Philippe était entré dans ce bar avec un groupe d'amis et, après
que chacun se fut installé autour de la table, il alla au comptoir
passer commande. Tout en marchant, il regardait les serveuses. Elles
étaient sexy dans leurs robes mini et moulantes, tricotant des
jambes d'un bout à l'autre de la salle, toujours avec le sourire. En
temps normal, Philippe les aurait regardées avec des yeux de désir,
le désir d'un homme pour les jolies filles. Mais pas cette fois.
C’était de ces moments où Philippe était troublé par les femmes
d'une manière qu'il avait du mal à décrire, comme s'il en était
jaloux, enviant confusément leur corps, leur séduction et même
leurs succès auprès des hommes.
Philippe
ferma les yeux. Il était avec des amis et ce n'était pas le moment
de se laisser aller à de pareilles fantasmagories ! « Un
homme regarde une fille uniquement parce qu'elle est excitante »
se dit-il pour se raisonner. Et c'est vrai qu'elles étaient
séduisantes, ces jeunes femmes aux corps libres, qui échangeaient
parfois des plaisanteries entre elles en se croisant. Il voyait les
courbes de leurs silhouettes si bien mises en valeur par les petits
bouts de tissus serrés contre elles. Il imaginait leurs chairs
rondes et douces en dessous. Philippe aurait tant voulu que son corps
aux angles masculins s'incurve de cette manière. Repris par ses
idées étranges, il secoua la tête et décida d'avancer vers le
comptoir directement, sans plus regarder autour de lui.
Seulement,
dès qu’il fit un pas, il eut d’un coup la délicieuse impression
de faire rouler son bassin. Inquiet, Philippe vérifia autour de lui
mais, heureusement, personne ne semblait avoir remarqué son geste.
Il était soulagé et, en même temps, un pincement de regret
s'insinua en lui. « Mais non, se dit-il avec colère, je suis
un homme ! Un homme ne se fait pas reluquer par des inconnus » !
Philippe, en pensant cela, avait imperceptiblement bombé le torse.
« C’est ça, comme un homme »… Ou comme une femme qui
veut faire admirer ses avantages ?
Pour
ne pas avoir à répondre à cette entêtante question, Philippe
continua d'avancer. Il marchait maintenant sur la pointe des pieds !
« C'est vrai que ça cambre joliment ma chute de reins, sans
compter que ça met bien mes jambes en valeur »… Philippe
étouffa un hoquet de rage ! Non seulement il se comportait
comme une femme, mais il pensait comme une femme ! Il fallait à
tout prix qu’il se sorte de ce guêpier, qu'il emmène cette fichue
commande et passe à autre chose. Il avança en dodelinant de la
tête, faisant doucement onduler la belle crinière brune qui
cascadait le long de son dos, tout en vérifiant discrètement du
coin de l’œil si les garçons assis aux tables glissaient des
regards dans sa direction. Il arriva enfin au comptoir.
–
Je viens prendre la commande de la quatre ! dit Philippe d'une
voix mélodieuse et caressante qui, bien que sortant de sa bouche, ne
ressemblait en rien à la sienne.
–
Voilà, Cathy ! dit le barman en disposant des verres et
des bouteilles sur un plateau.
Philippe
ne comprenait pas pourquoi l'homme l'appelait Cathy mais il n'avait
plus très envie d’y réfléchir. De toute façon, ce prénom lui
plaisait beaucoup, et puis qui aurait l’idée d’appeler Philippe
une jolie fille portant l’uniforme des serveuses du bar ? Le
visage de Cathy s’ouvrit d’un sourire, elle fit un clin d’œil
au barman et emporta vivement le plateau.
Commentaires
Enregistrer un commentaire