu pourras jouer avec tes atouts féminins. Ta seule préoccupation, ce sera de te faire belle et d'être attirante. Tu es une jolie fille, il faut en profiter...
Arnaud commençait à trouver l'idée séduisante.
- Allez ! C’est juste le temps de tes vacances ! Reprit Maria, qui le sentait hésiter. Après, tu redeviendras toi ! Tout ce que tu auras à faire pour retrouver ton apparence d'homme, c’est de repasser dans cette machine en pensant à l'homme que tu étais. Tu vois, ce n'est pas bien compliqué...
Arnaud prit le temps de détailler son corps dans le miroir. Son image était parfaite et cette idée, bizarrement, faisait monter des chaleurs à travers son ventre. Avec ce corps, Arnaud se sentait soudain plus libre que jamais. Cette occasion est unique, se disait-il. Si je ne la saisis pas, je n'en retrouverais pas de semblable de toute ma vie ! Mais quelque chose l'arrêtait encore.
- Mes amis ! Ce n’est pas possible, je ne peux pas me montrer comme ça devant eux ! Que penseraient-ils de moi, si je leur disais que je veux passer trois semaines dans le corps d'une fille !
- Ils n’en sauront rien voyons ! Tu n’auras qu’à prétexter un retour d’urgence à Paris à cause de ton travail.
- Mais... Où je vais aller ? Je ne connais personne ici à part eux !
- Si tu veux, je peux m'arranger avec un ami qui travaille dans un hôtel. Ils ont besoin d'une réceptionniste. Tu parles espagnol, français et anglais, tu présentes bien, avec ma recommandation, ils t'embaucheront tout de suite. Le boulot n'est pas tuant et tu auras une petite chambre dans les combles de l'hôtel.
Arnaud leva les yeux au ciel. Une chambre dans les combles ! Lui qui s'enorgueillissait d'un compte en banque à cinq chiffres. Mais après tout, à la guerre comme à la guerre... Il n'était plus un jeune cadre fringuant. Il n'était qu'une fille désormais. Ce travail lui permettrait d'expérimenter son corps de femme tout à loisir.
- Ok j'accepte, mais seulement pour quelques jours…. De toute façon, après je redeviendrais moi…
- Bien entendu ! Répondit Maria en souriant. Au fond d'elle, elle jubilait ! Arnaud se laissait mener par le bout du nez, comme elle l'avait escompté.
- Allons, viens, tu ne peux pas te promener avec tes vêtements d'hommes, ils sont bien trop grands pour toi, c'est ridicule !
Maria emmena Arnaud dans les vestiaires du personnel de l'entreprise, et lui trouva des vieux habits. Ils étaient largement passés de mode, mais au moins, c'était des vêtements féminins, à la taille du nouveau corps d'Arnaud.
Arnaud se sentit à la fois excité et humilié en enfilant la jupe. Au moment de ressortir du bâtiment, Maria lui tendit un bout de papier.
- Voilà l'adresse de l'hôtel. Dis-leur que tu viens de ma part. Et présente-toi à eux comme « Cécilia ». Ils seront prévenus...
- Pourquoi « Cécilia » ?
- Tu t'es regardé ? Maria jeta un petit regard méprisant le long de l'anatomie féminine d'Arnaud. Tu n'espères quand même pas que les gens vont continuer à t'appeler Arnaud non ?



Chapitre 5 : jeux de mains jeux de vilaine


Le voyage de retour vers Calp fut tout à fait différent de l'aller. Autant le premier trajet avait été ennuyeux, autant le second était une surprise de tous les instants. Arnaud faisait naître des regards chez les hommes. Des regards chargés d'envie. Des regards vibrants, lourds de désirs et de force contenus. Avec son physique de fille, Arnaud était capable de provoquer tout ça, sans même le faire exprès. Dans la rue, il devait avancer avec leurs yeux braqués sur lui. Les têtes se retournaient sur son passage. Arnaud avait l'impression d'être comme une pièce de viande qu'on examine. C'était bizarre d'être ainsi convoité par d'autres hommes. C'était tellement nouveau pour lui ! En tout cas, Maria avait raison : Cécilia était belle. Il ne tenait qu'à Arnaud d'en profiter.
Il décida une bonne fois pour toute de voir les choses du bon côté et entra dans l'hôtel.
Il se présenta à l’accueil.
- Je m’appelle Arn… Cécilia. Je viens de la part de Maria, elle a dû vous prévenir…
Arnaud parlait d’un ton mal assuré. Il était encore troublé de s’exprimer ainsi en espagnol.
- Oui, le patron vient de m’avertir. Vous êtes la nouvelle réceptionniste n’est-ce pas ? Maria nous a dit le plus grand bien de vous… Vous prendrez votre service demain. Voici les clés de votre chambre, c’est la 705.
Arnaud monta jusqu’à une chambre de bonne, située tout au fond d’un couloir mal éclairé. Il se trouvait dans l'hôtel où lui et ses amis étaient descendus. Mais sa version féminine n’avait pas droit aux mêmes honneurs que le riche jeune homme qu’il était la veille encore. La chambre était minuscule, et sentait le renfermé. Arnaud prit alors son téléphone et écrivit un SMS.
“ Désolé, urgence au boulot, je file à Paris par le premier avion. Amusez-vous bien, tchuss. Arnaud. “
En envoyant le message, il savait très bien que ses amis allaient être terriblement déçus par son attitude. Mais ils ne seraient pas surpris. Abréger ainsi ses vacances, en les plantant là, pour rejoindre son travail, ça lui ressemblait tellement ! Ils ne se douteraient de rien. En attendant, Arnaud devrait supporter d’occuper le rôle de la jolie réceptionniste d’un hôtel à touriste. Ça ne lui plaisait pas beaucoup, mais il n’avait pas de meilleure solution pour l’instant.
Il regarda son visage de jeune fille dans le miroir de la petite salle de bain, en repensant à ses amis. “S’ils savaient !” se dit Arnaud. Dire qu’il allait, pendant quelques jours, les côtoyer sous sa forme féminine, sans qu’ils puissent deviner que sous ce corps excitant se cachait en réalité leur ami Arnaud. Cette idée l’amusait énormément.  
Le téléphone en main, Arnaud voyait les mails qui n'arrêtaient pas de s’échouer dans sa boîte de réception. Il y avait déjà 68 non lus. Les titres des mails s’accompagnaient de mots en majuscules,  “urgent”, “décision à prendre” ou encore “à rendre dans la soirée”. En temps normal, Arnaud aurait paniqué. Il aurait pris le temps de tout lire et de répondre à chaque message. Mais pas là. C’était étrange. C’était comme si tout ça ne lui semblait plus si important. Arnaud se sentait léger. Rien n’était plus “urgent”, tout pouvait attendre. Tout était futile dans sa tête de fille. Et rien ne comptait vraiment, comparé à l’excitation d’être dans ce corps !
Arnaud posa son téléphone sur l’armoire de la salle de bain et commença à se caresser les seins. C’était doux et le contact sur sa peau le chatouillait délicieusement. Il se dirigea vers son lit, s’allongea et laissa ses doigts découvrir lentement son anatomie. Son exploration s’attarda sur sa fente qui s’était mise à palpiter à son contact. Ce corps de fille était vraiment extraordinaire. Il était si fragile, si menu par rapport à son corps d’homme, musclé et solide. Mais en même temps, il était tellement sensible. C’était une sensation formidablement intense, d’avoir sous ses doigts cette vulve qui avait remplacé son pénis.
Arnaud jeta rapidement ses vêtements au pied du lit et il commença à jouer avec son plaisir. Il glissait, s’enfonçait, pinçait ou frottait sa peau en touches rapides. La jouissance était son guide, elle le remplissait en vagues pleines qui s’étalaient dans son ventre, gagnant par oscillations l’ensemble de son corps. C’était fort, meilleur que tout ce qu’Arnaud avait jamais imaginé ! Il n’était plus qu’une vibration de plaisir, offerte par toutes ses chairs, tendue. Il poussait des gémissements tendres, haletants ou déchirés, puis quand l’orgasme crépitait en lui comme un grondement d’orage, il se vidait dans la jouissance en s’oubliant dans les cris. Et il recommençait ! Ce corps semblait ne pas connaître la fatigue, sa faim d’extase était plus forte que tout ! Il finit par s’effondrer, tard dans la nuit, happé par l’inconscience, après un orgasme plus dévastateur que les autres. Son sexe était trempé sous sa main.



Chapitre 6 : Arnaud fait le service


Lorsqu’Arnaud ouvrit les yeux, il s’imagina un court instant que tout ça n’avait été qu’un rêve bizarre et merveilleux. Cette découverte du plaisir féminin l’excitait tellement que, encore dans un demi-sommeil, il glissa sa main entre ses jambes, pour se masturber. Mais il ne trouva rien sous ses doigts ! Il ouvrit les yeux. Il s’attendait à voir autour de lui sa luxueuse chambre d'hôtel. Mais à la place, il n’y avait que des murs aux revêtements de plâtre sale, fatigué par le temps. Il réalisa que tout était vrai ! Son corps de fille et les jouissances de la veille n’étaient pas des fictions produites par le surmenage de son esprit fatigué. C’était réel.
Il se leva puis alla en direction du lavabo, surmonté d’un miroir piqué et ébréché. Il prit le temps de regarder son reflet de fille. C’était extraordinairement déroutant, cette image en face de lui, qu’il n’arrivait pas à reconnaître comme la sienne. Il ne parvenait pas à réaliser que ce corps si bandant était le sien ! En s’examinant, il eut l’impression qu’il avait légèrement changé depuis la veille. Sa peau tirait maintenant vers l’olivâtre, et Arnaud se trouvait plus petit encore que lors de sa transformation ; ses yeux verts s’étaient assombris et dans sa tignasse châtaine se glissaient maintenant des reflets noirs. Arnaud se demandait ce que cela signifiait. Est-ce que sa métamorphose se poursuivait ?
Il n’eut pas le temps de vraiment paniquer à cette idée. Une migraine subite explosa dans son crâne. Se tenant la tête, les yeux plissés, Arnaud vit défiler devant ses paupières closes des images de gens. Des gens, immobiles, qui le regardaient fixement. Arnaud ne voyait que leur buste et leur tête, avec leurs yeux braqués devant eux. Intercalés dans ce défilé, Arnaud vit encore des souvenirs de sa vie d’homme, comme la veille. Mais il y en avait moins, beaucoup moins. La douleur s’interrompit d’un coup. Arnaud ouvrit les yeux. Le défilé d’images avait cessé.
Le regard d’Arnaud tomba sur le réveil, au pied de son lit. Il devait se dépêcher, sinon il allait être en retard pour son premier jour de travail.
Arnaud sortit les vêtements qu'on lui avait donnés lorsqu'on l'avait embauché. L'uniforme de l'hôtel : un tailleur bordeaux - veste serrée à large décolleté et jupe courte fendue sur le côté - des collants clairs et une paire d'escarpins à talons. Arnaud se rappelait qu'à son arrivée, il avait trouvé la réceptionniste de l'hôtel bien sexy dans cet uniforme bref et moulant. Elle lui avait sourit et, sans gêne, il avait reluqué ses seins, sa croupe et ses jambes. Désormais, c'est lui qui devrait sourire, et qui se ferait reluquer.
En marchant dans les couloirs de l'hôtel, Arnaud fut surpris de découvrir qu'il arrivait sans difficulté à garder son équilibre sur les fins talons de ses chaussures. Cela lui faisait tout de même bizarre, de sortir à la vue de tous, dans ces vêtements de fille.
Après un rapide briefing de l'homme qui était chargé du service de nuit, Arnaud prit son poste derrière son comptoir. Très vite, les clients arrivèrent et commencèrent à le solliciter.
Le travail d'Arnaud était d'une simplicité affligeante. Il devait sourire à tout le monde, décrocher le téléphone pour donner toujours les mêmes informations – les tarifs de l'hôtel et le nombre de chambres disponibles – appeler un porteur pour les gens trop chargés et transmettre toutes les demandes trop compliquées aux employés compétents. Un travail d'idiote, se dit Arnaud, un travail sans intérêt, bien loin de ses responsabilités de cadre dans le monde de la finance.
Ce qui surprenait Arnaud, c’était sa facilité à parler espagnol. Alors qu’il ne baragouinait pas trois mots de cette langue l’avant-veille encore, il l’utilisait maintenant avec le même naturel que si c’était sa langue natale ! Même le roulement des “r” ou la prononciation du “j”, si caractéristiques, ne lui posait aucun problème.
Le problème, c'était les clients. Comme Arnaud était là pour leur donner l'envie de rester, il devait être une fille tout à la fois polie, gentille, sexy et pas bégueule. Et sourire à chacun, quelles que soient les circonstances. Ça incitait les clients à avoir l'exigence facile. Pour eux, après tout, Arnaud n'était qu'une employée subalterne. Une larbine. Une jolie plante, posée là pour les charmer et régler leurs soucis. Arnaud devait le supporter. C'était humiliant et en même temps, ça avait quelque chose d'excitant. Toutes ces personnes étaient plus importantes que Cécilia, ils pouvaient la regarder de haut, c'était normal, elle n'était que la réceptionniste. Et Arnaud frissonnait à l’idée que d’une manière ou d’une autre, ces gens découvrent qui il était en réalité. Que penseraient-ils, s’ils savaient qu’il était en fait un cadre supérieur ? Ils le mépriseraient, c’est certain...
Ceux qui profitaient bien de sa position sociale inférieure, c'étaient les hommes. Ils constituaient la majorité des résidents. L'hôtel avait axé sa publicité pour attirer une clientèle jeune et célibataire. Quand ils arrivaient devant son guichet pour réserver une chambre, ils étaient plus chauds qu'un midi au soleil, alcoolisés parfois, et avec dans la tête des idées de belles espagnoles faciles. Et Arnaud était celle qui devait les recevoir. La plupart du temps, leurs yeux déshabillaient son corps sans vergogne, comme si Arnaud se résumait à une paire de seins et une paire de fesses. Ils ne parlaient qu'à son décolleté, sans prendre la peine de s'intéresser à son visage. Les plus grossiers se donnaient du coude et lâchaient des allusions d'une voix claire, pour qu'Arnaud les entende. Ils essayaient de choquer la demoiselle. Parfois des mains s'approchaient dangereusement de ses courbes. Arnaud découvrait le sentiment d’une jolie fille : être sollicitée en permanence, par tout le monde, livrée à tous ceux qui s'imaginent qu'elle est en libre-service. Et elle devait leur sourire, tout le temps, à tous. Et ça les encourageaient.
En même temps, il y avait un plaisir à provoquer tous ces hommes. Arnaud avait beau être de petite taille et physiquement faible, les hommes avaient beau dominer son corps féminin de leur stature et de leurs muscles, Arnaud avait son pouvoir de fille. À coup de décolleté ouvert et de fessier cambré, il les allumait comme il voulait. Leur faire tirer la langue donnait à Arnaud un sentiment de puissance.
Il y en avait beaucoup qui lui proposait de sortir avec eux. Arnaud se disait qu'il suffisait d'un mot pour qu'ils lui offrent une virée, un restaurant, des cadeaux peut-être, moyennant seulement un passage dans leur lit. En somme, quand on est une belle fille, les hommes sont prêts à vous courtiser pour avoir le droit de vous donner du plaisir ! C’est quand même formidable d’être canon ! Et grâce à son corps sexy, Arnaud pouvait avoir accès à tout ça, aussi souvent qu’il le voulait !
À cette idée, Arnaud se mordit la lèvre en se traitant intérieurement de crétin. Lui qui, avant-hier encore, regardait Maria de haut ! En fait, se disait-il, je ne vaux pas mieux que cette barmaid et les filles dans son genre. Je passe ma journée à faire un travail stupide, à sourire et à exciter les hommes, et en plus, je suis contente !
En fin de matinée, Arnaud sentit une décharge d’excitation le traverser. Il venait d'apercevoir ses amis qui descendaient de leur chambre. Ils allaient se croiser. Instantanément, Arnaud eut l’impression d’être tout nu. Si ses amis le reconnaissaient, dans ce corps de fille, il en mourrait de honte ! Il croisa leur regard, certain qu’ils allaient tout découvrir. Mais ils passèrent à côté de lui, sans même arrêter leur conversation.
- Mais quel abruti, cet Arnaud, quand même ! Nous lâcher comme ça, juste pour son boulot ! disait Cyrille
- Oui, il aura tout manqué. Même cette jolie réceptionniste… Vous avez vu le regard qu’elle nous a lancé ? Elle a l’air d’en vouloir, cette petite salope !
“S’ils savaient qui il y a, dans le corps de la petite salope !” se disait Arnaud. Il était à la fois rassuré et en même temps humilié par les paroles de ses amis. Ils n’avaient vu en lui qu’une jolie carrosserie, un trou à fourrer pour enrichir leur collection. Juste une fille bonne pour la baise.
Les heures s’étalèrent, succession monotone de tâches dérisoires, de regards masculins déplacés et d’allusions plus ou moins lourdes. Arnaud avait craint de s’ennuyer, mais même pas. Ce rythme répétitif semblait convenir parfaitement à son tempérament féminin. En fin d'après-midi, il vit entrer un groupe de touristes américains. Trois hommes et une jeune femme. Elle était jolie, mais pas autant qu’Arnaud, sous sa forme de Cécilia. Les trois hommes se délectaient les yeux des courbes d’Arnaud, pendant que la jeune femme posait sur elle un regard glacial. Elle se montra tout de suite désagréable.
- Nous avons réservé des chambres avec salle de bain. Il y a une baignoire au moins n’est-ce pas ? Le prospectus montrait une baignoire mais on vous connaît. Vous essayez toujours de carotter les touristes ! Je vous préviens, s’il  n’y a pas de baignoire, je ne reste pas une minute de plus !
Arnaud garda le silence, quelques secondes. Tout s’embrouillait dans sa tête. Il reconnaissait la langue, il savait que c’était de l’anglais, mais il n’avait saisi que quelques mots noyés dans un charabia. L’ensemble n’avait aucun sens ! Alors que ces dernières années, il avait passé le plus clair de son temps au travail à parler anglais, il n’arrivait plus à comprendre cette langue.
Affolé, il répondit un “oui” timide, en espérant que les clients s’en contenteraient. Derrière le groupe de touristes, Arnaud voyait le directeur de l'hôtel qui était sorti de son bureau. Visiblement, il voulait juger des performances de sa nouvelle réceptionniste.
La fille reprit de plus belle, pas du tout rassurée par la réponse hésitante d’Arnaud. Elle s’énerva, le ton monta. Arnaud continuait à répondre “oui”.
- Je vous demande combien ça coûte, en supplément, l’utilisation du minibar ?
- Oui…
- Non mais… Vous me prenez pour une conne ou quoi ?
- Oui…
Le directeur intervint à ce moment-là. Dans un anglais impeccable, il calma les clients. Il commanda un bagagiste pour les accompagner à leur chambre, puis, lorsqu’ils eurent disparu dans l'ascenseur, il se tourna vers Arnaud. Le sourire bienveillant accroché à sa bouche disparu instantanément.
- Non mais, espèce de petite pouf, tu te crois drôle ? Tu t’imagines que je vais te laisser foutre le bordel dans mon établissement ?
- Mais je… Je n’arrivais pas…
- Silence morue ! Non seulement tu n’es pas foutue de répondre à une question, mais en plus tu as mauvais genre ! Ce matin je t’avais mal regardée, je trouvais que tu avais du style. Mais maintenant, j’ai l’impression que tu as une tête à t’occuper des poubelles ! Pas de ça à la réception, tu es virée !
Arnaud fut ramené à sa chambre par le vigile, qui resta devant la porte le temps qu’il enlève son uniforme. Il fouilla dans le sac de vêtements que lui avait donné Maria et enfila la première chose qui lui tombait sous la main. Arnaud se retrouva à la rue quelques minutes après. Il se sentait perdu. Il était une fille et il n’avait nulle part où aller. Et surtout, la tournure des évènements commençait à vraiment lui faire peur. Il y avait eu ces flashs, ce matin devant la glace, maintenant, l’anglais disparaissait de son esprit, et pour couronner le tout, il venait de se faire éjecter de son logement. Il devait voir Maria de toute urgence !
Décidément, quelque chose ne tournait pas rond dans cette affaire.



