Tout de suite à gauche après l'entrée…

1

Considérations diverses sur un cul splendide et sur sa propriétaire

Arnaud regardait avec délectation le postérieur engageant de sa nouvelle assistante. « En voilà une que la blouse de laborantine avantage », se disait-il en imaginant fourrer sa main là-dessous, peloter dans la profondeur et puis – parce qu'Arnaud aimait faire ça à la dure – arracher la jupe de la fille pour libérer le passage. Et après, ce qu'il glisserait sous la blouse, ce serait long, bien rigide, et très amusant… pour lui ! Arnaud aimait leurs yeux furieux et leurs couinements indignés, il aimait emporter leurs défenses et les contraindre au plaisir. Par chance, il occupait une place qui lui permettait facilement de satisfaire ses gouts.
Il était le patron réputé d'une équipe de recherche de pointe. Il voyait défiler dans son laboratoire les étudiantes admiratives, fraîches comme la rosée et empressées jusqu'à la petite culotte, prêtes à tout pour satisfaire un si éminent chercheur et éviter la mauvaise note. Arnaud adorait jouer avec elles : il les affolait à coup de regards froids et cruels, il leur faisait perdre leurs moyens à force de petits reproches jetés d'une voix pincée. Et, quand il l'avait décidé, il les coinçait, seul à seul, dans un endroit tranquille, les recouvrait de son corps et les écrasait d'amour, pour les laisser sur place, après la jute. Vite baisées, vite oubliées ! C'était la philosophie d'Arnaud et il s’en trouvait très satisfait…
Étrangement, pourtant, Arnaud ne se sentait plus aussi bien, depuis l'arrivée de cette nouvelle assistante à la croupe si prometteuse. Insidieusement, cette fille était venue troubler la quiétude de son existence parfaite et Arnaud avais mis du temps à comprendre pourquoi. Il avait d'abord craint d’être devant une de ces petites connes de féministes, pimpantes mais rétives. Ce genre de fille lui donnait toujours des envies de discussion à coup de gifles dans leurs petites gueules bien maquillées ! Mais non, l'assistante était l'obéissance faite fille. Devançant le moindre caprice d'Arnaud, toujours irréprochable dans son travail, elle poussait la veulerie jusqu'à s'excuser quand celui-ci, avec des prodiges de mauvaise foi, s’ingéniait à inventer des reproches à lui faire. C'était une pâte molle entre les mains du maître… Elle n'était pas non plus une de ces glacées des interstices, belles mais indifférentes, écartant les cuisses par simple obligation, avec l'air résigné de celle qui attend l’heure de son train. Arnaud n'avait pas encore couché avec elle, mais un simple coup d’œil suffisait à rendre cette hypothèse ridicule, tant le corps entier de cette fille bouillonnait de sensualité contenue à grand peine par ses vêtements !
Finalement, Arnaud mit le doigt sur ce qui le dérangeait. Derrière son caractère lisse et son apparente perfection, Arnaud percevait chez cette fille une distance incroyable avec le monde qui l'entourait. Un détachement quasi inhumain d'avec les choses et les gens, comme un sentiment de supériorité démesuré… Chaque fois qu'elle posait son beau regard quelque part, Arnaud avait l'impression de voir un chercheur en train de dénombrer des bactéries dans son microscope ! Et Arnaud n'aimait pas du tout se sentir comme une bactérie…
Arnaud ne se compliquait jamais la vie et il décida de mettre fin au problème à sa façon. Il allait baiser cette fille une bonne fois pour toute, parce qu’il n’y avait pas de raison pour qu’elle y coupe, et il la mettrait à la porte juste après…






