Je n'ai pas eu beaucoup de chance en venant au monde. D'abord, je ne
suis qu'une fille et tout ici appartient aux hommes – tout, à
commencer par les femmes. À l'adolescence, j'ai bourgeonné et mon
physique tout raide de gamine s'est couvert de rondeurs. Je n’ai
pas choisi, j'ai ce genre de silhouette qui donne aux garçons des
envies de baise sur le coin de la table. Ils ne me respectent pas et
prennent rarement la peine de me demander la permission. Mais les
garçons ne sont que des machos et, pour eux, de toute façon, les
femmes ne sont que des bonniches avec des trous pour se vider. Quant
aux effrontées, ils les brisent à coups de ceinturons et de gifles,
ou ils les trainent dans des endroits sombres pour défoncer leur
corps avec leur queue. J'ai dû apprendre à baisser les yeux. En
fait, ma seule chance dans la vie c'est que ma mère habitait près
d'une grande station balnéaire, avec beaucoup de touristes qui
viennent de l'autre bout du monde. Ils sont moins durs avec nous et
puis, eux, ils ont de l'argent.
Comme
toutes les filles du coin assez jolies pour plaire et trop feignantes
pour aller à l'usine, j'ai fini comme une pute dans leurs bras. Je
ne peux pas me plaindre, je ramène de l'argent à la maison et je
crois que j'étais un peu faite pour ça. De toute façon, c’est
clair que je ne suis pas une fille comme il faut. Comme dit maman,
j’ai le diable qui me brûle les cuisses ! Malgré tout, même
si j’aime avoir les hommes contre ma peau, ce n'est pas drôle tous
les jours. Souvent, ceux que je dois satisfaire ne sont pas très
attirants. Ils sont vieux, ou gros, ou laids et il y en a même qui
sentent mauvais. Mais je dois faire comme s'ils me plaisaient. Je ne
suis qu'une putain, c’est comme ça.
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Un
soir, en revenant à la maison, je trouve maman très agitée. Alors
que d'habitude elle contrôle soigneusement l'argent que je rapporte,
cette fois-ci, elle ne prend même pas la peine de regarder dans mon
sac.
–
Je l'ai retrouvé, je l'ai retrouvé ! Après toutes ces années…
Des
larmes perlent le long de ses paupières creuses et sa bouche se
courbe en un drôle de sourire triste. Comme si une vieille douleur
venait de se réveiller et qu'au même moment elle avait redécouvert
l'espoir. Elle déplie devant moi un vieux papier gris, rongé sur
les bords, couvert de petits dessins à moitié effacés.
–
Le vieux rituel ! Ta grand-mère l'avait soigneusement caché,
elle ne voulait pas que je mette la main dessus.
Les
larmes roulent sur ses joues et elle ne cherche même pas à les
retenir. Elle laisse échapper des petits sanglots aigus et
douloureux qui soulèvent ses épaules. Le chagrin lui donne l'air
bizarre, comme si c'était une enfant abandonnée dans un vieux corps
d'adulte.
–
Maintenant, je suis trop faible pour l'utiliser…
Elle
mord ses lèvres et se reprend. Son regard redevient froid.
–
Mais toi, tu es jeune ! Si tu jures de m’emmener avec toi, je
vais te donner le moyen de partir d'ici.
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Maman
m'a tout expliqué. J'ai appris par cœur les hiéroglyphes marqués
sur le bout de papier. Il ne me reste qu'à choisir un touriste. J'en
ai repéré un qui me plait bien. Il est jeune, il a une belle
carrure, il est grand avec de jolis muscles, ses cheveux donnent
envie de passer les doigts dedans et son regard a quelque chose de
naïf et de pétillant qui doit faire des ravages chez les jolies
femmes de son pays. Il est Français. Il a de l'argent, bien entendu,
et peut-être même qu'il est vraiment riche. En tout cas, les autres
filles m'ont dit qu'il n'est pas chiche de ses billets, si on sait
lui faire plaisir. Et elles m'ont dit aussi qu'il est plutôt bien
pourvu, sur le plan des outils du caleçon. Ça compte toujours. Il y
a une femme très belle, très blonde et très chic qui a fait le
voyage avec lui mais, visiblement, ça ne l'empêche pas de se faire
une pute de temps en temps.
Je
suis plutôt une fille qu'on remarque et je n'ai pas à trainer
longtemps près de lui pour qu'il m'aborde. Je lui fais le grand
sourire de celle qui a déjà dit oui, en passant une main faussement
timide sur son torse large. Il m’emmène à l’hôtel. Pendant le
trajet, j'essaie de me faire comprendre avec les rares mots d'anglais
que je connais :
–
Moi petite. Toi européen très haut. Quand toi sur moi, moi pas
respirer ! Toi d'accord moi sur toi ? Te plait…
Je
suis tendre, collée à lui, j'ai ma voix de sucre et je lui fais des
minauderies de fillette qui veut l'autorisation d'ouvrir un cadeau.
Comme je m'y attendais, il accepte. Une fois dans la chambre, il se
met nu, il soulève ma petite robe avec des gestes brusques, il
regarde mon cul splendide de putain dans la fleur de son printemps et
il m'attire sur lui, couché sur le lit.
Son
outil s'est dressé bien droit et, à califourchon sur son corps, je
dois me l'enfoncer entre les jambes. Il est vraiment gros et long.
J'ai mis ma fente dessus et j’appuie un peu. Ça glisse mal. Sans
attendre, il pose ses mains sur mes hanches et il tire d'un coup bien
sec pour m'enfoncer de force. Je mords mes lèvres pour ne pas crier
sous la douleur qui m'ouvre le ventre. Je ne songe même pas à me
plaindre, les hommes qui payent ont le droit. Je commence à m'agiter
sur lui. Je suis une fille souple et mon ouverture s'habitue vite à
sa taille bien rigide. Je me serre autour de lui et je vois ses yeux
qui commencent à vibrer de plaisir. C'est le moment. Je visualise le
premier dessin.