Chapitre 7 : tout est bon dans la bonniche


Arnaud arriva au bar où travaillait Maria. Les hommes qui prenaient un verre tournèrent la tête dans sa direction. Arnaud portait une robe mini, s’arrêtant à la naissance de ses cuisses, largement ouverte sur ses seins et son dos, et ultra moulante. Les mâles apprécièrent en connaisseurs et Arnaud se sentit gêné d’être ainsi évalué. Maria était tout au fond, derrière le comptoir. Arnaud devait traverser tout le bar pour la rejoindre. Quand il passa au milieu du groupe d’hommes, une claque sur ses fesses rebondies le fit sursauter et couiner de surprise. Arnaud se retourna, indigné, vers le mufle qui riait avec ses amis. Arnaud aurait voulu lui décrocher un bon coup de poing, pour avoir osé faire ça. Mais il n’avait pas la force, il n’était qu’une fille. Il devait subir ce genre d’humiliation sans broncher. Arnaud se retourna vers Maria qui l’interpellait, en espagnol.
- Alors Cécilia, encore en train de te comporter comme une petite puta ? Tu as l’air d’aimer ça à ce que je vois… Qu’est-ce que tu veux, les filles comme toi, elles ont ça dans le sang !
Il était énervé que Maria prenne les choses avec autant de désinvolture.
- Arrête de te moquer de moi ! C’est terrible ce qui m’arrive ! Je crois que je continue à changer !
Maria eut un sourire ironique.
- Ah bon… Tu crois ?
- Je suis sérieux Maria, je n’arrive plus à parler anglais et ce matin, il y avait des images qui venaient dans ma tête, sans que j’arrive à les contrôler !
- Calme-toi Arnaud. Je le vois bien que tu changes...
Maria sortit son miroir de poche et le tendit à Arnaud. Il vit que son visage s’était transformé depuis le matin. Ses cheveux étaient maintenant entièrement noirs, ses pupilles avaient viré au sombre et sa peau s’était halée. Le corps d’Arnaud continuait sa métamorphose. Arnaud roula des yeux terrifiés vers Maria.
- Ça doit s’arrêter ! Tu m’entends ? Je veux retrouver mon corps d’homme, maintenant !
Maria sortit un verre minuscule et fit couler dedans un fond de liqueur.
- Bois ça, ça va te remettre les idées en place et tu me raconteras ta journée en détail.
Arnaud se lança dans le récit de tout ce qui lui était arrivé, par le menu, depuis l’instant où il avait quitté Maria. L’alcool le réchauffait. Au moment d’aborder son renvoi, il sentit des larmes monter à ses yeux. Il essaya de se reprendre. Il n’allait quand même pas se mettre à chialer comme une grognasse ! Mais il ne put s’empêcher de laisser échapper un petit sanglot et Maria, lui tendit un mouchoir.  
- Ne soit pas inquiet Arnaud. Après tout, jusqu’ici, tout c’est plutôt bien passé, non ? Franchement, ne me dit pas que tu regrettes ta nuit ! Tu as aimé t’agacer le berlingot ? Et puis tu découvres ce que ça fait de plaire aux hommes, et tu apprécies, je le vois bien...
- Mais je continue à changer !
- C’est normal, le processus met du temps à se stabiliser. L’effet de la machine est complexe sur ton corps. Comment t’expliquer ? C’est un peu comme une goutte qui frappe une surface d’eau. Dans un premier temps, elle s’enfonce, puis elle remonte et finit en vaguelettes qui s’éloignent. Avec la machine, c’est pareil. Ton corps et ton esprit n’ont pas terminé de s’adapter aux nanoparticules que tu as reçues. Non, vraiment, il ne faut pas te casser la tête pour si peu...
- Quand même…
- Après tout, au fond de toi, tu restes toujours le même homme n’est-ce pas ? Je veux dire, ce n’est pas comme si tu couchais avec d’autres hommes ou comme si tu te mettais à lire des magazines féminins ! C’est juste une expérience dans ta vie. Franchement, ce serait dommage d’interrompre tout ça maintenant, alors que ça va devenir intéressant.
- Oui enfin, si on veut… Mais, je n’ai plus de boulot, plus d’endroit où dormir. Je ne peux pas continuer comme ça, ce n’est pas raisonnable….
- Oh ! Le travail, ce n’est pas un problème. Je vais passer un coup de fil à l'hôtel d’où tu viens. Ils cherchent toujours des femmes de ménage. Tu feras la bonniche pendant quelques jours, voilà tout !
- Réfléchis Maria, ils vont me reconnaître !
- Aucune chance Arnaud. Tu te transformes vite. Tu n’es plus vraiment la même pin-up que ce matin, tu sais. Attends, on va t’arranger un peu.
Maria lui donna une paire de sandales à talon plat et une blouse grise, serrée à la taille par une ceinture. Elle lui fit attacher ses cheveux en chignon.
- Et voilà, dit Maria rayonnante, tu as vraiment la tête de l’emploi maintenant ! On croirait que tu as été faite pour passer la serpillière. Tu es contente ?
Arnaud se regarda dans la glace. Son corps avait perdu toute trace d’élégance. Alors que la veille, après sa transformation, elle était une jolie poupée élancée, des formes lourdes débordaient maintenant de sa silhouette. Elle était petite, surchargée de seins et de fesses, avec un visage rond comme une pleine lune et de grands yeux stupides. Pourtant, elle n’était pas dépourvue de charmes. Sa taille était bien prise, ses attaches étaient fines et ses jambes charnues avaient un joli galbe. Les hommes allaient continuer à se retourner sur elle, Arnaud le savait. Mais il savait aussi qu’il était devenu ce type de fille que personne ne songe à respecter, celles qui ne donnent qu’une seule idée aux hommes : “vite culbutée, vite oubliée”. Arnaud avait honte d’être dans un corps pareil.
Il retourna à l’hôtel. Mais au moment de franchir l’entrée principale, le portier posa sa main sur son épaule.
- Eh là ! Tu te crois où toi ? L’entrée de service, c’est derrière...  
Humilié d’être ainsi refoulé à cause de son apparence de prolétaire, Arnaud s’éloigna, en jetant un regard par-dessus son épaule. Le portier fixait sa croupe, avec un air satisfait et un petit sourire supérieur.
Arnaud passa par la ruelle qui longeait l’arrière de l'hôtel et poussa la porte de l’entrée de service. En guise d’accueil, le chef du personnel lui jeta :
- Tu es qui ? Conchita c’est ça ? Maria nous a dit que tu viendrais.
En lui-même, Arnaud pesta contre ce nouveau prénom choisi par Maria. “Quand je pense que je trouvais que “Maria”, ça faisait bonne à tout faire” se dit-il “me voilà avec un prénom encore plus minable ! Conchita ! Le pur prénom de bonniche immigrée !”
- Suis-moi, plus vite que ça, c’est bientôt le coup de feu et je n’ai pas de temps à te consacrer !
Le chef du personnel lui crachait ses ordres comme s’il lui jetait des reproches à la figure. Et, tout comme le portier, il s’était permis de le tutoyer spontanément.
- Voilà la clé de ta chambre, c’est au dernier étage, couloir de gauche. Tu prends ton service à 6 heures. D’ici là, je ne veux plus te voir dans mes pattes. Et gare à toi, si tu ne te tiens pas à carreau. Les femmes de ménage, ça ne manque pas. On n’a qu’à claquer des doigts et on en voit rappliquer vingt, des comme toi, prête à plonger les mains dans la merde en nous disant merci, c’est compris ? Si tu me fais des histoires, c’est la porte !
En montant les escaliers, Arnaud se demanda pourquoi il avait accepté de continuer cette expérience. Dire que s’il s’était montré ferme avec Maria, il serait maintenant bien tranquille, dans son corps d’homme, il aurait pu aller faire la fête avec ses amis, avant de s’endormir dans un lit douillet.
Arnaud poussa un soupire découragé en ouvrant la porte de sa chambre. Celle où Cécilia avait dormi était spartiate. Mais celle réservée à Conchita était carrément misérable. Il n’y avait pas d’armoire, pas de lavabo, juste un lit en métal rouillé, et trente centimètres pour évoluer autour. Les draps étaient à moitié déchirés et les couvertures avaient des trous. L’atmosphère de la chambre suintait une humidité chargée de moisi. Il n’y avait même pas de fenêtre. Une ampoule nue, pendue à un fil électrique, grésillait doucement en lâchant dans la pièce une lueur blafarde entrecoupée d'intermittences.
Arnaud posa ses grosses fesses sur le lit grinçant. Complètement abattue, elle commença à retirer ses vêtements. Une fois nue, elle vit que son entrecuisse et ses aisselles étaient couverts de touffes noires et frisées. Jamais il ne pourrait enfiler un maillot de bain à moins d’arracher tout ça avec une bonne épilation ! Ses épaules s’affaissèrent. Encore un souci que les hommes n’ont pas. Arnaud en avait assez d’être une fille.
Il sortit son téléphone. Les messages non lus remplissaient toujours sa boîte de réception. Un nouvel appel arriva alors qu’Arnaud regardait l’écran. Son patron. Machinalement, son doigt appuya sue la touche pour décrocher.
- Ah enfin je vous ai Arnaud ! Dites, je vous rappelle que j'attends encore votre rapport sur les down des dérivés. Le COE s’impatiente mon vieux, vous ne vous rendez pas compte ! Je sais bien que vous êtes en congés, mais tout de même, la terre ne s’arrête pas de tourner pour vos vacances ! Si ça continue vous allez me mettre dans l’embarras…
Arnaud avait trop de soucis pour vraiment faire attention à ce que disait son patron. De toute façon, il n’avait pas besoin de l’écouter pour savoir qu’il lui faisait des reproches. Cet homme passait son temps à exiger toujours plus de lui ! À cet instant, sans savoir vraiment pourquoi - les humiliations répétées ? la fatigue ? la peur ? - la colère submergea Arnaud et il se mit à hurler.
- Hijo de puta de jefe de mierda ! ¿ No me puedes dejar en paz por un tiempo ?
Un long silence se fit au bout du fil, puis la tonalité résonna aux oreilles d’Arnaud. Il venait d’insulter son patron ! Et ce sans-couilles n’avait même pas été capable de répondre quelque chose. Fou de rage, Arnaud jeta le téléphone par terre, et l’écrasa sous ses petits pieds féminins.  Il le broya à coups de talons, sautant dessus, faisant rebondir ses grosses mamelles qui lui revenaient au visage ! Arnaud se laissa tomber sur le lit.  Un énorme sentiment de liberté gonfla sa poitrine de femme. Pour la première fois depuis des années, le travail n’occupait plus ses pensées ! Il respirait. Arnaud venait de perdre le seul lien qui le rattachait à son job mais ça ne l’inquiétait pas. Il s’en moquait ! Arnaud repensa à tout ce qu’il avait enduré pour ce travail. À tous les sacrifices qu’il avait dû faire pour satisfaire son patron…
L’image de cet homme se mit à troubler son esprit. Il était si puissant, si riche, si dominateur. Arnaud imagina ses mains ridées se poser sur son corps de femme. Il se voyait nue, couchée devant lui, à sa disposition, les jambes écartées pour se soumettre à son plaisir. Cette idée dégoûtante l’excitait, bizarrement ! L’idée de cette vieille bite entrant dans son corps lui donnait des frissons ! Les doigts d’Arnaud s'enfoncèrent dans sa chatte poilue et frottèrent à l’intérieur, accompagnant l’image de son patron en train de la besogner. Arnaud pensait à ce mâle prenant son plaisir en elle, sans s’occuper de ce qu’elle ressentait. Il était là pour se faire jouir, elle ne comptait pas. Elle était utilisée. Puis il éjaculait. Et tant pis si elle tombait enceinte, tant pis pour elle. De toute façon, une fois les couilles du patron vidées, Arnaud ne servait plus !
Tout à son fantasme, Arnaud mordit son oreiller pour étouffer ses cris. Quand sa main ressortit de son sexe, ses draps étaient mouillés de jus de femme. Arnaud s’endormit, l’esprit libre et le corps calmé.