2

La ravissante idiote

Le réveil fut difficile. Arnaud sortait d'une absence abominable. La première sensation qui passa le seuil de sa conscience fut celle d'un fouillis chaud et doux bordant sa nuque et ses joues. Devant ses yeux il y avait des masses denses de fils mélangés… Comme des boucles… Comme des cheveux. Il voulut écarter de sa vue ces touffes incongrues. Sa main appuyée contre sa cuisse remonta alors lentement le long de sa peau. Il y avait sous ses doigts un contact soyeux qu'il n'arrivait pas à trouver familier. Ça le dérangeait. Un peu avant d'arriver à son cou, sa main s'enfonça dans quelque chose. Une masse étale et instable, où ses doigts pénétraient sans peine. Une vision étrange traversa l'esprit d'Arnaud : sa peau avait développé d'énormes tumeurs, des excroissances qui dégoulinaient par-dessus son corps ! Il était malade, il agonisait, il était devenu un monstre !
Complètement réveillé par l'affolement, Arnaud roula sur lui-même pour se relever et, instinctivement, il baissa la tête ! Deux seins s'entrechoquaient sous ses yeux. Ils terminèrent doucement leurs mouvements de balancier, et redevinrent immobiles. Deux seins qui s’avançaient devant lui, et lui bouchaient la vue du reste. Lentement, Arnaud écarta les deux obstacles comme on entrouvre des rideaux. Et il vit qu'en dessous, il y avait un problème ! Parce qu'il n'y avait rien ! Et c'était ça le problème ! À la place du gourdin charnu qui avait toujours fait sa fierté, il n'y avait plus qu'une surface de peau nue. Et dessous, là où auraient dû se trouver les deux bourses fripées et poilues qui, en toute occasion, encadraient paresseusement le glorieux appendice en question, il n'y avait rien non plus ! Le vide, le néant ! Pas plus de couilles que de neurones dans la tête d’une blonde ! Plus personne pour répondre à l'appel !
Alors, Arnaud compris enfin ! Il comprit pourquoi il était obligé de s'encombrer les mains avec deux globes mous pour arriver à voir son corps. Il comprit pourquoi ces deux boules bien mûres s'obstinaient à lui envoyer des perceptions chaque fois qu'il les touchait. Il comprit pourquoi ses mains étaient devenues si petites. Il comprit pourquoi ses cuisses étaient pleines et lisses, pourquoi sa taille était si fine, pourquoi il y avait tellement de cheveux sur sa tête. Et il comprit pourquoi, en bougeant ses hanches, ça lui évoquait le bandant souvenir des remueuses du cul qu'il matait sur les plages, du temps de son adolescence… Il était devenu une femme ! Une fendue, une radasse, une gonzesse, une nana, une pisseuse ! On lui avait embarqué ses génitoires et on lui avait installé le parking à quéquettes en forme de trou à la place ! Arnaud était enfermé dans un corps de femme !
Arnaud ne parvenait pas à quitter ce corps du regard. Ses pensées revenaient toujours au même point : il était devenu une femme ! Il resta ainsi, presque une heure, sans bouger, effaré, écrasé… Il prenait lentement, très lentement, la mesure de ce qu'il avait sous les yeux : il était devenu une femme ! Au bout d'une heure, Arnaud parvint à avoir une autre idée.
Il avait du mal à mettre le doigt dessus, mais il était convaincu qu'on lui avait pris autre chose. Un élément qui changeait tout, qui lui manquait sans qu'il s'en rende vraiment compte… Arnaud réfléchissait avec conviction, mais tout allait vraiment très lentement dans sa tête. Tellement… Tellement lentement… Et la vérité éclata enfin en lui ! C'était ça ! En se changeant en fille, il était devenu complètement conne ! Terminé l'esprit vif, finie la jonglerie intellectuelle, oubliée l’aisance de la matière grise : Arnaud la fille n'était qu'une ruminante à nichons incapable d'aligner deux pensées ! À croire que le surplus de cerveau avait servi à lui rembourrer le cul et les roberts…
Devant l'ampleur de la catastrophe, Arnaud s'effondra doucement. Il venait de perdre les deux choses qui comptaient le plus dans sa vie. Il était nu, il était minable dans ce corps de femme, il était dégoûtant de stupidité. Il se sentait comme une larve, comme une merde écrasée oubliée par le monde…
Alors, seulement, Arnaud pensa à regarder autour de lui…