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Les
pensées entrent dans ma tête. La première fille que j'ai baisée
s'appelait Sonia, c'était en vacances, sur la côte, ses parents
avaient loué un petit bungalow dans les terres et elle avait des
yeux immenses, irisés de vert, cernés de taches de rousseur, qui
ont brillé quand je l'ai pénétrée.
Je
fais défiler les dessins dans mon esprit, aussi vite que je le peux,
tout en agitant mon corps sur sa verge tendue. L'homme sous moi perd
peu à peu son sourire tranquille. Lui aussi, il commence à vivre le
mélange. Le jour du bac, j'ai vomi. Je ne voulais pas que les
copains le voient, alors j'ai pincé mes joues pour avoir l'air moins
blême.
Sa
tête sur l'oreiller fait la grimace, comme s'il avait la nausée.
Son corps bouge pour s'échapper, mais il est affaibli et je le
maintiens en place de toutes mes forces. Je viens de décrocher mon
premier vrai travail. Après avoir trop longtemps navigué entre les
stages et les petits boulots, après avoir essuyé les rebuffades, on
me juge enfin à ma juste valeur ! J'ai visité mon futur
bureau, il n'est pas très grand, mais je vais leur montrer de quoi
je suis capable !
En
un éclair, je vois mon visage de fille au-dessus de moi. Je regarde
ma main d'homme qui sert les draps convulsivement, comme si
j'essayais de me raccrocher à la vie. C'était trop tôt et, avec
l'impression d'avoir reçu un coup de batte de base-ball sur mon
crâne, je retombe dans mes yeux de fille. Les souvenirs continuent
leur sarabande. Ma secrétaire me suce. C'est le soir. Maintenant,
mon bureau est tout en haut de l'immeuble. Je n'ai pas encore trente
ans.
Le
plaisir immense monte de mon sexe ouvert. Cette virilité pointée au
creux de mon ventre m'affole. C'est un plaisir plus intense que
d'habitude, amplifié par la magie, mais ça ne doit pas me
déconcentrer. Je pense aux dessins, je m'accroche à eux. Si je
perds leur image, tout cela n'aura servi à rien. Je vois ma fiancée.
Elle ne le sait pas encore, mais elle est ma fiancée. Elle sera ma
femme. Elle est belle, sa famille a de l'argent et je sens en elle
une sorte de langueur. C'est le genre de fille qui a besoin qu'on la
mène et ça me convient parfaitement. Elle fera une parfaite épouse,
pas trop curieuse sur mes incartades.
Je
reviens dans le cerveau de l'homme et j'ai la tête soudain vrillée
par un tourbillon de panique. Il essaye de s’enfuir depuis le
début, mais il est cloué sur ce lit. Il est privé de presque toute
son énergie et même le maigre corps qui le chevauche est un poids
trop lourd pour qu'il puisse le soulever. Il est incapable
d'interrompre le rituel. Je sens son sexe bandé qui pénètre cette
fille et la vue de ces nichons qui s'agitent fait grimper mon
excitation. C'est l'anniversaire de mariage de mes parents. Il y a
une grande fête, j'arrive dans ma belle voiture sportive, avec ma
fiancée aux allures de mannequin sur le siège passager. J'ai les
bras chargés de cadeau et ma famille s'empresse autour de moi. Je
suis celui qui a réussi. Cet été, nous partons en amoureux au
Mexique.
Vers
le bas de mon ventre, il y a une tension et mes testicules se
contractent. Mon sexe a l'air d'exploser tout en se serrant sur
lui-même. Mon jus d'homme est expulsé en jets violents et les
décharges de plaisirs me vident de mes forces. Je sens un délicieux
engourdissement qui coule dans tous mon corps et voile mon esprit.
C'est bizarre, de jouir comme un homme, c'est tellement plus bref,
moins intense, mais en même temps beaucoup plus brutal. C'est
tellement tourné vers l’extérieur, en fait. Je me laisse quelques
secondes de répit, pour récupérer de mon éjaculation et de
l'effort mental que je viens de fournir pour réaliser le rituel.
C'était un effort terrible, mais c'est terminé maintenant.
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L'échange
est définitivement accompli. Je suis dans son corps. J'ai reçu ses
souvenirs et sa vie. Je les lui ai volés. Je me lève et je me
rhabille avec des gestes secs. Il est là, sur le lit, perdu dans mon
corps de fille. Il baragouine une langue qui était la mienne, mais
que je ne comprends plus. Il se débat avec ma mémoire. En même
temps, il a gardé juste assez de souvenirs de son ancienne existence
pour savoir tout ce qu'il a perdu. Tout comme moi je sais ce que je
laisse derrière moi : la vie sale d'une pauvre pute. C'est son
tour désormais. Il n'est plus qu'une salope à touristes. Au fur et
à mesure qu'il comprend, ses jolis yeux sont traversés d'éclairs
de supplication, qui alternent avec la douleur. Mais ça ne durera
pas, je le sais. Avant quelques jours, il aura le regard vide de ceux
qui ont eu trop mal. Tant pis pour lui.
Au
moment où je passe la porte, il pousse un cri désespéré et se
jette sur moi, les ongles tendus vers ma gorge. Je lui lance une
grande gifle qui le jette au sol. Il se met à pleurer par terre,
petite épave pitoyable de femme déjà vaincue. Je sors mon
portefeuille et je jette quelques billets à côté de lui.
Je
ferme la porte.
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