Chapitre 8 : mouillée par Xavier


Dans la nuit, le repos d’Arnaud fut traversé de flashs qui surgissaient violemment dans son esprit. Toujours les mêmes images d’inconnus en train de le fixer. Et Arnaud ne voyait jamais que leurs visages et leurs épaules. C’était comme de cours cauchemars qui torturaient son sommeil.
Arnaud se leva à 5h30. Il avait atrocement mal à la tête. Parfois, pendant quelques fractions de seconde, il avait l’impression que des inconnus surgissaient encore derrière ses paupières et voyaient à travers ses yeux. C’était très désagréable et perturbant.
Il enfila une culotte de coton blanc et un solide soutien-gorge à triple agrafes. Il fallait bien ça pour maintenir ses paquets de mamelles. Puis il passa la blouse bleue clair des boniches. Le tissu synthétique bon marché grattait sa peau nue. Arnaud se sentait humilié, dans ces vêtements qui sentaient la pauvreté, alors qu’il avait l’habitude des costumes fins siglés Dolce Gabbana ou Hugo Boss.
Il se rendit au travail et on lui fit d’abord récurer la cuisine. Arnaud, l’homme distingué au compte en banque bien rempli, se retrouvait à quatre pattes, frottant le sol, une serpillière à la main, ses grosses fesses tendues en l’air à la vue de tous les employés des cuisines qui se rinçaient l’oeil. Arnaud avait la gorge nouée, il serrait les dents.
On lui ordonna ensuite d’aller nettoyer le grand hall d’entrée. Arnaud dut se montrer en simple boniche, devant tous les riches touristes qui passaient là. Parfois, Arnaud levait les yeux dans leur direction. Il voyait bien qu’il n’existait pas pour eux. Les boniches comme Arnaud font partie du décor. On ne prête pas attention à elles, sauf pour leur jeter un peu de mépris ou pour les reluquer impunément, quand on n’a rien de mieux à se mettre sous le regard. Même la nouvelle réceptionniste le prenait de haut. Hier encore, Arnaud trouvait que s’occuper de recevoir les clients, c’était un métier pour les dindes tout juste bonnes à sourire. Mais aujourd’hui, il était dans une position encore plus minable ! Il s’usait les bras sur la crasse pendant que cette petite conne de réceptionniste avait le droit de le mépriser !
Après ça, Arnaud monta dans les étages. Il poussait un gros chariot rempli de produits d'entretien. Il frappa à une porte pour s’assurer que la chambre était vide, entra, refit le lit, passa l’aspirateur, puis alla dans la salle de bain. Il changea les serviettes-éponges, nettoya les douches et le lavabo, puis se mit à quatre pattes pour récurer les W-C.
Le visage au-dessus de la cuvette, le balai à chiottes dans la main, ses gros nichons pendant sous lui, Arnaud constatait en gros plan combien les gens étaient négligents. Ils s’en fichaient de salir, tous ces richards, il y avait toujours une boniche pour s’occuper de leur merde derrière eux. Quelqu’un comme Arnaud. Il décrocha patiemment les petits morceaux d’étrons accrochés à la faïence. Son front transpirait. Des gouttes tombaient dans les toilettes, dans le fond d’eau qu’il avait sous le nez. Des relents entêtants de sueur, d’eau de javel et d’excréments mêlés s’accumulaient. Arnaud avait la bouche pâteuse.
Bizarrement, Arnaud trouvait ce travail naturel pour lui. Les gestes lui venaient facilement, comme s’il avait fait ça toute sa vie. Et malgré le dégoût, il avait un peu l’impression d’être à sa place, posé à quatre pattes en train de frotter les chiottes.
En même temps, Arnaud réfléchissait. Comment avait-il pu se retrouver dans cette situation. Avec cette paire de loches qui encombrait l’espace entre ses bras, ses fesses relevées derrière lui, ses cuisses charnues serrant entre elles une fente broussailleuse glissante de sueur, et le tout qui bringuebalait au rythme de ses gestes ? Il était cadre supérieur pourtant ! Il avait l’habitude de regarder les gens de haut ! Arnaud imagina ses collègues de travail, ses secrétaires, ses amis, en train de le voir à cet instant, dans cette posture grotesque. Il imaginait ce que chacun dirait de lui, si on apprenait qu’il jouait à être une femme de ménage pendant ses vacances. Il imaginait croiser leurs yeux, sentir sur lui toutes les nuances du mépris. Arnaud avait honte. Mais malgré lui, la transpiration sur son vagin se mêla d’une autre sorte de liquide. Sans comprendre pourquoi, l’excitation grimpait dans son ventre.
Au moment où il passait en revue ses connaissances, et jouait à supposer leur réaction, un flash surgit devant lui. L’image aveuglante de son patron en train de le fixer, hilare. Pendant une poignée de secondes Arnaud ne pouvait plus rien voir d’autre que ça : son patron tout proche, assis derrière son bureau, en train de le regarder, tendant l’index vers lui et éclatant de rire ! Comme les autres fois, le flash s’évanouit aussi vite qu’il était arrivé, laissant à Arnaud un solide mal de crâne et une angoisse lancinante. Il essaya immédiatement de se convaincre qu’au fond de lui, il était toujours le même Arnaud qu’avant, que rien n’avait changé dans sa personnalité et que de toute façon, aucune de ses connaissances ne pouvait savoir. Mais il avait de plus en plus de mal à en être aussi certain.
“Allons”, se dit-il, “c’est pas importance. Tout très finit après vacances…”
Arnaud avait pensé en français, du moins, il avait essayé. Il avait de plus en plus de mal à maîtriser sa propre langue. Ça le perturba tellement qu’il faillit oublier un petit résidu de merde collé sous le rebord. Il s’en voulut immédiatement de cette négligence.
Arnaud passa à la chambre suivante. C’était celle d’Alex. Pendant un court instant, la panique le gagna. Et s’il tombait nez à nez avec lui ?
“Arrête de t’affoler comme une gonzesse” se dit-il en espagnol “et réfléchit un peu. Personne ne peut te reconnaître sous cette dégaine de boniche ridicule !”
Il frappa et, soulagé tout de même qu’on ne lui réponde pas, il entra dans la chambre vide. Il fit son travail de femme de ménage et ressortit une quinzaine de minutes après, puis passa à la chambre de Cyrille, juste à côté. Elle était déserte elle aussi. Arnaud commençait à être soulagé. Personne ne lui répondit quand il toqua chez Xavier, à la chambre suivante, et il entra d’un pas léger.
En voyant une forme dans le lit, Arnaud sentit une décharge de peur le traverser entièrement. Xavier ouvrit les yeux et regarda cette femme de ménage qui venait de le réveiller. Arnaud battait déjà en retraite.
- Reste ! cria Xavier. Après tout, à 11 heures, il est quand même temps de me lever. Putaiiiin ! Quelle nuit hier !
Sur le dossier d’un des fauteuils, une petite culotte oubliée pendait à côté du caleçon de Xavier. Il se leva, entièrement nu, et enfila le caleçon avec nonchalance.
- Eh bien, qu’est-ce que tu attends ? Fais ton ménage ! dit-il d’un ton méprisant
Arnaud ne pouvait pas faire semblant de ne pas avoir compris. Xavier s’adressait à la boniche en espagnol. En évitant de croiser le regard de son ami, Arnaud commença à faire le lit. Tout en tirant sur les draps, il jetait des regards en coin vers Xavier qui s’habillait. Arnaud ne pouvait pas s’empêcher de penser à ce que Xavier avait promené sous ses yeux, avant d’enfiler le caleçon. Cette virilité longue, balançant mollement d’une cuisse à l’autre, revenait dans son esprit malgré lui. Xavier était si grand, si fort. Ses épaules étaient si larges. Et quand il avait posé son regard froid sur son corps de femme ! Quand il l’avait évalué avec le coup d’oeil rapide de l’homme habitué à choisir ! Arnaud se sentait troublé en y repensant. Son entrecuisse le démangeait.
“Arrête idiote” se dit Arnaud en lui-même “n’oublie pas que tu es un homme, petite gourdasse ! “Et Xavier, c’est ton pote”. Cette fermeté rassura un moment Arnaud, jusqu’à ce qu’il s'aperçoive qu’il avait spontanément employé le féminin à propos de lui-même ! “Merde ! Est-ce que je deviens une gonzesse pour de vrai ? Est-ce que je me mets à avoir envie que Xavier… Non ! Impossible ! Je… Je suis Arnaud, je reste un homme !  “
Arnaud retourna au chariot prendre chiffons, brosses et bidons, et il passa devant Xavier pour aller nettoyer la salle de bain. Il voulait se dépêcher et partir au plus vite. Mais en même temps il ne pouvait pas s'empêcher de faire chalouper sa croupe sous les yeux de son ami. L’idée que Xavier regarde ses fesses était à la fois humiliante et excitante.
Arnaud n’en pouvait plus de ces sentiments contradictoires. Il se mit à astiquer furieusement le lavabo. Il essayait de se concentrer sur le tuyau du robinet, tout brillant et lisse, pour ne plus penser a autre chose. Une grande claque fit soudain rebondir ses fesses dodues !
Il regarda dans le miroir et vit Xavier, derrière lui, souriant lubriquement en lui collant la main au cul ! Face au reflet, Arnaud avait du mal à reconnaître la femme coincée contre le lavabo par Xavier. C’était lui pourtant. Ce visage basané, ces yeux noirs écarquillés, cette bouche arrondie par la surprise et, plus bas, ces deux gros seins emprisonnés par la blouse de femme de ménage. Tout était à lui. Et Xavier en avait après son cul ! Arnaud se sentait humilié que son ami le tripote. Ses doigts rentraient dans l’épaisseur de ses fesses, malaxant grossièrement sa peau à travers le tissu de sa robe. Arnaud voulait se dégager, mais Xavier le dominait. Il était plus grand, il était plus fort et il ne laissait aucune chance à Arnaud. Celui-ci en était réduit à pousser de petits gémissements de fille prise au piège. Arnaud avait tellement honte de sa faiblesse qu’il se sentait poisseux à l’intérieur.
Xavier leva la main. Arnaud rentra instinctivement la tête, puis il vit un papier de couleur entre les doigts serrés de Xavier. La main s’approcha de ses nichons et fourragea dans son décolleté pour y enfoncer un beau billet de cinq euros. Le billet était un peu froissé, mais Arnaud sentit tout de suite une bouffée de convoitise se mêler à son humiliation.
- Ça, c’est pour le service ! Dit Xavier avec un air méchant. Alors tiens-toi tranquille, sinon…
C’était plus fort que lui, Arnaud avait peur que Xavier lui reprenne le billet. Il se laissait faire. Sa veulerie l’écoeurait, mais il ne pouvait pas s’empêcher d’être une boniche bien contente, avec tout cet argent coincé dans son soutien-gorge.
La main de Xavier se colla à ses seins et les écrasa. Un frisson de plaisir parcourut Arnaud. À cet instant, il n’était qu’un objet sexuel. Une fille qui se laisse faire pour cinq euros. Il ne valait pas mieux qu’une pute, après tout. Mais quelque part, ça l’excitait que Xavier profite de lui, et le méprise. C’était atrocement humiliant mais c’était comme si on l’avait remis à sa place une bonne fois pour toutes. Arnaud aimait ça.
Xavier agita alors un billet de 10 euros juste sous le nez d’Arnaud. Ses yeux suivaient le rectangle de papier, attirés irrésistiblement comme par une friandise.
- Il te plaît le billet hein ! Ça te fait mouiller cochonne !
Arnaud approcha la main, mais Xavier s’empara de son poignet et il serra jusqu'à lui faire mal. Il appuya son corps contre Arnaud, l’écrasant contre le lavabo.
- Ce n’est pas gratuit, salope ! Fous-toi à poil, plus vite que ça ! Je veux que tu nettoies avec la chatte à l’air !
Xavier se recula de quelques centimètres et il remonta son bras entre les cuisses d’Arnaud. Il se glissa dans sa culotte et malgré ses cris, il lui enfonça le billet dans le vagin.
- Vas-y déballe ta viande. Et gare à toi : je veux que tu laisses ce pognon dans ta fente, comme une bonne pute !
Xavier avait reculé et regardait avec délice la bonniche torturée par un cas de conscience. Arnaud ne pouvait pas renoncer à tout cet argent. Dix euros dans le cul, ça le rendait riche. Il ne pouvait pas résister à l’offre de Xavier. Malgré la honte qui lui brûlait le visage, Arnaud défit sa ceinture et laissa lentement glisser sa blouse par terre. Il fit sauter les agrafes de son soutien-gorge. Ses deux grosses mamelles tombèrent mollement devant lui. Il roula sa culotte de coton jusqu’à ses chevilles. Arnaud était tellement humilié que Xavier voit sa fente nue, luisante. Xavier ramassa les vêtements.
- Allez grognasse ! Qu’est-ce que tu attends pour faire le ménage ? Je t’ai payé !
Arnaud se mit lentement à quatre pattes, en regardant le sol. Il tendit sa croupe vers Xavier, dévoilant entièrement sa chatte. Le billet enfourné dedans grattait sa peau à l’intérieur, mais il n’avait pas le droit d’y toucher. Il commença à frotter la serpillière par terre.
Ses mouvements brusques faisaient tout remuer dans son corps. Ses nichons vastes et mous s’entrechoquaient comme des cloches d’églises lancées à la volée, la peau de ses grosses fesses se plissait sous les ondes provoquées par ses gestes. Ses cuisses gélatineuses frottaient l’une contre l’autre et ça chauffaient son ventre. Arnaud lâchait des halètements brefs. La main de Xavier claqua son fessier avec ampleur et Arnaud faillit avoir un orgasme ! Les doigts de son ami s'enfoncèrent dans les replis gras de sa fente. Arnaud avait la bouche ouverte et la salive coulait de sur ses lèvres. L’envie de se faire pénétrer se faisait électrique. Elle grésillait et affamait littéralement son orifice. C’était doux et tendu, impatient et envahissant, tout à la fois. Arnaud voulait qu’on lui rentre dedans, qu’une bite s’enfonce. C’était horrible, pour un homme comme lui. Mais la honte d’Arnaud se mêlait à du plaisir. Il n’était plus qu’une femelle qui voulait être prise, bourrée, limée comme une chienne, par Xavier, son ami.
Xavier retira ses doigts de la chatte trempée.
- Dis-donc ma grognasse, tu t’excites ? Tu as vraiment envie on dirait ? Alors comme ça, tu es prêtes à te faire grimper par le premier mec qui passe ! Salope va !
Arnaud avait du mal à le réaliser, mais c’était vrai… Il n’était qu’une salope. De celles qu’il méprisait quand il était un homme. Une moins que rien à quatre pattes, en train de baver après la bite. Arnaud écarta largement les cuisses, laissant tout apparaître de son intimité. Il attendait Xavier. Mais ce dernier se contentait se passer ses doigts en bordure de son trou, sans y pénétrer. C’était un vrai supplice pour Arnaud…
- Tu t’imagines que je vais te baiser, pétasse ? Tu t’oublies, j’ai ma dignité quand même ! Après tout, tu n’es qu’une pauvre petite boniche. Je trouve mieux que toi au premier coin de rue ! Sans compter qu’en te baisant, Dieu sait quelle saloperie j'attraperais !
Xavier plongea sa main dans la tignasse d’Arnaud et tira sa tête en arrière. Il se redressa et marcha vers la porte, forçant Arnaud à avancer tant bien que mal derrière lui. Xavier tourna la poignée et poussa la bonne en dehors de sa chambre, dans le couloir de l'hôtel. Arnaud trébucha et s’étala par terre aux pieds de Xavier. Il était toujours à poil.
- Allez, c’est fini, va-t-en ! Dégage de là ! Tu me dégoûtes !
- Qu’est-ce que c’est que cette truie ? demanda une voix familière aux oreilles d’Arnaud.
Alex et Cyrille étaient dans le couloir, étonné de voir le petit corps dégoulinant de rondeurs d’Arnaud avachit, tout nu, devant eux.
Xavier, un peu surpris par l’arrivée de ses amis, voulut se donner une contenance. Ils ne voulaient pas qu’ils s’imaginent qu’il avait baisé une pareille viande à prolos. Il fourra sa main entre les cuisses luisantes d’humidité d’Arnaud et arracha le billet profondément enfoncé dans sa chatte.
- Je ne sais pas ce qui me retient de me plaindre à la direction ! Venir se foutre à poil devant moi pour me voler mon argent ! Tu t’imaginais que j’allais te baiser, peut-être, en plus ? C’est une honte !
Xavier se tourna vers ses amis pour les prendre à témoin :
- Non mais, vous avez vu ça ? Plus moyen qu’une boniche reste à sa place ! Ça ne doute de rien ce genre de roulure !  
- Ha ha ha ! Toujours aussi séducteur, Xavier !  Plaisanta Cyrille.
Arnaud avait le visage cramoisi par l’humiliation. Ses amis voyaient tout. Ils se moquaient de son corps de petite espagnole. Arnaud essayait de se cacher avec ses mains, mais chaque fois qu’il arrivait à dissimuler quelque chose, c’était une autre partie de son anatomie qu’ils avaient sous les yeux. C’en était trop ! Arnaud explosa. Il devait leur dire la vérité. Peu importe ce qu’ils allaient penser de lui.
- A… A… A… Arnaud… Arnaud...
Les mots s’étranglaient dans sa gorge. Arnaud essayait de parler français mais seul son prénom voulait bien sortir, et avec un fort accent espagnol en plus ! C’était horrible ! Ses trois amis le fixaient sans comprendre.
- Qu’est-ce que cette petite pétasse raconte, à votre avis ?
Cyrille haussa les épaules.
- Elle a prononcé le prénom d’Arnaud, non ?
- Je crois bien…
- Boah, laissons tomber. Ça doit vouloir dire quelque chose en espagnol.
Xavier tira la porte de la chambre, enfermant la robe de bonne à tout faire d’Arnaud à l’intérieur. Le regard d’Alex se mit à pétiller. Il venait de trouver une bonne blague.
- À moins qu’elle réclame le corps d’Arnaud ! Elle demande où il est ! Qui sait, après tout, Arnaud a toujours eu un faible pour les ibériques ! Il s’est peut-être embourbé ce trou à pattes !
- Arnaud n’avait quand même pas faim à ce point-là !
Les trois amis éclatèrent de rire.
- Pas du tout, c’est sûrement elle qui est tombée amoureuse de lui !
- Déconnez pas les mecs, elle est quand même gironde cette petite pute. Elle a un beau cul et des beaux nichons après tout…
- Oui, elle est bien gaulée, on pourrait se laisser tenter… Mais oublions cette conne, il y a bien mieux à ramasser sur la plage !
Arnaud regarda ses amis s’éloigner. Il n’avait pas réussi à leur parler en français. Et la perte de sa langue natale l’avait tellement remué qu’il n’avait même pas songé à s'exprimer en espagnol. Xavier l’aurait compris au moins. Arnaud toucha son entrejambe et des larmes se mirent à couler de ses yeux.
Il ne pleurait pas seulement parce que ses amis l’avaient traité comme une merde, ou parce qu’il restait au sol, nu comme un ver, ridicule, grotesque, misérable… Il pleurait parce que le billet de cinq euros était resté dans son soutien-gorge, dans la chambre, et que Xavier lui avait enlevé le billet de dix euros.
Décidément, Arnaud était encore moins qu’une pute. C’était une pute qu’on ne prenait même pas la peine de payer !