3

Une petite n'importe qui, perdue n'importe où

Son corps de femme se trouvait au milieu d'un long couloir blanc, baigné de lumière, qui tournait à angle droit aux deux extrémités. Le sol et les murs étaient faits d'une sorte de plastique épais, uniformément lisse et propre. Au-dessus de sa tête, il n'y avait pas de plafond, mais un espace noir, indistinct, dont Arnaud ne parvenait pas à estimer la profondeur. Tout était entièrement silencieux. Pas un souffle d'air, pas d'odeur, une température tiède et constante. Arnaud avait presque l'impression d'être dans le vide !
Il alla vers un des bouts du couloir. Quand il marchait, sa poitrine nue tanguait à contre-temps et Arnaud trouvait cette sensation très désagréable. Il essaya de garder un bras sur ses seins pour les maintenir, mais c'était tout aussi inconfortable. Il finit par se résigner à l'inévitable agitation de ses parties molles, même si ce mouvement de chair sur son torse ne cessait de raviver en lui le sentiment de sa déchéance.
Arrivé au tournant, il continua son chemin, perpendiculairement à la section qu'il venait de parcourir. Le couloir faisait de nombreux coudes. Arnaud rencontra bientôt une intersection, puis une autre, et encore d'autres, toutes à angle droit. Toutes les parties de ce réseau étaient rectilignes et d'une largeur strictement identique. Après avoir tourné dans tous les sens, et emprunté plus de bifurcations qu'il ne pouvait en compter, Arnaud s'arrêta. Dans son esprit englué, la certitude qu'il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait s'installa enfin. Ce lieu étrange, immense, tellement compliqué et en même temps si régulier, ne lui disait rien du tout ! Il se remit à marcher, jetant des coups d’œil autour de lui, anxieux comme une petite fille qui a perdu sa mère dans la foule. Il appela, mais sa voix ne fit que résonner sèchement dans le silence. Même le silence était opaque, ici ! La panique monta en lui. Il accéléra, puis ses jambes commencèrent à courir. Il voyait autour de lui défiler les murs blancs, les croisements, les coudes… Indéfiniment… Toujours semblables ! Pas de point de repère, pas d'objets, pas d'horizon, juste lui et des murs ! Et cette lumière égale qui se répandait partout et ne laissait subsister aucune ombre. Et ce gouffre noir au-dessus de lui, oppressant comme le couvercle d’un gigantesque cercueil.
Arnaud s'arrêta finalement. Il fit plusieurs tours sur lui-même en se tenant la tête et se mit à gémir. Il ne voulait pas pleurer mais il pleura quand même. Ce n'était plus qu'une petite trouille vulgaire dans un corps de femme ! Avec ses yeux salis de larmes, sa bouche tordue et son nez en train de couler, il avait l'impression d'être une de ces chouineuses qui se ridiculisaient quand il les mettait à la porte, du temps où il était un grand savant, du temps où il était un homme, du temps où il était lui-même. Qu'est-ce qu'il pouvait se moquer d'elles, à ce moment-là !
Titillé par ces souvenirs, son cerveau ne mit que dix minutes pour percevoir qu'il y avait dans tout ça une question importante à laquelle il n'avait pas répondu. Plus exactement, il y avait là une question qu’il ne s’était même pas posé. Il essaya de reprendre le contrôle de lui-même et récapitula avec soin. Auparavant, il était un homme. Et maintenant… Il était une femme. Mais… Il avait bien dû se passer quelque chose, entre les deux ? Arnaud concentra toutes les ressources de sa crétinerie pour essayer de se remémorer. Il se souvenait de cette assistante, divinement belle et inquiétante, qu'il voulait renvoyer. Bien entendu, il devait d'abord exercer son droit de cuissage, au moins pour le principe. Il l'avait fait rester, un soir, sous un prétexte quelconque et avait commencé à la déshabiller, laissant libre-court à un peu de brutalité de bon aloi. Elle, elle s'était laissé faire, en souriant et en le regardant dans les yeux. Arnaud avait dégainé son braquemart, tendu par une érection triomphante et… Là, il y avait un trou dans les souvenirs d'Arnaud. Un grand vide, un vrai gouffre, dont il n'était sorti que pour se retrouver dans ce corps dégradant, au milieu de cet endroit absurde. Il se repassa la scène plusieurs fois, mais il ne trouva rien, aucune bribe de mémoire pour l'éclairer.
Soudainement, Arnaud interrompit sa réflexion… Il venait d'entendre un murmure. C’était un bruit très faible, qui provenait de très loin, mais Arnaud en était certain, maintenant : peu à peu, le bruit grandissait !



