La confession

 
C'était une rencontre comme on n'en fait qu'une fois dans sa vie. Une véritable amitié ! Depuis des années, Ivan et moi nous partagions tout, comme deux frères. De moins, je le croyais. Les filles, bien entendu, n'avaient jamais réussi à nous éloigner vraiment l'un de l'autre et, pourtant, sa rupture récente avec Océane avait affecté Ivan d'une manière que je ne comprenais pas. Depuis son départ, il se forçait à rire, à parler, à vivre, mais je sentais bien qu’au fond de lui, quelque chose était en train de mourir. J'étais vraiment prêt à tout pour lui. J'aurais donné ma vie sans hésiter, tout comme il l'aurait fait pour moi, je le savais. Mais comment l'aider ? Chaque fois que j'abordais le sujet, je sentais Ivan se réfugier sous une carapace…
Une amie à moi m'ayant parlé d'une voyante aux dons exceptionnels, je bravai le ridicule et je me retrouvai devant une vieille dame se donnant des airs de bohémienne de fête foraine.
– Ton compagnon languit du mal d'amour. Seul un amour exceptionnel peut l'en guérir et toi seul peux accomplir cette tâche.
Je n'aimais pas trop ce genre de phrase énigmatiques et je répondis brusquement :
– En somme, c'est facile, je n'ai qu'à devenir une femme ! 
Elle me regarda un instant, ses petits yeux enfoncés semblant pétiller d'une joie méchante.
– Changer de corps n'est pas si difficile, tu sais. Tiens, prends ça, rentre chez toi et bois-le en pensant à ce que tu souhaites devenir. J'ai confiance en toi, tu reviendras ensuite pour me payer. Mais fais bien attention, car ta transformation sera définitive !
C'était idiot, mais je n'avais rien à perdre. Je ne croyais pas une seconde à ce charabia, mais une petite partie de moi se disait que, si c'était le seul moyen d'aider Ivan, j'étais prêt à renoncer à mon corps masculin pour devenir la femme de ses rêves. J'avalai la petite potion, en songeant à celle que je voulais être. Je connaissais suffisamment les gouts d'Ivan en matière féminine pour être certain de ne pas me tromper. À ma grande surprise, la transformation s'opéra ! Dans mon nouveau corps de femme, je retournai voir la voyante, bien disposé à payer tout ce qu'elle me demanderait, mais je trouvai porte close. Les voisins, étonnés, me dirent que cela faisait des années que personne n'habitait plus là ! Je n'arrivais pas à comprendre mais, après tout, ce n'était pas si important.
J'abordai Ivan le soir même. J'avais décidé de lui cacher mon identité et ma transformation. Il fallait que ce soit un nouveau départ pour nous deux. Il serait triste, bien entendu, de la perte de son ami, mais il m'aurait moi, sa future femme, pour le remplacer. Ivan buvait beaucoup. Avec une inconnue, il ne prenait pas la peine de dissimuler son chagrin. Je le laissai faire, car je sentais bien que quelque chose devait sortir. L'ivresse aidant, il finit par se laisser aller aux confidences.
– … des années de mensonges, à faire croire à tout le monde que je suis comme eux, à essayer d'être ce que je ne suis pas. Mais ce n'est plus possible. Je l'ai bien vu, avec la dernière fille. J'ai beau faire semblant, ça ne marche pas. Je n'en peux plus, terminé le masque ! Je vais leur dire à tous et tant pis s'ils me détestent après ça. Je vais leur dire : moi, Ivan, je suis homosexuel ! Depuis tout petit je sais que je suis homosexuel et je sais que ça ne changera pas… Et je suis amoureux de mon meilleur ami !

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