Chapitre 9 : filmé comme une star


Nu, Arnaud réussit à rejoindre sa chambre sans se faire prendre. Il s’habilla comme il put. Il était en colère. Dix minutes plus tard, il déboulait furieusement dans le bar de Maria.
- Mierda…joder… que coño es eso….
- Qu’est-ce qui t’arrive encore ma douce ? répondit Maria en riant. Faut pas s'énerver comme ça voyons, et puis c’est quoi ce langage de charretière ? Où est ton éducation ? C’est vraiment toi ça ?
- Arrête ! Putain ! Arrête de me prendre pour un con ! Ça suffit comme ça ! Ça… Ça… Merde, je viens de me faire doigter et humilier par un de mes meilleurs amis ! Il m’a traité comme une vulgaire salope !
- Oh, ça, ce n’est pas gentil de sa part. Tu devrais mieux choisir tes amis Arnaud... Tu as eu très mal ?
- C’est ça le pire, j’étais là et j’en redemandais ! Je… Je crois bien que je voulais même me faire prendre comme une fille !
Maria ne répondit rien mais une petite moue ironique se dessina sur sa bouche, rallumant la colère d’Arnaud.
- Ta gueule trainée ! Connasse ! Morue ! Hurla-t-il en trépignant, secouant en tout sens ses amples formes.
- Mais je n’ai rien dit ! fit remarquer Maria calmement.
- Tu ne comprends pas ! reprit Arnaud, un peu décontenancé. Ce corps de pouffiasse me mélange l’esprit, il me tourneboule et je ne sais plus où j’en suis. Depuis aujourd’hui je n’arrive même plus à parler français ! Plus un mot ! Si je croisais ma mère à l’instant, il me faudrait un interprète pour discuter avec elle ! Tu te rends compte ?
Maria secoua la tête, avec un air faussement désolé. En réalité, elle s’amusait beaucoup de voir à quel point Arnaud perdait ses moyens et son sang-froid. Il ne restait vraiment plus grand-chose de l’homme qu’il avait été, ce beau businessman si arrogant, si méprisant. Ce n’était plus qu’une fille grossière, au caractère emporté et qui devenait de plus en plus stupide à mesure que le temps passait. Physiquement, c’était une bombinette très sexy, toute en rondeurs là où les hommes aiment plonger les mains, et assez fine dans le reste de son corps, mais toute petite. Arnaud devait lever les coudes pour s’appuyer sur le comptoir. Face à lui, Maria baissait le regard pour lui parler, comme si elle s’adressait à une enfant de 13 ans. Ça énervait considérablement Arnaud d’être regardé de si haut.
- Tu ne trouves pas que tu dramatises un peu Arnaud ? Franchement, qu’est-ce que ta mère viendrait faire à Calp ?
Arnaud resta quelques secondes les yeux perdus dans le vide. Ses lèvres se mirent à trembler. Il répétait pour lui-même en chuchotant “nan, fais chier, fais chier”... Il essayait visiblement de retrouver le fil de ses idées. Les yeux de Maria brillaient de plaisir. Elle le trouvait minable.
- Elle pue la merde ma situation ! reprit finalement Arnaud. Je crois que je vire dingue. Il y a des images qui jaillissent dans mon crâne, sans prévenir. Des gens en train de rigoler en me regardant. J’ai même vu mon patron ce matin. Mon patron qui est en France putain ! Qu’est-ce qu’il vient foutre dans ma tête ! Je…
- C’est normal Arnaud. La transformation a modifié beaucoup de choses en toi et, en quelque sorte, ton esprit a fait un recablage général. Les tuyaux se sont rebranchés, et ça fait des perturbations. Ce que tu vois, ce sont des souvenirs, tes souvenirs. C’est juste que, généralement, les souvenirs viennent quand on y pense, alors que dans ton cas, ils ont tendance à surgir tout seul, mais ce n’est pas grave.
- Nan, merde ! Juste après ma transformation, il y avait des souvenirs. Des images comme tu dis. Mais plus maintenant. Il y a des visages, ils me regardent. C’est des inconnus j’te dis !
- Tu veux dire que ton patron est un inconnu pour toi ?
- Naaan ! Arrête Maria, c’est pas c’que j’ai dit ! Tu m’embrouilles encore ! Y a des inconnus et des connus, c’est un peu tout le monde qui se succède. C’est le bordel !
Maria passa devant le comptoir et s’approcha d’Arnaud. Elle se colla à lui. Elle était vraiment beaucoup plus grande maintenant. Arnaud avait le visage dans ses seins.
- Tu t’inquiètes pour rien. Je te l’ai dit, ce sont des souvenirs ! Seulement des souvenirs, c’est compris ?
Le ton de Maria était ferme et froid. Arnaud baissa les yeux, incapable de soutenir le regard décidé de la barmaid.
- Pour l’instant, Arnaud, tu as du mal à avoir les idées claires. Alors écoute-moi bien. C’est inutile de t’en faire. Parce que, au fond, tu es resté le même homme dans ta tête, on est bien d’accord ?
Le ton de Maria était devenu doux. Elle parlait lentement. Sa poitrine qui frottait Arnaud troublait celui-ci.
- Reconnais-le quand je me colle, comme ça, je ne te laisse pas indifférent, n’est-ce pas ?
Arnaud avala sa salive. Il ne savait plus où il en était.
- Tant que tu gardes des pulsions d’homme, tu n’as pas à t’inquiéter. Après tout, ce n’est pas comme si tu avais laissé n’importe qui enfoncer sa bite dans ton corps de femme. Tu n’as couché avec personne ! Et puis, au fond de toi, tu aimes ça, être une boniche, avoue-le ? Tu adores qu’on t’oblige à faire des choses, et que personne ne fasse attention à toi. C’est tellement agréable d’être insignifiante, pour quelqu’un comme toi qui croulait sous les responsabilités. Tu n’as plus d’ordre à donner, plus de soucis, tu n’as qu’à laisser les autres décider pour toi. Mais ce sont des vacances de rêve Arnaud ! Tu n’en vivras jamais d’aussi belles ! Et tu voudrais arrêter tout ça maintenant ? Et retrouver la grisaille de ta vie parisienne ? Tu es si pressé de devoir rédiger à nouveau des rapports ?
Arnaud secoua lentement la tête.
- Ah ! Tu vois bien que j’ai raison…
Le ton de Maria s’était fait de nouveau autoritaire. Elle s’écarta brusquement d’Arnaud et, sans se retourner, elle s’éloigna vers l’arrière-salle. Elle se mit à ramasser sur les tables les verres vides laissés par les clients. Elle ne semblait plus disposée à lui accorder le moindre regard.
- Au fait, Arnaud, tu n’es pas censé être à ton travail en ce moment ?  Retourne vite à l'hôtel, si tu ne veut pas être renvoyé !
Un sentiment de panique s’empara d’Arnaud. Il était glacé de terreur à l’idée d’être mis à la porte. Il sortit précipitamment du bar. Derrière lui, Maria riait.
Une fois revenu à l'hôtel, ayant retrouvé son uniforme et reprit son service, Arnaud poussa un soupir soulagé. Son escapade était passée inaperçue. Entre deux nettoyages de chambre, il prit un peu le temps de réfléchir.
“C’est vrai, je suis toujours Arnaud au fond de moi… Le même Arnaud, avec la même ambition, le même caractère…” Il essayait de se convaincre, mais il n’était plus très sûr que ce soit vrai. Il avait peur. De tout. Il avait peur des hommes et de leur violence, il avait peur de manquer d’argent au point d’être prêt à tout accepter pour un sordide billet, il avait peur du chef du personnel, des clients qui se permettent tout et il avait même peur de ses amis. Arnaud avait des craintes de boniche sous-payée, tout en bas de l'échelle sociale. Il ressentait les choses comme une pas-grand-chose soumise aux caprices des gens plus importants qu’elle. Et une jouissance sale, insidieuse, venait en lui se mêler à toutes ces craintes. Arnaud ne pouvait pas s’empêcher d’aimer ça, même s’il détestait ressentir ce plaisir...
“Non, ça doit cesser !” se dit Arnaud. Il s’était encore laissé embobiner par Maria, cette fois. Mais il allait retourner au bar pour exiger qu’elle lui rende immédiatement son corps d’homme ! Et qu’importe ce qu’elle dirait, elle n’arriverait plus à le piéger. Arnaud serait inébranlable. Arnaud se sentit un peu rassuré par la détermination qu’il sentait en lui. Cependant, il avait bien trop peur pour quitter une nouvelle fois son poste sans autorisation. Il décida d’attendre le soir, et la fin de son service, pour aller voir la barmaid.
À la nuit tombée, Arnaud se retrouva dans la rue. Il marchait d’un bon pas vers le bar de Maria, essayant d’ignorer les hommes qui lorgnaient ses formes. Les touristes étaient nombreux à flâner. Les chaleurs de l’été avaient presque entièrement déshabillé les filles, qui promenaient avec impudeur leurs peaux bronzées et leurs formes gorgées de vie, à peine dissimulées sous des mini-shorts, des mini-jupes, des mini-tops, des robes légères bien ajustées. Arnaud trouvait que son corps de femme était bien mal fagoté, à côté de toutes ces étrangères souples, parées à la dernière mode. Des fois, son regard s’attardait sur une paire de jambes plus jolies que les siennes. Et Arnaud, dépité, finissait par se dire “Peuh, d’abord, j’ai des seins plus gros qu’elle”. Quand il croisait un couple, ses yeux glissaient vite vers l’homme. Arnaud s’émoustillait en voyant sa carrure et sa démarche virile, ça le troublait. Sans s’en rendre compte, il se mettait à envier la fille qui avait réussi à intéresser un si beau mâle. Pour Arnaud, c’était des sensations étranges.   
Arnaud avait l’œil attiré par les vitrines des boutiques de vêtements, constellées de spots déversant leur lumière sur la rue. Il regardait les mannequins filiformes, ornés de vêtements fins aux prix exorbitants. Ce genre de chose n’était pas pour lui, il le savait bien. Il n’était qu’une femme de ménage. Plus loin, une musique rythmée et sifflante retint son attention. Elle provenait d’une petite boutique entièrement ouverte en façade. Des brassées d’objets multicolores débordaient sur le trottoir, pendus à un auvent, ou entassé dans des paniers. Des flûtes de pans, des bonnets en laine chamarrés, des vêtements, des bibelots. C’était une échoppe spécialisée dans l’artisanat d’Amérique du sud. Arnaud sentit son cœur se gonfler à la vue de cet endroit. Il entra. La musique des Andes avait un air bizarrement familier à ses oreilles.
Alors qu’Arnaud tâtait un grand poncho rouge sang de bœuf, qui faisait briller ses yeux de convoitise, la vendeuse s’approcha.  Elle se frottait machinalement les mains, certaine d’avoir trouvé une cliente.
- Je peux vous renseigner ?
- Il est à combien celui-là ? répondit Arnaud tout en enfilant le poncho pour se regarder dans la glace. Il trouvait que ça lui allait bien. Le poncho était confortable comme un de ces vêtements hors d’âge qu’on porte le dimanche chez soi, tranquillement à la maison.
- Oh ! Mais vous êtes du pays ! s’exclama la vendeuse
La sonorité de la langue était complètement nouvelle pour Arnaud. La femme ne parlait pas l’espagnol, ni même une langue européenne. C’était plus lointain que ça. Malgré tout, Arnaud avait parfaitement compris ses mots.
- Oui… Oui, c’est ça…  répondit-il prudemment, sans bien savoir de quoi il était question. Et il se rendit compte immédiatement qu’il avait utilisé la même langue que la vendeuse !
- Ha, si vous saviez comme ça me fait plaisir d’entendre parler Quechua ! Ça fait si longtemps… continua la femme avec un sourire ravi.
Arnaud n’en revenait pas. Il s'était exprimé dans la langue des Indiens du Pérou ! Il aurait voulu pouvoir réfléchir à ce mystère, mais il dut supporter un quart d’heure le babillage de la vendeuse. Elle lui parla de sa vie d’immigrée sans papier, qui tenait cette boutique pour un salaire ridicule et vivait perpétuellement dans la crainte de la police et de l’expulsion. Arnaud réussi finalement a payer le poncho et ressortit de là. Au dernier moment, la vendeuse lui posa sur la tête un de ces petits chapeaux ridicules que portent traditionnellement les femmes de l’altiplano, les hautes plaines désolées perchées au cœur des Andes.
- C’est juste un cadeau, entre compatriotes !  
Arnaud se sentait humilié de l’amitié de cette femme. Ça l’effrayait que cette misérable s’imagine qu’elles étaient semblables. Arnaud n’était quand même pas tombé si bas ! Il n’était pas comme elle, une immigrée écrasée par tout le monde, toujours enfermée dans la peur. Il reprit son chemin. Il regardait les gens d’un autre œil maintenant. Ils étaient tous si riches, si puissants par rapport à lui. Et si grands de taille. Même les grands-mères tassées par les ans dépassaient Arnaud désormais.
Arnaud déprimait, et ça lui donnait faim. Pourtant, les odeurs subtiles s’échappant des restaurants gastronomiques le laissaient indifférent. En revanche, il se mit à saliver immédiatement en arrivant près d’une gargote qui vomissait à vingt bons mètres une puissante odeur de graillon. Elle était dans une petite rue étroite, en retrait du front de mer. Arnaud entra. Quelques touristes, mélangés à des habitants du coin, enfournaient là une cuisine dégoulinante de graisse. Les discussions sonores étaient noyées par une télé retransmettant à plein volume un match de foot. Au mur, des posters de sportif partageaient la vedette avec des calendriers de femmes nues. Arnaud s’assit dans un coin, sur une chaise métallique, devant une table parsemée de taches de sauce séchées. Il commanda une tortilla de patatas et cinq minutes plus tard, le patron fit glisser devant lui une assiette fumante. Arnaud commença à mastiquer avec délectation.
Quelques semaines avant, Arnaud aurait eu envie de vomir rien qu’à l’idée de toucher une nourriture aussi grossière. Ses goûts changeaient, il s’en rendait bien compte. Mais il se sentait trop abattu pour y faire attention à cet instant. Seul comptait le plaisir de sentir de grosses bouchées brûlantes glisser dans son estomac.
La tête dans son assiette, Arnaud ne prit pas garde aux regards dirigés vers lui. Les touristes et certains Espagnols se chuchotaient des choses à l’oreille en le regardant. Ils consultaient leurs téléphones portables. Ils échangeaient des plaisanteries en le montrant du menton.
L’un d’eux, plus audacieux que les autres, finit par s’approcher de lui. Il abattit violemment ses mains sur la table, faisant sursauter Arnaud.
- Avec les potes, on discutait pour savoir si t’était prête !
Arnaud le regardait, stupéfait, un morceau d’omelette à moitié enfoncé entre ses lèvres. L’homme avait une tête trop grosse par rapport à son corps. Ses grands yeux traversés de reflets vitreux lui donnaient un air de folie.
- T’es du genre à aimer quand on te force, c’est sûr, mais t’as certainement pas encore passé le pas. On se demande tous ce que tu vas en penser. J’ai parié que tu allais adorer ça !
Un sourire fendit le large visage du jeune homme. Il prit Arnaud par le bras et força la petite femme de ménage à se lever, puis il la tira vers la porte du fond. Arnaud, les yeux écarquillés, tournait la tête dans toutes les directions. La plupart des clients restaient le nez dans leur assiette, indifférents. Les autres le regardaient se faire emmener, en souriant.     
Arnaud fut traîné dans la ruelle derrière le restaurant. L’endroit était sale et humide, empuanti par les poubelles et les relents d'égouts. L’homme resserra sa prise sur le bras d’Arnaud et l’amena à lui, jusqu’à ce qu’il soit collé contre son corps. Sa bouche chercha la sienne. Arnaud se débattait, mais la poigne puissante du touriste ne le laissait pas s’échapper. Arnaud était si faible, si petit, il ne pouvait vraiment rien faire. L’autre le contrôlait entièrement.
Les lèvres du jeune homme s’écrasèrent finalement sur celles d’Arnaud. Il était en train d’embrasser un garçon sur la bouche ! Le dégoût le secouaient de haut-le-coeur incontrôlables. Mais en même temps, l’idée d’être livré à cet homme sans scrupules le remuait d’excitation. Une bosse se forma entre les jambes masculines, appuyant durement sur le ventre de femme d’Arnaud. S’emparant de son poignet, le touriste força la main d’Arnaud à descendre jusque-là et la fit entrer dans son bermuda. Un sexe d’homme chaud et rigide et une grosse paire de testicules poilus remplirent sa petite main de femme.
- T’en a envie hein ? Morue ! T’est qu’une trainée et ça te fait mouiller, avoue-le !
La culotte d’Arnaud devenait moite. Les mains épaisses du touriste plongeaient dans ses seins et ses fesses, malaxant sa peau comme une pâte qu’on pétri. Les doigts s’enfonçaient, se refermaient comme des crochets dans ses rondeurs, les paumes brutales écrasaient et emportaient la chaire, la bouche engloutissait, aspirait, glissait en laissant sur Arnaud des traînées de salive, les mâchoires se refermaient et pinçaient, agaçantes et douloureuses. Comme un soudard, l’homme s’emparait d’Arnaud comme il voulait. C’était terriblement bon pour Arnaud, qui se laissait emporter par la torpeur douce de l’abandon.
Déjà à moitié déshabillé, Arnaud sentit sa culotte se tendre et entrer dans sa peau. L’homme tirait dessus. Arnaud poussa un cri. Le tissu craqua. Les lèvres intimes d’Arnaud furent couvertes de doigts grouillants qui investirent son orifice. Les petits boudins d’os et de muscles remuaient nerveusement à l’intérieur de son ventre. Les décharges de plaisir, brusques et intermittentes, coupaient les jambes d’Arnaud qui s’accrochait aux épaules de l’homme. Doigté comme une fille, il poussait des gémissements énervés.
L’autre main du touriste tomba sur sa tête, serra sa nuque jusqu’à lui faire mal, et retourna Arnaud d’un geste violent. L’homme le jeta comme un paquet sur une poubelle ouverte. Arnaud essaya de se débattre mais la main s’abattit entre ses omoplates et le cloua là.
- Bouge pas salope !
Dans l’esprit d’Arnaud, l’impression d’être un morceau de viande qu’on utilise se mélangeait à l’impatience. L’envie le parcourait, des cuisses à la poitrine. Ses seins écrasés contre le rebord de la poubelle se gonflaient au rythme de sa respiration. La peur de l’homme contractait son vagin. Arnaud était vierge, il devinait le pénis qui allait venir tout ravager. Il l’espérait et le redoutait tout à la fois. “Heureusement que je n’ai pas le choix” finit par se dire Arnaud, torturé par les sentiments contradictoires, incapable de se décider.
La main du mâle se saisit de ses cheveux et enfonça sa tête dans les ordures.
- Si tu as envie de faire la fière, respire un bon coup, ça te rappellera qui tu es... cracha le touriste dans son dos.
Le gland gorgé de sang écarta ses lèvres et s’enfonça. Arnaud le sentait pénétrer à l’intérieur de son corps. Son ventre se crispait tout autour. Ses jambes s’agitaient, ses mollets remontaient contre ses cuisses et se détendaient en gestes rapides, en vain. Le gourdin forçait ses chaires, il entrait au plus profond d’Arnaud. Le visage écrasé contre un fruit pourrit, Arnaud serrait les dents. Le corps étranger appuya sur son hymen, faisant monter la douleur dans ses reins de femme. Un mouvement d’une fraction de seconde lança le pénis au-delà de la barrière, crevant la peau d’Arnaud. Il eut l’impression que le sang giclait dans son ventre, alors qu’une souffrance fulgurante explosait dans tous ses nerfs. Un cri de fille, jaillissant de sa gorge, déchira les aiguës. Le sang poisseux coula sur ses cuisses, pendant que la bite restait à l’intérieur d’Arnaud, commençant le va et viens. Arnaud, les yeux révulsés, ressentait sans comprendre pourquoi un immense soulagement. Le clapotis sale du sexe d’homme en train de le violer se mêla aux ahanements de bûcheron du mâle en pleine action. Arnaud se faisait niquer.
La main, alourdie par tout le poids du corps du touriste, incrustait sa tête encore plus profondément dans les saletés de la poubelle, les bordures métalliques s’enfonçaient douloureusement dans la peau tendre de ses seins. Malgré tout, Arnaud était surexcité. Le phallus déchaîné dans son corps le labourait avec vigueur. Les mouvements vifs dans son orifice, les frottements sur ses lèvres, qui résonnaient par l’intérieur jusqu’à son clitoris, s’étaient mis à lancer en lui des roulements de plaisirs qui explosaient en courtes tempêtes, scandées par les allers-retours. Cette impression d’être contraint à la passivité, d’être exploité comme un accessoire pour le plaisir de l’homme, d’être juste un récipient à pénis en train de servir de défouloir, c’était à la fois follement humiliant et atrocement bon. Malgré lui, tout en pleurant de rage, Arnaud se délectait de sa déchéance.
Il lâchait des couinements au fond de la poubelle, submergé de jouissance, presque suppliant, lorsqu’une série de flashs éclata devant ses yeux. Des visages, comme toujours, qui le regardaient. Ils se succédaient par milliers devant lui, les uns après les autres et Arnaud arrivait à distinguer les traits de chacun. Certains de ces gens riaient, d’autres avaient des expressions cruelles ou réjouies, il y en avait qui avait la figure congestionnée agitée par de petits soubresauts - et Arnaud voyait alors les mouvements saccadés de l’épaule, dénotant le geste répétitif de la main au niveau de l’entrejambe - il y avait des curieux, des moqueurs, des étonnés, des concentrés, des indifférents aussi, des jeunes des vieux, des hommes pour la plupart, et quelques femmes. Et au milieu de ces inconnus qui défilaient, Arnaud reconnu ses trois amis. Alex, Cyrille et Xavier tous les trois ensembles, l’un à côté de l’autre, bien serrés, en train de rire et de plaisanter face à lui, en train de le regarder se faire troncher dans une poubelle.  
Pour Arnaud, l’idée qu’on le voit dans cette situation était insupportable. Maria lui avait dit que ces images n’étaient que des souvenirs ressurgissant inopinément dans son esprit. Mais Arnaud avait l’impression que le monde entier était en train de le voir et de se moquer de lui. Le sentiment d’abjection grimpa en lui comme une nausée. Il se mit à hurler. Une grande gifle sur son crâne l’obligea au silence, interrompant le défilé des images.
- Mais ta gueule grosse truie ! Je vais juter bordel !
Les mouvements du touriste étaient de plus en plus rapides, ses gestes de plus en plus violents. Il secouait Arnaud comme un paquet de linge dans une essoreuse. La poubelle, projetée à chaque coup contre le mur, lançait des claquements métalliques de plus en plus rapprochés. Intérieurement, Arnaud suppliait pour que ça s’arrête.
- Oh la vache ! Prends ça pétasse !
Les ongles de l’homme plantés dans sa peau, Arnaud sentit le pénis agité de spasme. Des flots visqueux et chauds furent projetés au fond de son ventre. Arnaud avait l’impression que les jets de semence le souillaient par-dedans, comme si on le remplissait d’ordure. Il venait de se faire éjaculer dans le vagin.
- Avec un peu de chance, ma salope, ça te fera un joli bâtard ! lui chuchota le touriste, qui s’était effondré sur son dos après la jouissance.
L’homme se redressa et rabattit sur les fesses d’Arnaud le poncho, qui était resté accroché à une épaule.
- Et pas la peine de t’essuyer, j’ai craché profond, je voulais que tu en profites ! Tu l’as dans le cul, crois-moi !
Arnaud était terrorisé à l’idée de tomber enceinte. Secoué de sanglot, il se mit à gémir. En même temps, il essayait piteusement de s’extraire de la poubelle. “Ah !” se disait-il, “c’est comme ça ? Lui il s’en paye une bonne tranche, et moi je suis tartinée au foutre et j’ai les emmerdes ! Ce n’est pas juste”. En même temps, il se répondait à lui-même : “Bien sûr que non, ce n’est pas juste, banane ! Tu n’es qu’une gonzesse, tu t’attendais à quoi ?” Il parvint enfin à sortir la tête des ordures. Il pleurait toujours. Il était sale, à moitié nu, il avait des épluchures accrochées dans les cheveux, un papier gras collé dans le cou et des coulures d’un liquide indéterminé sur la joue. Son vagin dégoulinait de sperme. Il était pitoyable. En tournant la tête, Arnaud fut ébloui. Ses yeux venaient de croiser des petites lumières puissantes, braquées sur lui. Il mit sa main devant ses yeux et reconnut des clients du restaurant. Ils étaient sortis pour assister au spectacle. Ils le filmaient avec leurs téléphones portables. Ils félicitaient le touriste.
- Trop fort mec, comment tu l’as poinçonnée cette pute !
Le jeune homme se tourna vers elle.
- Pourquoi tu pleures ? C’est ce que tu voulais non ? Inutile de raconter des blagues, on le sait que ça te rend heureuse d’être une moins que rien, une jolie boniche, bien obéissante, qui se fait troncher à la demande, qui n’a aucun souci ! Je t’ai permis de t’envoyer en l’air. Au lieu de chialer comme une ingrate, tu pourrais au moins me dire merci !
Les mots ressemblaient tellement à ceux qu’Arnaud avait dit à Maria, au début des vacances. “Une fille sans souci, une idiote tout juste occupée de se choisir un homme pour la nuit”. Arnaud se mordait les lèvres sous l’humiliation.  
Une des personnes avec un téléphone lui cria :
- Hé connasse, on va tout poster sur Youporn, ça va faire des vues ! Tu vas devenir célèbre !
C’en était trop pour les nerfs d’Arnaud. Il se mit à pousser des hurlements hystériques, poursuivant les gens pour leur prendre leurs téléphones. Mais il n’était qu’une petite femme, encombrée par des gros seins, avec ses vêtements qui pendaient à moitié déchirés. Il ne fit pas dix mètres avant de glisser et de s’étaler par terre. Les gens riaient en s’enfuyant.  



Chapitre 10 : c’est dur à avaler


Comme un furieux, Arnaud sortit de la ruelle pour rejoindre le bar de Maria. Il n’avait pas vraiment réussi à se reconstituer une tenue décente. Heureusement, le poncho cachait tout, mais en dessous, il avait les fesses à l’air. Il courait en plaquant une main sur son postérieur, l’autre appuyée entre ses cuisses, pour que le vêtement ne se soulève pas à chaque foulée. Ça lui donnait un peu la démarche de quelqu’un qui veut atteindre d’urgence les W-C les plus proches. Sur le passage de cette petite femme ridicule, aux traits déformés par la colère, les gens se retournaient en riant.
Il déboula dans le bar et fendit la foule dense des clients pour atteindre le comptoir.
- Putain d’merde ! Maria ! Rends-moi mon corps tout d’suite, t’entends raclure ?
Arnaud ne pouvait pas s’empêcher d’être grossier. C’était son nouveau caractère qui continuait à s’insinuer en lui. Derrière le comptoir, une inconnue portant un tablier de serveuse le fixait avec des yeux ronds.
- Non mais ho ! Tu me parles pas comme ça, la moricaude ! Tu te crois encore dans ta pampa au cul des chèvres ? Et d’abord qu’est-ce que tu veux ? J’y pige rien à ton charabia !
Arnaud avait mélangé des mots quechuas et espagnols, le tout voilé par un fort accent sud-américain. Il se força à se calmer et demanda, le plus poliment qu’il pu, où se trouvait Maria.
- Maria ? Elle n’est plus là. Elle est allée voir sa famille ! Elle reviendra dans deux semaines.
Arnaud resta figé. Dans son esprit qui fonctionnait de plus en plus lentement, les rouages s’enclenchaient. Deux semaines à attendre, coincé dans cette vie de boniche ! C’était impossible ! Cette grosse pétasse de Maria l’avait abandonné pour deux semaines. Il était piégé ! Il s’était fait avoir !
- Hé, la paysanne, t’attends la pluie ? Dégage de mon bar ! Pas de pouilleuse ici, ça fait mauvais genre pour les clients, compris ? Sinon j’appelle les flics !
La remplaçante de Maria s’était placée devant lui. Elle lui fit une poussette à l’épaule, pour le rejeter en direction de la porte. Ce petit geste méprisant glaça Arnaud. Comme s’il n’était plus un être humain, mais juste un déchet dont on se débarrasse.
- Allez, barre-toi sale immigrée, tu sens mauvais d’abord !
Elle le poussa à nouveau. Son visage plein de suffisance rayonnait de satisfaction. Arnaud ne pouvait rien contre elle, elle était la plus forte. Elle le poussa encore.
- Tu as peur hein ? Tu sais bien que les flics, ils sauront te renvoyer là d’où tu viens...
Vaincu, Arnaud se tourna vers la porte, rongé par l’humiliation.
Arnaud rejoignit sa chambre misérable à l'hôtel et il s'étala sur son petit lit, le visage dans l’oreiller, les épaules secouées par les sanglots. Ah, il était beau l’homme d’affaires parisien, le financier couvert de succès. Maria l’avait manipulé comme un gamin et tout le monde le traitait comme un paillasson. La main d’Arnaud se glissa sous son ventre et atteignit son entrejambe où le sperme du touriste finissait de sécher. Il commença à se caresser. Il répétait dans sa tête :
- Fais chier, j’suis plus qu’une pute d’immigrée, rien qu’une boniche, j’suis Arnaud la putain !
Un spasme s’empara de lui et pendant quelques secondes, son corps se convulsa. Sa main s’immobilisa un instant, le temps que l’orgasme s'apaise en lui, puis elle recommença ses caresses. Il pensait à ce que lui avait fait le touriste.  
Le lendemain matin, Arnaud prit son service avec résignation. Il regrettait tellement de ne pas avoir été plus ferme avec Maria. Mais c’était trop tard maintenant. Il devrait supporter cette vie pendant deux semaines. Au fur et à mesure qu’il faisait les chambres, le calme revint dans son esprit. Il se mit à siffloter avec légèreté. Tendre les couvertures sur les lits, traquer le moindre grain de poussière, se mirer dans des toilettes parfaitement nettoyées, c’est comme si ça donnait un sens à sa vie. Sentir ses formes de femme remuer vigoureusement dans sa blouse de bonne à tout faire, alors qu’il frottait et frottait encore, c’était presque aussi bon que le plaisir sexuel.
De temps en temps, des flashs venaient l’interrompre. Il voyait à nouveau des inconnus se succéder derrière ses paupières. Arnaud essayait de faire comme si de rien n’était. Pour distraire son esprit de ces visions, il pensait aux filles. Son esprit vagabonda ainsi jusqu’à sa secrétaire qu’il avait laissé à Paris. C’était une fille formidable ! Physiquement s’entend. Un cul ferme et rebondi comme une paire de noix de coco et des nichons orgueilleux virevoltant avec insolence dans le décolleté de son tailleur. Elle ne portait jamais ce soutien-gorge. Elle était entrée dans l’entreprise comme réceptionniste, quelques mois auparavant, et avait gravi tous les échelons du secrétariat en passant par le lit de ses différents chefs, doublant à l’avancement toutes ses collègues. Une major de la promotion canapé, en quelque sorte ! Tous les chefs de service se la disputaient. Arnaud avait été fier de pouvoir mettre la main dessus. Elle s’était montrée à la hauteur des efforts consentis, jamais avare de ses faveurs et toujours prête à soulager la tension d’Arnaud par des massages au corps-à-corps dont elle avait le secret. Elle savait vider une paire de couilles comme personne ! En plus, elle était reposante. Elle avait autant de répartie qu’une plante verte et se contentait d’être systématiquement d’accord avec lui. Une perle.
Mais penser à elle dérangea Arnaud. Au lieu d’avoir les sangs qui s’échauffent, au lieu de fantasmer, il sentait en lui de la colère. Il trouvait rageant que les hommes s'intéressent tous à cette fille. Qu’est-ce qu’elle avait fait pour mériter d’avoir autant de succès ? Après tout, ce n’était qu’une conne. Arnaud bouillonnait en se disant qu’il avait le droit, lui aussi, d’être grande, d’avoir des seins hauts perchés, des jambes interminables, des hanches droites et un port de princesse. C’était tellement injuste... Arnaud ressentit un moment de dégoût intense, quand il se rendit compte qu’il n’était plus qu’une fille jalouse d’une autre, plus belle qu’elle !
Le soir, au moment de sortir se promener dans les rues de la ville, Arnaud y pensait encore. Il essayait de se persuader que, sous cette couche de comportements de femelle, de plus en plus épaisse chez lui, il y avait toujours le même Arnaud. Le même homme audacieux qui n’avait peur de rien. Déambulant le long du front de mer, Arnaud vit arriver devant lui trois policiers qui patrouillaient. Avec son petit chapeau sur la tête et son poncho, Arnaud ne faisait pas vraiment couleur locale. Et s’il prenait l’envie aux policiers de le contrôler, il n’avait aucun papier à leur montrer. Arnaud réalisa qu’il n’était qu’une clandestine ! Il se jeta dans un escalier qui descendait vers la plage. Il dévala les marches sans prendre garde à ses gros seins qui ballottaient sur son petit corps et il se plaqua contre le mur de moellons qui servait de soubassement à la rue. Il resta là d’interminables minutes, terrorisé à l’idée de voir un bout d’uniforme bleu apparaître au-dessus de lui. Apeuré comme un enfant, il repensa à la vendeuse d’hier. Il n’avait pas fallu longtemps pour qu’il soit comme elle, une petite sud-américaine, une immigrée exploitée et méprisée par tout le monde, se cachant de la police !
- Alors temoizelle, on promène ?
Une voix empâtée au fort accent allemand lui fit tourner la tête. Quatre hommes s’approchaient de lui, en short de bain. Ils tenaient des canettes de bière à la main. À en juger par leur haleine, ce n’était pas les premières. Derrière leurs gestes alourdis par l’alcool, Arnaud sentait leur brutalité et ça lui faisait un peu peur. À part eux et lui, la plage était déserte. Il y avait encore des gens qui parcouraient la rue du front de mer, quelques mètres plus haut. Mais si Arnaud appelait, il y aurait un attroupement et la police finirait sans doute par s’en mêler. Arnaud ne voulait vraiment pas ça.
- Tu, toute seule ?
Les touristes teutons ne connaissaient visiblement que quelques mots d’espagnol, mais leurs intentions étaient assez claires. Ils ne s’étaient pas approchés pour lui demander l’heure...
- Tu, grosse cochonne envie bunga hein ? Nous bunga-bunga tu !
Arnaud se mordit les lèvres. Les quatre gaillards avaient l’air décidés. En même temps, leurs carrures d’athlètes et leurs muscles tendus faisaient naître des idées dans sa tête. Ses yeux descendirent fugacement vers les bosses qui gonflaient leurs shorts. Sans s’encombrer de préliminaires, les Allemands commencèrent à palper directement ses seins, ses fesses et sa chatte. Arnaud se laissait faire. Tiré de tous côtés, tripoté, il avait l’impression d’être couvert de mains se faufilant partout. Il n’était qu’un bout de viande sexuelle qu’une bande d’hommes affamés s’arrachait. Ils lui enlevèrent ses vêtements. Arnaud croisait parfois leurs regards qui signifiaient clairement : “Ne fait pas d’histoire, sinon…” Leurs mains se refermèrent finalement sur ses épaules et appuyèrent dessus jusqu’à ce qu’Arnaud tombe à genoux. Puis les membres virils sortirent des shorts en se détendant comme des ressorts, jaillissant près de son visage. Les glands décalottés pointaient vers ses yeux.  L’odeur remontait dans ses narines.
Les mains commencèrent à glisser le long des hampes de chairs. Les glands turgescents s'engloutissaient et jaillissaient alternativement du fourreau des prépuces. Les couilles gorgées de sperme sautaient en rythme. Arnaud se demandait ce que ça ferait d’avoir ces sexes dans sa bouche, ces cylindres longs et lisses, qui le forcerait à écarter les mâchoires, qui frotteraient sa langue et iraient s’enfoncer dans sa gorge. Quand un pénis s’approchait de ses yeux, Arnaud, par réflexe, reculait sa tête. Mais les verges le suivaient, le repoussant petit à petit jusqu’à ce que son crâne soit bloqué par le mur. Ils ne voulaient pas manquer leur cible. Très loin en haut, les visages barrés de sourires lubriques le dominaient. Ils s’excitaient en voyant cette fille réduite au rôle de cible. Arnaud écartait les lèvres, sans s’en rendre compte et, comme hypnotisé par les cyclopes braqués sur lui, il les fixait de ses yeux grands ouverts.
Le jet de foutre zébra sa joue et atterrit dans son oeil écarquillé. Arnaud plissa le nez tout en écrasant ses paupières, enfermant le sperme dessous, étalant du même coup une couche de semence piquante sur sa rétine. Il aurait voulu relever ses mains mais ils le tenaient par les poignets. Les bites crachaient en direction de son visage, la gélatine blanche entrait dans ses cheveux, des giclées pénétraient sa bouche ouverte et s’écrasaient contre sa langue ou tombaient directement dans sa gorge. Le goût doucereux, épais et un peu écoeurant se diffusait dans sa bouche. Des coulées chaudes et humides, gluantes, l’éclaboussaient du front au menton, collaient à sa peau, roulaient en lourdes gouttes le long de son visage puis chutaient pour atterrir sur ses gros seins qui s’avançaient en dessous comme des promontoires.
Après s’être vidés sur Arnaud, ils enfoncèrent leurs doigts dans ses cheveux pour tirer sa tête en arrière. Comme une tondue à la libération, Arnaud devait montrer à tous sa face avilie. Les hommes lançaient des éclats de voix joyeux. Arnaud avait l’entrecuisse trempé par l’excitation.
- Putain mais il aime vraiment ça, notre Arnaud ! Regardez-moi cette salope !
La voix familière s’était exprimée en français. Arnaud entendait le léger crissement des pas dans le sable. Il ouvrit à demi un oeil. Des stalactites de foutre s’accrochaient à son arcade sourcilière mais, à travers ce rideau, il entrevit Xavier, Alex et Cyrille qui s’approchaient ! Ses trois amis le regardaient avec des airs narquois, les mains plantés dans les poches de leurs pantalons.
- Alors Arnaud, petite pute, tu nous reconnais ? C’est nous, tes vieux amis ! Tu nous as caché que tu es devenu une sacrée vicieuse, c’est pas bien ça !
Arnaud ne comprenait pas les mots, mais il entendit distinctement prononcer son prénom. Pourtant, il ne voulait pas croire que ses amis l’avaient identifié. Personne ne pouvait savoir qui se cachait dans le corps de cette petite sud-américaine craintive et nymphomane. Xavier pulvérisa ses espoirs :
- Eh oui, Arnaud, on sait qui tu es maintenant, dit-il en espagnol. Inutile de jouer la comédie avec nous, on sait tous que tu aimes ça et que tu en redemandes.
Saisi d’une peur panique, mortifié par l’humiliation, Arnaud aurait voulu disparaître, s’enfuir en courant le plus vite possible. Mais les quatre Allemands restaient près de lui et bloquaient toute retraite. Il dut rester assis par terre, nu, la tête maculée de sperme, sous le regard de ses amis. La honte dévorait sa poitrine et tourbillonnait dans son esprit. Tous ces souvenirs en commun depuis tellement longtemps, toutes ces virées, ces soirées passées avec eux, ces confidences, ces blagues échangées, ces chasses en groupe les soirs de dragues… Pour en arriver là. Arnaud n’était plus qu’une petite femelle à poil devant eux, ses fantasmes les plus secrets étaient dévoilés et ses amis en profitaient pour se réjouir.  
- Allez les potes, ce serait cruel de laisser notre Arnaud comme ça ! Il faut faire quelque chose pour lui !  
Arnaud entendit le craquement des fermetures éclaire qu’on descend. Leurs bites à l’air durcissant doucement, les trois hommes s’approchèrent de lui.
- Franchement, à voir sa trombine ravagée par la jute, ça ne donne pas envie d’y enfoncer la queue… dit Cyrille avec une moue écoeurée.
- Allons, un peu de courage ! Alex passa une main amicale sur son épaule. On doit bien ça, à notre pote ! Fais un effort, pense à l’amitié que tu as pour lui.
- Alors… répondit Cyrille avec un petit rire sardonique, si c’est pour notre copain Arnaud…
Cyrille s’approcha le premier, prit Arnaud par les oreilles et écrasa son pénis tendu sur ses lèvres. Arnaud essayait de garder la bouche fermée. En même temps, la curiosité le tenaillait : qu’est-ce que ça ferait, d’avaler ce sexe, de sucer un garçon, de sentir une bite en train de décharger dans sa bouche ? La tentation grimpait en lui, obsédante. Ça semblait si bon, si facile, si naturel...
Ses lèvres se descellèrent et le sexe s’engloutit. Le cylindre déboula vers le fond et s’encastra dans sa gorge. Arnaud étouffait. Sa poitrine se souleva, une nausée incontrôlable remonta de son estomac, pendant que ses doigts écartés griffaient le vide et qu’il ouvrait de grands yeux, malgré le sperme qui coulait encore dedans. Son visage virait au cramoisi. Cyrille recula un peu.
- Arnaud, grosse gourmande, ne soit pas si pressée, gardes-en un peu pour après ! plaisanta Alex.
Le braquemart avait un drôle de goût, et Arnaud avait l’impression qu’il était énorme. C’était comme si un bâton épais remuait entre ses joues. Il serrait les lèvres pour lui faire un fourreau et éloigner ses dents. Il ouvrait tellement grand que ça lui faisait mal à la jointure des mâchoires. Ça lui faisait une tête éberluée, un peu ridicule, toute déformée en hauteur, comme s’il faisait une grimace. Les hommes autour prenaient des photos. Alors que Cyrille maintenait fermement sa tête en place, le pénis recommença à avancer. Arnaud essayait de tourner sa langue autour, pour l’empêcher d’aller à nouveau farfouiller vers son oesophage. La pointe de sa langue s’insinuait dans les recoins, à la base du gland. Le goût acide et puissant inondait sa bouche en se mélangeant à sa salive. Cyrille donna un vigoureux coup de bassin. Le nez d’Arnaud s’enfonça dans les poils de son pubis et les testicules vinrent s’échouer sur son menton. L’odeur de corps masculin envahit Arnaud. Les poils entortillés grattaient sa peau fine.
- Elle y met du coeur, c’est une suceuse de talent, notre copine Arnaud !
- Aucun mérite ! C’est juste qu’elle aime ça...
Arnaud tourna les yeux vers Alex et Xavier, qui devisait gentiment pendant qu’il se faisait récurer la glotte. Même s’ils parlaient en français, Arnaud devinait ce qu’ils se disaient. Ils étaient en train d’évaluer ses compétences. C’est ce que les mecs font. Arnaud n’était plus que la fille dont on discute entre potes, il n’avait plus d’autre valeur aux yeux de ses amis. Arnaud se sentait atrocement rabaissé. Il était livré comme un vide-burnes à ses copains de toujours et il se laissait faire. Pire, au tréfonds de ses entrailles féminines, il le réclamait. Son excitation devenait insoutenable.
Pour essayer de soulager un peu l’effervescence qui rongeait son ventre, Arnaud approcha sa main de son vagin. Mais Cyrille écrasa sa fente sous sa chaussure pleine de sable. Arnaud, la bouche pleine, laissa échapper un couinement étouffé.
- Qui t’as autorisé à jouir, radasse ? dit Cyrille en appuyant son pied. Tu es là pour t’occuper de nos queues, ton berlingot peut attendre.
Le regard malicieux, Alex lâcha en guise de commentaire :
- C’est dingue comme les filles sont égoïstes de nos jours, elles ne pensent vraiment qu’à leur plaisir !
Xavier, en riant, traduisit en espagnol pour Arnaud puis il ajouta :
- … Désolé Arnaud mais c’est logique, tu es là pour nous faire prendre notre pied. Après tout, c’est toi qui l’a voulu.
Arnaud faisait des efforts pour rester lui-même, et son esprit d’homme se révoltait contre cette injustice. Mais sa nature de fille soumise lui disait que c’était normal.  Il n’était qu’une pissotière à sperme, où les garçons venaient décharger leur trop-plein de foutre. “Où va le monde, si les pouffiasses comme moi se mettent à prendre du plaisir quand ça leur chante !” finit-il par se dire.
Son orifice buccal était ramoné par Cyrille sans ménagement. Comme si sa tête n’était qu’un sex toy accroché au pénis, Arnaud avait l’impression d’avoir un vagin vibrant collé au milieu du visage. La bite remplissait sa bouche et pistonnait dedans. Cyrille finalement, trouva moins fatigant de ne plus bouger, et de faire s’agiter Arnaud sur son sexe. Prenant ses cheveux en guise de poignées, il commença à faire rebondir la tête d’Arnaud comme une balle de jokari. Ça secouait la pauvre fille comme si on l’avait accroché à un marteau piqueur.
L’orgasme de Cyrille siphonna ses couilles en jets violents. Sa bite tirait si fort les rafales de foutre qu’Arnaud avait l’impression que ça atterrissait directement dans son ventre ! Il sentait les giclées tapisser son estomac. Sa bouche était traversée de flots visqueux et, poussé par la pression, ça s’insinuait jusqu’à la base de ses gencives. Des projections s’échappaient de ses lèvres serrées.
- Elle est vraiment conne à bouffer du sperme ! conclut Cyrille en relâchant son corps, après avoir expulsé les dernières gouttes dans Arnaud.  
- Pas mal, Cyrille, t’as assuré, mais maintenant... c’est à mon tour les mecs !
Alex s’approchait, tenant sa queue à la main.
- Je vais te montrer ce que c’est qu’un homme Arnaud. Ouvre !
- Vas-y Alex, donne tout, saccage-lui la tronche avec ta bite ! Ce soir, c’est nous qui faisons le spectacle ! dit Xavier en levant le poing au ciel.
Les trois amis se régalaient vraiment de voir Arnaud, ce garçon si prétentieux, si plein de sa propre importance, si coincé, se vautrer dans le foutre et se comporter comme une vulgaire éponge à semence. Arnaud, lui, aurait tout donné pour que ça s’arrête maintenant. Mais il en avait trop envie. Assis par terre, les mains sur ses genoux, il ouvrit la bouche et sortit sa langue, en levant les yeux vers Alex qui le dominait de toute sa hauteur.
Les hommes se nettoyèrent tous les couilles sur Arnaud, les uns après les autres, autant de fois qu’ils le voulaient, puis ils l’abandonnèrent sur la plage, au milieu des canettes de bières vides. Au moment de partir, Alex s’était retourné vers lui et lui avait lancé joyeusement : “T’inquiètes Arnaud, on ne dira rien à personne. De toute façon, à part nous, il n’y a que quelques millions de gens qui connaissent ton secret !”
Les éclats de rire s’étaient éloignés, laissant Arnaud seul avec le bruit des vagues. Il n’y avait plus personne dans les rues. La ville s’était endormie. Arnaud n’arrivait pas à croire qu’il avait sucé le pénis de ses amis, qu’il avait avalé leur sperme et qu’il avait adoré ça ! Sa chatte de fille encore humide de désir était là pour en témoigner. Tout en s’essuyant le visage et en se léchant les doigts, pour ne pas laisser perdre tout ce bon sperme, Arnaud se posait des questions. Il se demandait pourquoi Alex avait dit ces derniers mots, avant de partir... Il se demandait surtout comment ses trois amis avaient découvert qu’il se cachait dans ce corps de femme indigne de lui... Mais Arnaud était devenu une boniche si stupide que réfléchir à des problèmes aussi compliqués lui donnait mal à la tête. Il finit par se dire, avec un rire amer, que tout ça, c’était simplement parce que ses amis étaient plus intelligents que lui. De toute façon, tout le monde était plus intelligent que lui désormais ! Les pensées d’Arnaud s’étaient réduites comme une peau de chagrin, pour ne laisser dans sa tête qu’une série d’instincts basiques et dégradants : envie, peur, soumission, honte…
Un flash surgit dans son esprit alors qu’Arnaud était en train de sucer ses mèches de cheveux, pour en extraire la moindre goutte de semence. Devant lui, il vit soudain la tête de sa secrétaire. La jeune femme était entourée par deux collègues à elle qui se penchaient pour le regarder. Les trois femmes riaient et discutaient, les yeux rivés sur lui. Sa secrétaire tapa dans la main de la fille de droite, comme si elles faisaient un pari. En parlant, la troisième faisait des gestes dans sa direction. Puis la secrétaire dirigea lentement sa main sur son front et forma avec ses doigts le “L” de “Loser”, en le regardant droit dans les yeux.  
“Ce sont des souvenirs, juste des souvenirs” se dit Arnaud frénétiquement, appuyant ses mains sur ses tempes dans l’espoir de faire cesser les images. Mais au lieu de ça, sa secrétaire continua à la regarder. Puis elle fut remplacée par le visage d’un inconnu, puis d’un autre, et comme toujours, ils se mirent à se succéder devant lui. Sans avertissement, cela cessa finalement et Arnaud retrouva la vue. Mortifié, il avait vraiment l’impression que des millions de personnes pouvaient le voir à cet instant ! C’était comme ces cauchemars où on se retrouve nu en plein milieu des gens, mais en mille fois pires ! Arnaud avait tellement peur du regard des autres !
Rentré dans sa chambre, à l’hôtel, Arnaud essaya de se rassurer à nouveau en se disant qu’il était toujours le même et que rien n’avait changé en lui. Il se concentra de toutes ses forces pour repenser à sa vie d’homme, à sa position sociale, à ses manières conquérantes, à ses succès féminins, si faciles grâce à son portefeuille bien rempli. Mais cela ne donna pas du tout le résultat escompté. Il voyait bien le jeune homme plein d’avenir qu’il avait été. Il se le rappelait. Mais cette image faisait naître en lui des idées embarrassantes. Il s’imaginait, femme de ménage sans défense, abusée par de vagues promesses, tronchée grossièrement puis jetée comme un mouchoir usagé par ce patron aux gestes froids : lui-même ! Arnaud n’arrivait plus à ressentir dans ses tripes qu’il était cet homme. Cette version masculine lui était maintenant complètement étrangère. C’était quelqu’un d’autre, et quand Arnaud y pensait, il se fantasmait seulement comme une petite immigrée face à un mâle. Un mâle grand, fort et puissant, qu’elle adulerait, mais qui ne s'intéresserait jamais à elle. Et cela envahissait Arnaud-la-femelle d’envies de soumission.
Arnaud passa des heures dans la terreur de se perdre à jamais. Il n’arrivait même plus à concevoir comment, un jour, il pourrait se libérer de toute cette féminité répugnante qui l’emprisonnait. Il finit par s’endormir, épuisé...  



Chapitre 11 : Arnaud à poil


Le lendemain de la partie de rince-couilles sur la plage, ses amis quittèrent l’hôtel pour une longue excursion le long de la côte. Ils ne lui accordèrent même pas un regard, en passant devant lui, tandis qu’Arnaud frottait le sol du hall. Arnaud continua à faire la boniche. Il n’avait pas d’autres choix, en attendant le retour de Maria. Elle était son dernier espoir.
Pendant quelques heures, sa vie reprit le cours calme d’une existence de femme de ménage. Mais ça ne dura pas. Comme lors de l’épisode avec Xavier, il tomba sur un client qui était resté dans sa chambre. Un type incroyablement gros et grand, au crâne à demi-chauve bordé par un anneau de cheveux gris. Il était tout nu. Il se jeta littéralement sur Arnaud et commença à lui envoyer de grandes gifles.
- Pas taper moi, pas taper moi, moi gentille ! supplia Arnaud avec les quelques mots d’espagnol qui lui restait.
- T’as intérêt, la naine ! répondit l’homme en lui balançant une dernière gifle à travers le visage.
Il le lança sur le lit, s'étala sur lui en lui broyant à moitié les côtes sous son poids et commença à farfouiller entre ses fesses. Arnaud avait l’impression d’être une lilliputienne coincée sous le corps d’un géant.
- Tu vas voir, l’entrée des artistes, c’est le meilleur, surtout quand c’est bien poilu comme chez toi...
La verge, déjà dure, s’introduisait entre les plantureux monticules ornant l’arrière-train d’Arnaud.
- … Le meilleur pour moi bien sûr ! Continua l’homme en partant dans un grand rire, alors qu’Arnaud gigotait pour éviter que la queue tendue n’atteigne son anus. Mais elle s’approchait.
- Pas de chance pour toi, j’aime faire ça à sec...
Le client étalé sur lui était tellement plus grand que le corps d’Arnaud, écrasé contre le matelas, disparaissait largement sous cette masse de graisse et de muscles. Mais l’homme avait baissé la tête pour que ses paroles se glissent au plus près de l’oreille de sa victime. Cette voix qui s’insinuait porta l’impression d’impuissance d’Arnaud à son comble. Il se mit à pousser des geignements aigus. Mais une grosse main à la paume moite s’écrasa sur ses lèvres, enfermant les sons dans sa gorge. Les doigts rentraient dans ses joues et broyaient ses mâchoires. Au moment de le pénétrer, l’homme enfonça la tête d’Arnaud sous les oreillers, pour avoir la paix.
La queue ouvrit son cul comme on déchire un fruit pas assez mûr. Des mouvements épileptiques secouaient toutes les parties du corps d’Arnaud, ses hurlements rauques se perdaient dans les oreillers, ses doigts s’accrochaient convulsivement aux draps. Le boudin de viande s’enfonça au maximum, creusant les reins de l’homme. Tout son corps tendu pour s’introduire, il levait un visage crispé par l’extase.
- T’es tellement bonne, salope ! J’ai la bite au paradis !
À coups répétés, le client se mit à cogner son pénis dans le fondement d’Arnaud. La verge arrachait ses entrailles. Arnaud avait l’abdomen en feu. Le chibre de l’obèse s’introduisait si loin dans son ventre qu’il avait l’impression d’être une poule embrochée dans une rôtissoire. Le bassin de l’homme s’abattait avec une violence de marteau-pilon, écrasant ses fesses sous le choc, puis reculant vivement, pour tomber à nouveau en claquant son derrière. Ça produisait des bruits de clapotis et sa chair féminine parcourue d’ondes rebondissait en rythme. L’homme prenait tout son plaisir dans son cul pendant qu’Arnaud mordait les draps en gémissant comme une petite fille.
Et pourtant, même enfilé par cette barre qui le dévastait de l’intérieur, et aplati sur le lit comme une crêpe, Arnaud trouvait encore le moyen d’être satisfait ! Il en crevait de honte, mais l’idée qu’un pénis accorde tant d’attention à son corps de femme, ça lui donnait l’impression d’avoir de l’importance. Son clitoris, frotté par les draps, s’échauffait, ses seins étalés sous son corps étaient comme deux grosses masses de plaisir mélangé de picotements et sur sa peau, au niveau de sa taille et de l’intérieur de ses cuisses, se répandaient des frissons de béatitude, comme sous l’effet d’un savant massage. Arnaud suffoquait, il avait l’anus tranché par la bite, mais il était au bord de l’orgasme !
Mais l’homme ne lui laissa pas le temps de jouir. Brusquement, il resserra son étreinte et sa queue expulsa son jus. Arnaud, écrasé dans cet étau, la respiration coupée, avait l’impression que ses os allaient être pulvérisés. Les soupirs comblés de l’homme soufflaient dans ses oreilles. Le client s’égoutta la bite avec délice et la ressortit lentement de son cul de boniche. Arnaud se sentait sale dans son corps. Comme si l’autre lui avait pissé dans les boyaux. Alors qu’il retrouvait lentement son souffle, il reçut une claque sur la nuque.
- Et alors, feignante, tu crois pas que ça va te dispenser de faire la chambre, non ? Au boulot la merdeuse !
Visiblement, l’homme savourait chaque insulte. Il souriait en voyant Arnaud baisser la tête, sans broncher. Arnaud se sentait si petit face à cet homme, si désemparé devant cette force, alors que lui ne pouvait plus rien faire… Il n’était qu’une femme, destinée à subir ! Les joues parcourues de larmes, Arnaud se mit au ménage, et l’homme s’alluma un cigare. Une fois la chambre propre, Arnaud s'apprêtait à sortir, mais l’homme l’arrêta.
- Hé, poubelle à patte ! Tu n’as pas fini ! Il en reste...
Il était confortablement assis dans un fauteuil, toujours nu. Il montrait tranquillement son pénis racornis, parsemé de traînées noirâtres.
- Tu me fous ta merde sur la queue et tu penses que je ne vais rien dire ! Tu te prends vraiment pour une princesse ma parole ! Amène-toi avec un gant de toilette, plus vite que ça !
Arnaud humecta le gant et s’agenouilla pour frotter doucement la verge, jusqu’à ce qu’elle retrouve de pimpantes couleurs roses. Il essayait de se dire qu’après tout, ce n’était pas pire que de nettoyer un robinet.
- Ouvre la bouche !
L’homme attrapa son pantalon et sortit de sa poche un billet de cinq euros qu’il mit au fond du gant de toilette souillé. Puis il roula le gant en boule et l’enfourna sans ménagement entre les mâchoires de la femme de ménage. Malgré la merde qui restait accrochée au gant et qui baignait dans sa salive, un sourire involontaire se dessina sur les lèvres d’Arnaud. Tout cet argent était pour lui ! Il se prit une grande gifle.
- Je ne te paye pas pour que tu sois contente ! Et encore moins parce que tu le mérites... C’est juste parce que comme ça, ça fait de toi une pute ! Maintenant, tire-toi !
Arnaud sortit misérablement de la chambre.  
Dès le lendemain, la mésaventure se répéta, dans une autre chambre, avec un autre client qui cala son pénis entre ses gros seins et se soulagea dessus. Puis, le même jour, avec un troisième, plus conventionnel, qui la tringla un bon quart d’heure en position du missionnaire. Le surlendemain, toutes les chambres où Arnaud pénétrait étaient occupées par des hommes qui le violèrent chacun selon leur fantaisie. Et ça continua ainsi tous les jours. Il y avait ceux qui faisait ça en groupe, occupant le maximum d’orifice en même temps, les rapides qui laissaient son corps sur sa faim, les égoïstes qui ne lui accordaient pas un regard pendant la baise, les vantards qui voulaient l’entendre crier, les énervés qui lui tapaient dessus, les voyeurs qui l’obligeaient à faire le ménage à poil, les amateurs d’expériences qui lui introduisaient toutes sortes d’objets incongrus dans les trous...
Arnaud était tellement sollicité qu’il n’arrivait plus à compter combien de mecs lui étaient passés dessus, et combien de bites s’étaient enchanté le gland en lui ramonant un morceau. Il y en avait tant qu’Arnaud avait l’impression d’avoir fait le tour du monde des quéquettes. Il avait vu des queues de tous les âges, de toutes les couleurs et de tous les calibres : les grosses ventrues, les petites nerveuses, les vieilles fripées, les jeunes propres sur elles, les droites et les tordues, les exotiques, celles du terroir, les interminables et les pressées… Toutes !
Arnaud ne pouvait pas se plaindre. La plupart du temps, il adorait que les hommes se défoulent sur son corps de femme. Jour après jour, il jouissait de plus en plus vite, de plus en plus facilement, et ses orgasmes duraient de plus en plus longtemps. C’en était au point où c’était devenu un besoin. Il n’arrivait plus à se passer de coups de bite ! En même temps, jour après jour, il devenait aussi de plus en plus stupide. Quels que soient ses efforts pour rester lui-même, il s’enfonçait dans son personnage d’immigrée du Pérou, totalement abrutie, dont la seule utilité sur terre était de servir de punching-ball aux instincts les plus immondes. Bref, plus on lui remplissait les orifices, plus son esprit se vidait ! Arnaud n’était plus qu’un distributeur automatique de sexe, à disposition de tout le monde, subissant passivement sa vie faite d’humiliations et de jouissances mêlées. Et dans sa tête il n’y avait plus aucun souci, plus rien de compliqué, plus aucune responsabilité. Il n’y avait plus la place pour ça ! Tout ce qui subsistait, c’était une indolente crétinerie et la terreur que la police mette la main sur lui et le traite comme une clandestine. Cependant, malgré toutes ces transformations, Arnaud gardait chevillé en lui l’espoir d’échapper à ce destin de déchet humain, en redevenant l’homme qu’il avait été. Il attendait le retour de Maria.
Parfois, par accident, il lui arrivait encore de réfléchir. Arnaud trouvait alors que l'hôtel où il travaillait devenait bien étrange. Les clients s’étaient mis à affluer, tous des hommes ou presque, la plupart ne restant qu’une nuit, avant de céder leur chambre à un autre. Tous les matins, la liste des chambres attribuée à Arnaud changeait. Et elle augmentait. Il se retrouva bien vite à devoir s’occuper des trois quarts de l’hôtel ! Chaque fois qu’il poussait une porte, le locataire de la chambre était là, nu le plus souvent, prêt à tirer son coup avec la boniche... Parfois, quand il se faisait niquer, Arnaud croyait entendre ses amants prononcer son prénom. Certains semblaient dire “Arnaud”, d’autres “Conchita”. Mais Arnaud n’en était jamais vraiment certain. Ils parlaient des langues tellement bizarres, ces touristes ! En tout cas, ça suffisait à le plonger dans des moments d’angoisse abominables. Arnaud avait tellement peur qu’on découvre l’identité de l’homme caché dans ce corps de bonne à tout faire.
Mais ce qui intriguait le plus Arnaud, dans tout ça, c’est que personne ou presque ne le laissait faire le ménage. Généralement, il était jeté hors de la chambre dès que l’occupant s’était nettoyé les roupettes avec son corps de femme. Arnaud n’avait même plus le temps de toucher à son balai. Et malgré ce manque évident de résultat dans son travail, le chef du personnel ne lui faisait aucun reproche ! Au contraire, il semblait content d’Arnaud. Et ça, le petit cerveau d’Arnaud n’arrivait pas à le comprendre… C’était comme si Arnaud n’était plus vraiment là pour faire le ménage, mais seulement pour distraire le caleçon des clients.
“Ainsi,” se disait Arnaud, “c’est donc vrai : je ne suis plus qu’une pute. Une catin livrée dans les chambres, que les hommes commandent à la réception comme un plat préparé. L’hôtel ne me garde que pour louer mes trous à ses clients !”
Arnaud se sentait complètement dévalorisé. Lui qui nettoyait les chambres avec tellement de soin ! “Ils ont fait de moi une moins que rien. Même les autres femmes de ménage ont le droit de me regarder de haut maintenant !” Et elles ne s’en privaient pas. Arnaud avait tellement honte ! Et pour ne rien arranger, il devait toujours affronter les regards des inconnus qui le fixaient, quand les flashs surgissaient dans son esprit !
Un matin, c’était six jours après le départ de ses amis de l’hôtel, la vie d’Arnaud devint encore plus absurde. Il avait été mis à poil dès la première chambre qu’on lui avait attribué. Et l’homme tournait autour de lui avec des yeux gourmands, en se frottant les mains. La routine en somme. Mais, alors qu’Arnaud s’attendait à être violé comme d’habitude, le client sortit un rasoir, comme ceux dont se servaient les hommes dans l’ancien temps. Un rasoir long, tranchant et luisant comme un sabre ! Arnaud se voyait déjà écorché vif ! Il poussa un hurlement en trépignant, ramassa ses vêtements et sortit en courant de la pièce.
Après s’être rhabillé précipitamment, il arriva, tout essoufflé, à la chambre suivante. Le client qui logeait là, d’abord surpris par cette entrée intempestive, se ressaisit rapidement et vint vers lui pour soulever sa blouse de femme de ménage. Arnaud ne portait rien en dessous. Cela faisait belle lurette que tous ses sous-vêtements avaient été déchirés par des clients indélicats et Arnaud n’avait pas les moyens d’en racheter.
- Ouf, tu as toujours tes poils ! J’ai eu peur que tu sois déjà tondue ! Ne bouge pas surtout !
L’homme s’éclipsa et revint avec un rasoir jetable dans une main et un blaireau garni de mousse à raser dans l’autre. Arnaud crut tomber fou. Ça continuait ! Il se remit à crier et décampa aussi sec !
Il s’engouffra dans une chambre au hasard. Le sang battait ses tempes, sa peur amplifiait sa respiration et les gonflements de sa grosse poitrine tendaient sa blouse à la limite de l’explosion. Arnaud ne comprenait pas. Qu’est-ce qu’ils lui voulaient tous aujourd’hui ? Pourtant, il se montrait bonne fille, aussi docile et accommodante que d’habitude.
- Regardez qui arrive les filles ! Je crois bien qu’on a touché le jackpot !
Arnaud se retourna, le dos plaqué contre la porte. Il s’apprêtait à bafouiller des excuses “moi désolé, moi pauvre fille, pas punir moi...” mais ses paroles s’éteignirent avant même d’avoir franchi ses lèvres. Sa mâchoire inférieure descendit doucement et se mit à trembler. Devant lui se tenaient trois femmes et Arnaud, les yeux arrondis par l’effarement, avait reconnu sa secrétaire personnelle, Laurence, accompagnée de ses deux acolytes, celles qu’il avait vu dans ses flashs ! Laurence s’approcha de lui. Elle était immense, tellement plus grande que dans ses souvenirs. Elle passa une main autour de son épaule.
- Allez les filles, dites bonjour à notre ami Arnaud !
Une décharge de peur traversa Arnaud. Elle l’avait reconnu ! Elle savait qui il était ! Elle avait même parlé espagnol pour qu’il la comprenne !
- Moi pas Arnaud, moi Conchita… dit Arnaud d’une petite voix piteuse.
- Allons Arnaud, pas de chichis entre nous !
-  Tu nous reconnais ? dit l’une des deux comparses, elle aussi en espagnol. Moi c’est Carla et elle c’est Samantha.
Leurs noms et leurs visages évoquaient de vagues échos dans la mémoire d’Arnaud. Mais ça ne voulait rien dire. Comme il passait sa vie au travail, et qu’il avait rarement l’occasion de sortir, il se rabattait sur le matériel disponible sur place pour satisfaire ses besoins d’homme. Se taper sa secrétaire, c’était sympa, mais ça allait bien cinq minutes. Arnaud aimait varier son ordinaire. Il s’envoyait ainsi régulièrement des filles de son entreprise. Elles y passaient entre deux affaires à traiter, deux rapports à rendre. Il leur faisait miroiter une promotion, ou il poussait l’hypocrisie jusqu’à leur susurrer des mots d’amour et ça l’amusait quand elles gobaient ces âneries. Il aimait les voir parader pour lui plaire, déboutonner le haut de leur corsage à son approche, se presser contre lui en déposant un dossier sur son bureau, cambrer les reins lorsqu’il passait près d’elles vers la machine à café. Il trouvait ça irrésistible quand ces gourdes faisaient des rêves de mariage ou d'ascension sociale, quand elles s’imaginaient être importantes à ses yeux, alors qu’elles ne l'intéressaient qu’à l’horizontale. Arnaud appréciait ce genre de petits plaisirs, mais il n’allait pas jusqu’à se souvenir de toutes les dindes qu’il avait culbuté. Ces filles ne comptaient pas vraiment.
- Alors Arnaud, tu ne nous remets pas ? Rappelle-toi, Carla… Je t’ai sucé la bite sous ton bureau il y a trois ans… Non ? Vraiment pas ?
- Et moi ? Samantha ? enchaîna la troisième fille, dans un espagnol plus approximatif que les deux autres. Tu me baisais toujours en levrette. Tu disais que ça me mettait sous mon meilleur jour… Enfin ! Fais un effort ! Non ? Moi je me rappelle de toi pourtant, tu m’avais promis une promotion que je n’ai jamais eu...
- Moi pas… pas Arnaud…
Samantha, pourtant pas très grande, le dominait d’une bonne tête. Elle lui pinça la joue, en serrant très fort.
- Regardez-le faire sa timide. Il n’ose pas avouer qui il est…
Intérieurement, Arnaud fulminait. Il était si vulnérable, cerné par ces trois filles plus grandes et plus fortes que lui. Ce sentiment d’impuissance était intenable. Il essaya de se dégager, mais Samantha le tenait bien. Elle écrasa ses doigts encore plus.
- Les deux milles euros sont à nous les filles !
- Ouiiii, on va lui ratiboiser la foufoune !
Carla sautillait en battant des mains. Les trois filles poussèrent Arnaud jusqu’au lit et pendant que Samantha et Carla lui tenaient les jambes écartées, Laurence brancha un rasoir électrique. Arnaud remuait, mais les filles n’avaient aucune difficulté à la maintenir en place. Laurence remonta la blouse d’Arnaud, la passa par-dessus sa tête et la fit glisser dans son dos en l’entortillant dans ses bras pour entraver ses mouvements. Arnaud était tout nu. Laurence approcha son visage à quelques centimètres du sien. Elle appuya sa main sur le front d’Arnaud.
- Ah, Arnaud, si tu savais comme c’est jouissif de te voir là. Tu aimais tellement dominer les filles, te sentir plus fort qu’elles, être plus grand et plus malin... Et te voilà, complètement paralysé devant nous, à notre merci, comme une petite merde !
Laurence se mit à rire. Arnaud repensait à toutes les fois où il avait tringlé cette fille, et comme ça lui plaisait de la soumettre pendant l’amour. Elle se laissait faire alors, et elle avait même l’air d’apprécier ça, cette pute ! En ce temps-là, Arnaud était puissant. D’un claquement de doigt, il pouvait la faire mettre à la porte. Maintenant, il n’était plus rien, juste une immigrée clandestine, trop heureuse d’avoir un travail de boniche dans un hôtel à touriste. Et Laurence en profitait bien. La fureur soudait les mâchoires d’Arnaud. Il avait envie de cracher à la figure de cette conasse. Mais il n’osait pas. Il était devenu bien trop peureux.
- Et quand on pense que c’est toi-même qui t’es mis dans cette situation Arnaud ! Franchement, c’est hilarant !
- Oui, s'esclaffa Samantha, on aurait voulu manquer ça pour rien au monde !
- Allez, dit Carla d’un ton joyeux, rase-lui la chatte à ce bouffon ! Qu’on récupère notre fric.
Laurence appuya sur l’interrupteur et le moteur du rasoir électrique commença à bourdonner. Elle se plaça entre les jambes d’Arnaud.
- C’est vrai que ça nous a coûté cher d’arriver jusqu’à toi, Arnaud, et je ne parle pas du voyage…
Le rasoir commença à entrer dans son pubis, emportant de larges touffes sur son passage. La toison d’Arnaud finissait sur les draps.
- Tu savais, reprit Laurence, que grâce à toi l’hôtel est tellement demandé qu’ils mettent les chambres aux enchères sur e-bay ?
Arnaud écoutait à peine. Il relevait la tête pour regarder tristement sa peau nue apparaître sous ses poils. Il avait beau gigoter son bassin, la tête métallique du rasoir restait collée à lui, et poursuivait son chemin à travers sa broussaille intime. Laurence continuait à parler tout en taillant.
- Sans compter les pourboires qu’il faut donner au maître d’hôtel pour avoir ta visite. Aujourd’hui, c’était hors de prix pour être le premier sur la liste. C’est normal, avec le concours. On ne pensait vraiment pas avoir la chance d’être les gagnantes...
- Mais l’important Arnaud, c’est d’y croire, n’est-ce pas ? J’avais parié avec Laurence qu’on y arriverait.
Samantha tapa dans la main de Laurence, reproduisant le geste qu’Arnaud avait vu dans le flash, l’autre soir. Puis Laurence recommença à le tondre. Après avoir nettoyé son ventre, le rasoir descendit le long de sa motte. Arnaud était désespéré. Sa vulve allait être dévoilée. Il la verrait en se regardant dans la glace. Au moins, cette toison, ça lui cachait son sexe de fille. Et parfois, en passant la main dedans, le contact de ces petits poils entortillés lui permettait de s’imaginer qu’il était encore un homme. Il pouvait rêver qu’il y avait encore un pénis jaillissant au milieu de ce buisson. Son pubis, c’était le dernier souvenir de virilité qui subsistait sur son corps.
- Regardez, Arnaud est en train de chialer !
- Ha, ha, ha, petite sucrée va ! On se casse le cul pour que tu aies l’air d’une vraie fille et voilà comment tu nous remercies. Quelle ingratitude cet Arnaud !  
- C’est bien vrai, cette forêt vierge, ça faisait négligé. Et puis les poils, ça pue et ça fait sale. Tu avais l’air d’une vraie clodo…
- Ouais, enfin, de ce côté-là… Laurence laissa passer un silence. On ne peut pas faire de miracle non plus !
Les trois filles éclatèrent de rire. Les joues d’Arnaud étaient parcourues de larmes. Il n’essayait même plus de résister. La tonte continua, jusqu’à ce qu’Arnaud soit entièrement lisse. Après le maillot, elles lui firent les aisselles, puis le grésillement du rasoir s'éteignit. Les trois femmes étaient satisfaites. Elles abandonnèrent Arnaud dans la chambre. Mais avant de sortir, Laurence se retourna une dernière fois et, en le regardant droit dans les yeux, elle plaqua sa main sur son front, son pouce et son index écartés formant un “L”. Elle ferma la porte en chantonnant d’une voix guillerette “loser, loser, loser…”
Arnaud se leva, se dépêtra de sa blouse et alla se poster devant un miroir. Il regarda sa fente nue, ses lèvres dodues qui faisait un triangle mou entre ses cuisses, les deux pétales cramoisis de ses petites lèvres qui dépassaient un peu. Il trouvait cette vulve indécente au milieu de son corps. Il avait l’impression de ne plus voir que ça. Il haïssait son corps.



Chapitre 12 : épilogue pour une fille publique


Les jours passèrent et Arnaud continuait de servir de dépotoir à foutre pour les clients de l'hôtel. Vu l’argent qu’il rapportait à l’établissement, il aurait sans doute pu demander un bon salaire, mais il était devenu bien trop stupide pour y penser. Il se disait qu’il n’avait pas le choix. Si l’hôtel le renvoyait, Arnaud n’aurait nul part où aller. Il dormirait dehors comme une clocharde.  Alors, en attendant le retour de Maria, il acceptait tout.
Enfin, la date de sa libération arriva. Arnaud attendit que la nuit se fasse calme avant de sortir. Il avait trop peur de croiser des policiers à nouveau. Il rejoignit le bar de Maria en courant. Il avait le souffle court, et l’espoir faisait cogner son coeur. Caché dans une encoignure entre deux bâtiments, il resta devant l’établissement jusqu’au dernier client. Quand il vit que Maria s'apprêtait à verrouiller les portes, il se précipita.
- Maria ! Putain d’morue ! Chiotte ! Moi Arnaud veut revenir !
Engouffré dans le bar, Arnaud tapait furieusement du pied par terre.
- Eh bien, te voilà toi ! Maria lui décrocha un regard gentil et un petit sourire las, comme une maman retrouvant sa marmaille turbulente.
- Baisé par tout l’monde ! Chuis putain pour quéquettes ! T’arrête ce soir ! Compris ! Ce soir !  
Maria cogna son index contre son front.
- Dis donc, Arnaud, à t’entendre, j’ai l’impression qu’il n’y a plus grand monde là-haut… Tu as subi une ablation du cerveau ou quoi ?
- Transformation ! Tout suite ! hurla Arnaud.
Il ne supportait pas que Maria le nargue. Si au moins elle avait compris le quechua, Arnaud aurait pu faire des phrases presque correctes. Mais en espagnol, il en était réduit au petit-nègre et ça amplifiait sa colère.
- Calme-toi enfin ! Maria se faisait apaisante. Je vais te servir un bon verre, ça te remettra les idées en place, et puis nous pourrons discuter de tout ça, entre copines.
- Pas copine ! Moi pas connasse gonzesse de merde ! Chuis paire de couille ! Homme paire de couille Arnaud ! Transformation !
Maria resta un instant silencieuse. Puis elle tapa brusquement sa main sur le comptoir.
- Maintenant, ça suffit !
Les yeux de Maria étaient comme deux billes enflammées pointées sur Arnaud, qui baissa immédiatement la tête.
- Moi, je vais fermer le bar et puis nous discuterons ! C’est clair ?
Maria prit Arnaud par le bras et le traîna jusqu’à un petit bureau situé à coté de la réserve.
- Tu restes là et tu ne touches à rien !
À grands pas décidés, Maria s’éloigna. La colère de la serveuse rendait Arnaud mort de peur. Il n’osait plus dire un mot. Il restait posé sur sa chaise, les mains sur ses genoux, les épaules rentrées. Sur la table à côté, il y avait un ordinateur allumé. Maria semblait avoir mille choses à faire et Arnaud commençait à s’ennuyer. Il laissa traîner un oeil vers l’écran. Quand il était un homme, il savait se servir à merveille des ordinateurs. C’était son outil de travail. Mais maintenant, pour lui, c’était juste une fenêtre lumineuse remplie de petits dessins mystérieux. Son regard passait de l’uns à l’autre, sans comprendre leur signification. Il s’arrêta sur l’un d’eux sous lequel, en majuscule, s’étalait son propre nom. Il déchiffra lentement les mots :
- Les... grandes… va… vacances… d’Arnaud ! Ça alors ! Qu’est-ce que c’est ? se demanda-t-il, faisant tourner à plein régime son petit crâne d’écervelée. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que je fais dans l’ordinateur de Maria ?
Malgré la consigne, Arnaud remonta la main jusqu’à la souris et cliqua. Un cadre jaillit sur tout l’écran. Dedans il y avait une image animée. C’était comme la télévision ! Ça montrait le bureau du bar de Maria, et l’ordinateur de Maria. Intrigué, Arnaud pencha légèrement la tête et l’image bascula du même côté. Ses doigts s’approchèrent de l’écran et leurs doubles apparurent immédiatement à l’intérieur du cadre. “C’est comme si...” Arnaud cligna d’un oeil et la moitié de l’image environ se voila de noir. “C’est comme si…” Arnaud leva légèrement le regard et scruta l’armoire en face de lui, au-delà du bureau de Maria. Du coin de l’oeil, il voyait le meuble à l’identique dans l’ordinateur. “Non, ce n’est pas un miroir, sinon ça montrerait ce qu’il y a derrière moi, alors que ça montre ce qu’il y a devant ! C’est comme si…” Il se tâta le front, comme pour s’assurer qu’il n’y avait pas une caméra incrustée dedans.
- Tu n’as pas pu t’empêcher de tripoter quelque chose hein !
Les paroles furieuses de Maria le firent sursauter. Arnaud ne l’avait pas entendu revenir. Il reprit immédiatement la position, mains sur les genoux et tête baissée.
- Ha, Ha, Ha, tu es une vraie poltronne Arnaud. J’élève à peine la voix et te voilà prêt à te faire dessus de trouille !
Elle s’approcha, et regarda l’écran.
- Oh, je vois que tu as trouvé le site… J’aurais préféré que tu l’ignores toute ta vie. C’est plus drôle, quand les phénomènes de foire ignorent ce qu’ils sont. Mais au fond ce n’est pas grave. Ça peut même être amusant que tu sois au courant de tout, finalement...
- Amusant quoi ça ?
- Oui, ça peut être amusant… Tu vas avoir tellement honte quand tu vas comprendre !
Maria se pencha par dessus l’épaule d’Arnaud, et prit la souris.
- Je vais te montrer. Tout ce site est consacré uniquement à toi Arnaud. Il y a des vidéos de toi…
Maria faisait virevolter le curseur de la souris sur l’écran. Arnaud n’arrivait pas vraiment à distinguer ce qu’elle était en train de faire, mais lorsqu’elle cliqua, une nouvelle image apparue. Dans une ruelle sombre, Arnaud, la tête fourrée dans une poubelle était en train de se faire grossièrement prendre par derrière.
- Tu te rappelles ? C’était à côté du restaurant. C’était ton dépucelage Arnaud. C’est la vidéo la plus regardée celle-là. Le cri que tu pousses quand le sang se met à couler, cette sorte de bruit de vaisselle cassée qui sort de ta bouche, c’est presque devenu culte ! Une autre vidéo qui a pas mal de succès aussi c’est celle faite par un client de l’hôtel, pendant que tu nettoies les chiottes… Tout ça, ce sont des films postés par les gens que tu croises. Il y a des photos aussi, regarde…
Le curseur reprit sa course folle sur l’écran. Des images miniatures surgirent, bien alignées dans leur fenêtre. Il y en avait des centaines ! Un quadrilatère remplis d’écritures les remplaça bientôt.  
- Et puis il y a des forums, où les internautes parlent de toi. Ils disent comment on peut te trouver, l’adresse de l'hôtel, les pourboires à laisser, ce genre de détails pratiques. Il y a des fils de discussion sur tous les sujets qui te concernent. Sur celui-ci, les gens évaluent tes performances au lit. C’est mon préféré ! Les intervenants te donnent tous des surnoms humiliants, ils font des blagues sur toi, ils se moquent, ils dévoilent tes secrets les plus intimes. C’est dommage que tu ne saches plus lire ni l’anglais, ni le français, et que tu ne puisses reconnaître que quelques mots d’espagnol, parce que ça vaut le détour. Je n’ai jamais vu quelqu’un se faire autant mépriser que toi Arnaud. Tu es la tête à claque numéro un du web en ce moment !
Arnaud avait l’impression d’être au fond d’un cauchemar. Toute sa vie de femme, de Cécilia, de Conchita, était rassemblée là, à la vue de tous. Dans un coin de l’écran, il réussit à reconnaître les mots “nombre” et “vues”. Le chiffre à côté dépassait les quatre millions !
- Oh ça, dit Maria qui avait remarqué le mouvement du regard d’Arnaud, c’est seulement les vues depuis le début de la semaine. Le chiffre n’est pas très haut, mais on n’est que mercredi...
La main de Maria bougea vivement la souris, elle cliqua. Arnaud redoutait le pire. Une nouvelle image remplaça les autres. Ils étaient revenus au film sur le bureau de Maria.
- Et voilà ce qui explique ton succès Arnaud. C’est du direct. Filmé 24 heures sur 24. Ces images te suivent partout où tu vas, quoi que tu fasses. Dès qu’il t’arrive quelque chose, le monde entier est au courant !
- Où… Où ça caméra ?
- Ah tu te le demandes hein ? D’où peuvent bien provenir ces images, qui est-ce qui les filment… Mais c’est toi Arnaud ! Toi ! Ce sont des nano-implants neuronaux qui ont été introduits dans ton nerf optique au moment de ta transformation. Ils servent à suivre les évolutions de nos cobayes au plus près, une fois leur corps métamorphosés.
Arnaud avait le regard vide. Il y avait trop de mots compliqués dans les paroles de Maria. Elle se pencha vers lui avec un sourire.
- Les caméras sont dans tes yeux ! Elles retransmettent tout ce que tu vois ! Depuis que tu es une fille, tout ce qui t’es arrivé s’est retrouvé sur cet écran ! Tu as compris ?
Des grosses larmes gonflèrent, au creux des yeux d’Arnaud, et se mirent à rouler sur son visage. Au même moment, l’écran de l’ordinateur s’embua.
- Et de temps en temps, continua Maria sans prendre garde à la détresse d’Arnaud, les flux sont brouillés par ton activité psychique. Dans ces cas-là ils s’inversent et les nano-implants se transforment en récepteurs. Ils envoient alors des images directement sur ta rétine. Parfois, les nano-implants attrapent des souvenirs qui se promènent dans ta tête et ils te les projettent, comme je te l’ai déjà expliqué. Mais le plus souvent, les flux proviennent de l’extérieur.
Arnaud ne bougeait pas. Maria se mit à parler plus lentement.
- Tu es comme une antenne télé Arnaud. De temps en temps, c’est toi qui reçoit les images. Les flashs qu’il y a dans ta tête, ce sont des gens dans le monde entier, devant leur ordinateur, en train de te regarder. Et toi tu captes simplement les images de leur web-cam. Tu as compris ?
Les épaules d’Arnaud se soulevèrent et s’affaissèrent, plusieurs fois de suite. Ses sanglots se firent sonores. Une plainte aiguë et traînante s’échappa de sa gorge.
- Et oui Arnaud, tous les gens que tu as vu, c’était des spectateurs en train de se régaler de tes mésaventures. Et attend, ce n’est pas tout. Ils n’ont pas accès seulement à tes yeux. Il y a aussi des nano-implants pour tes oreilles, qui retransmettent le son. Mais ceux-là, rassures-toi, leur flux est monodirectionnel. Tu n’entendras jamais le rire des personnes qui t’observent. Tu devras te contenter de l’imaginer...
Arnaud continuait de pleurer.
- Et il y a encore plus fort ! Parce que nous avons aussi accès à ce que tu ressens !
Maria fit une suite de cliques et des tableaux s’ouvrirent. Il y avait une série de niveaux qui n’arrêtaient pas d’osciller en montant et en descendant. Plus ils étaient élevés, plus ils viraient au rouge. Sous chacun, il y avait un mot : colère, remords, peur, etc. La barre de honte restait stable, tout en haut. Elle était écarlate.
- Eh bien mon pauvre Arnaud, dit Maria en montrant les niveaux du doigt, tu as l’air de passer un sale quart d’heure ! Mais bon, on sait toutes les deux que, souvent, tu aimes ça n’est-ce pas ?
Son doigt se déplaça lentement le long de l’écran, jusqu’à la barre de plaisir, qui subissait de brusques envolées.  
- Tu vois Arnaud, tu as beau dire que tu n’as pas envie, ça ne sert à rien. Les gens savent quand tu prends ton pied comme une crasseuse.
Maria passa sa main sur la joue d’Arnaud. Ses ongles appuyaient sur sa peau, à la limite de la griffure.
- C’est pour ça que j’ai passé tant de temps, à chaque fois que tu hésitais, pour te convaincre de continuer. C’est tellement plus amusant quand on voit que tu en as envie !
- Rendre moi corps, s’il te plaît… Maintenant…
- Oh, tu y crois encore Arnaud ? Décidément, tu es vraiment stupide ! Mais, même si je le voulais, je ne pourrais plus te rendre ton corps. La boite où je travaillais à fait faillite, le matériel à été démonté et vendu ! Personne au monde ne te rendra jamais ta vie Arnaud, et entre nous, c’est très bien comme ça !
Arnaud se mit à geindre, son gémissement monta lentement, haché chaque fois qu’il reprenait son souffle,  jusqu'à devenir des hurlements de bête blessée ! Maria, impassible, attendit qu’il se calme.
- Te déteste ! Déteste ! Pourquoiiii ? Pourquoi Maria ?
- Oh, quelle importance ? Pour toi ça ne changera plus rien maintenant…
Arnaud leva les yeux. Le visage de Maria apparut sur l’écran.
- Ok, pas la peine de me faire ton regard de chiot abandonné. Si ça t’amuse de le savoir… Au début, c’était seulement pour t’humilier un bon coup. Je voulais que tu payes pour toutes les horreurs que tu m’avais dites. J’étais même disposée à te rendre ton corps d’homme après quelques jours. De toute façon, j’avais tout mis sur internet, ça allait te suivre toute ta vie, j’étais assez vengée. Et puis mes patrons nous ont annoncé la fermeture. Adieu le stage, au-revoir le diplôme que je voulais décrocher. Mon avenir de scientifique était cuit ! Aucune perspective. Barmaid, c’est à peu près ce que je pouvais espérer de mieux comme boulot… Et là le site internet s’est mis à faire le buzz. D’un coup tu as eu des millions de vues, partout dans le monde. Ça amusait les gens de te voir te débattre avec ton corps de femme. J’ai commencé à comprendre que je pouvais gagner de l’argent avec ça. Pas mal d’argent… Alors je me suis dit “pourquoi pas continuer ?” Évidemment, dans ces conditions il fallait s’occuper du site, renouveler l'intérêt des spectateurs. Il fallait justifier le pognon que les gens allaient payer pour s’abonner. C’est pour ça que j’ai eu cette idée du concours…
Maria cliqua et un bandeau apparut sur l’écran.
- Tu n’arrives pas à lire Arnaud ? Attends, je vais te traduire : “grand concours : rasons la chatte d’Arnaud ! Franchement, la forêt vierge entre les jambes d’Arnaud, ça vous excite ? Nous non plus ! Il faut quand même faire quelque chose pour que cette grosse pute reste un peu convenable ! Dans une semaine, jour pour jour, la foufounette d’Arnaud sera mise à prix. Le premier qui parvient à lui prendre ses poils recevra deux mille euros ! A vos ciseaux les amis !”
Maria se redressa et regarda Arnaud, satisfaite d’elle-même.
- Tu vois Arnaud, je sais bien m’occuper de toi. La fréquentation du site a triplé ce jour-là. Quand à mon compte en banque, je ne t’en parle même pas. Les zéros se sont accumulés tellement vite que je vais pouvoir quitter ce boulot minable. Ça va être la grande vie pour moi ! Et tout ça, c’est grâce a toi ma belle. Tu es ma poule aux oeufs d’or et crois-moi, je ferais ce qu’il faut pour que tu me rapportes un maximum. Ces derniers jours, je n’étais pas vraiment allé voir ma famille. J’ai pris contact avec une start-up pour les associer à mon projet. Ils ont été emballés. Il y a maintenant toute une équipe qui réfléchit à ce que nous allons bien pouvoir te faire. Tu es entre de bonnes mains. Leur première idée, ça a été de changer de décor. C’est vrai que cet hôtel, à la longue, ça lasse. Alors voilà - tu vas voir, ils ont pensé à quelque chose de génial... tu vas être emballé : ce soir tu as été dénoncé à la police comme immigrée clandestine !
Le sang d’Arnaud quitta son visage.
- C’est super non ? Tu auras tout juste le temps d’aller récupérer tes affaire à l’hôtel et après, c’est la grande aventure. Quelle mauvaise rencontre vas-tu faire en t’enfuyant ?  Est-ce que tu vas échapper aux policiers ? Pour combien de temps ? Est-ce qu’ils vont réussir à te renvoyer au Pérou comme une va-nu-pied ? Et là-bas, qu’est-ce que tu vas devenir ? Une crève la faim de paysanne, exploitée dans une plantation de canne à sucre, épuisée par les journées dans les champs ? Une putain arpentant son bout de trottoir pour quelques miettes d’argent ? Une femme au foyer dans un bidonville, obligée de supporter un mari alcolo ?  On ne le sait pas nous-même ! C’est ça qui est merveilleux, c’est le suspens à l’état brut, l’histoire qui s’écrit au fur et à mesure que les choses t’arrivent ! Et dès que tu auras retrouvé un peu de calme dans ta vie, si par hasard tu y arrives, nous serons là pour intervenir à nouveau, afin que tes spectateurs aient tous les jours une mésaventure d’Arnaud à se mettre sous la dent. Avoue que c’est sublime comme concept !
Arnaud n’écoutait déjà plus. Il s’était levé et jetait des regards affolés autour de lui. Il sortit du bar et se mit à courir de toutes ses forces vers l’hôtel. Tout ce qu’il possédait était là-bas. La pauvre femme qu’il était devenu ne pouvait pas abandonner toutes ces richesses…  
Alex, Xavier et Cyrille descendirent du bus. Alex regarda le soleil d’Espagne une dernière fois. Les vacances étaient terminées. Ils étaient revenus à l’aéroport. Ils ne seraient que trois à retrouver la France.
- Quand même, Arnaud nous a bien fait faux-bon ! Qui aurait pensé ça de lui…  
- Ouais, j’aurais jamais cru que c’était un tel pervers. Vouloir se transformer en femme ! Et en boniche en plus ! Honnêtement, je ne suis pas fâché de laisser ce type derrière nous. Il n’a que ce qu’il mérite !
- N’empêche, c’était fun quand il nous a sucé. Quelle salope quand même ! Le pied que j’ai pris à lui juter dans la bouche…
- Hé les mecs, visez un peu la clodo, là, à côté des portes automatiques.
Les trois amis regardèrent une pauvre femme, accroupie par terre, qui portait une blouse de femme de ménage à moitié déchirée. Une petite boîte était posée devant elle. Parfois, quelqu’un lançait une pièce dedans. Elle leva la tête, les regarda quelques seconde et tendit une main suppliante dans leur direction. Son visage était dépourvu d’espoir. Les trois amis l’avaient reconnu. Ils éclatèrent de rire et s’en allèrent joyeusement, pour rentrer chez eux.
Arnaud les regarda s’éloigner. Il jeta un oeil dans la petite boite. Quelques euros seulement. Pas assez pour manger. Il devrait encore aller sur les promenades ce soir, pour tapiner. Il essayait de ne pas penser aux millions de gens sur internet, qui en ce moment même observaient sa vie par l’intérieur de sa tête, et qui se moquaient de lui.
Pour Arnaud, les vacances n’allaient jamais finir…

Fin






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