4

Arnaud, demoiselle en détresse

Cela faisait un cliquetis, comme un bruit d'engrenage mal ajusté et cela se rapprochait. Arnaud se leva, palpitant d'espoir. Des secours sans doute, le salut peut-être. Ou, au moins, quelqu'un pour briser cette affreuse solitude. Mais quand il vit la chose surgir au coin du couloir, la terreur le traversa de la tête aux pieds comme une décharge !
Est-ce que c'était végétal, animal ou juste un assemblage mécanique ? Arnaud n'en avait aucune idée et sa tête de femme était bien trop bête pour s'occuper de ce genre de problème. Cependant, Arnaud avait beau être idiote, il comprenait bien que cette monstruosité ne pouvait avoir rien de bon. C'était un dôme mouvant, une masse d'un bloc, haute comme une fois et demie sa taille. En guise de visage, il y avait trois énormes yeux encastrés au sommet. Trois plaques rectangulaires identiques, d'une blancheur lunaire ne laissant voir aucun reflet, grandes comme des écrans de télévision, vides comme des yeux d'araignée ! Sur l'ensemble de la chose, il n'y avait aucun membre qui émergeait. À part les yeux, elle était entièrement recouverte de longs poils ; une sorte de chevelure, dense, droite et noire, qui descendait jusqu'au sol. Et chaque fil de ce rideau frémissait d'un mouvement propre, comme une forêt de tentacules !
Et cela s'approchait d’Arnaud !
Il se mit à fuir, courant comme une folle. Ses cheveux rebondissaient sur ses épaules, ses fesses tremblaient et ses seins se secouaient comme des yoyos, mais Arnaud n'y prenait plus garde. Il était tout entier dans l'obsession absolue de s'éloigner le plus possible ! C'était la peur, primitive, submergeante, celle qui prend tout entier et anéantit n'importe quel autre sentiment !
Arnaud était presque arrivé au bout du couloir, et il commençait à s'imaginer qu'il allait réussir à s'échapper, quand une autre de ces horreurs jaillit devant sa vue. Pris en tenaille, Arnaud recula, repartit en avant, s'arrêta, essaya stupidement de grimper à la paroi qui était bien trop haute, et finalement poussa un hurlement dément en se jetant sur le côté pour essayer de contourner l'abomination qui l'acculait.
Les poils se lièrent autour de ses chevilles et ce fut fini. Arnaud tenta encore des gestes enragés, il tomba, lança ses mains pour se retenir, accrocha hargneusement le sol de ses doigts et de ses ongles ; mais il était tout de même traîné vers l'arrière ! Noyé par l'affolement impuissant d'une bête attrapée par le prédateur, il poussait de petits cris sauvages…




5

Ravage et remplissage

Les poils se répandirent sur Arnaud, couvrant sa peau de frottements visqueux. Ils s'assemblèrent en faisceaux pour former comme une multitude de bras et de mains de tailles diverses. Enserrant ses chairs tendres de femme, ils s’insinuèrent dans tous ses orifices. Les plus petits étaient sous ses paupières, d'autres s'enfonçaient dans ses narines, ou grattaient dans ses oreilles. Sa bouche en était remplie et, dans une sorte de fellation d'épouvante, ils descendaient dans sa gorge, grouillant jusqu'à son estomac. Arnaud suffoquait mais, de temps en temps, une bouffée d'air passait malgré tout, et son corps de femme gardait conscience. Arnaud sentit alors des poils s'enfiler par son anus. Ses belles fesses rebondies se contractèrent en rafale sous les spasmes de rejet, mais en vain. Quelque fils d'abord remontèrent ses intestins, puis de plus en plus les rejoignirent, élargissant impitoyablement son sphincter qui devenait un cerceau crispé par la douleur. Arnaud la fille s'attendait à mourir autour de ce pieu, littéralement pleine à craquer, écartelée par une lente explosion intérieure jusqu’à ce que son corps se déchire. Mais le tronc cessa d'enfler… Il continuait à bouger tout de même, cependant, les poils encore à l’extérieur ne vinrent plus l’amplifier. Ils en avaient maintenant après un autre objectif !
La chose qui s'acharnait sur Arnaud allait visiblement faire ça à la dure. Pas d'infiltration progressive ici, non, c'était le gros morceau, en un coup ! Un large faisceau compact frôla les lèvres de son entrecuisse puis les écrasa vigoureusement. Arnaud avait l'impression qu'on était en train de lui marcher sur la vulve ! Le gourdin appuyait pour forcer le passage et, très lentement, Arnaud senti son intimité se fendiller. Ses barrières de femme éclataient sous la puissance et il allait être pénétré comme une gonzesse ! Soudain Arnaud ressentit comme un « plop » intense et, d'un coup, toute la masse s'introduisit en pulvérisant son vagin ! Une douleur brutale, glacée et électrique bondit jusqu'à sa tête ; c'était comme recevoir un coup de poing directement par l’intérieur du crâne ! Arnaud n'avait même pas eu le temps de penser à hurler – de toute façon ses cordes vocales étaient hors d'atteinte – que le mouvement de va-et-vient s'engageait déjà.
C'était comme un pieu de clôture, un gros, en bois mal dégrossi, lui raclant le ventre par l'intérieur, en s’agitant à un rythme de piston de moteur. C'était comme une excavatrice creusant dans ses parois profondes. C'était la baise d'Arnaud la femelle qui voulait crever tellement ça faisait mal ; mais l'atrocité qui la tronchait s'en fichait, et ça continuait !
Et puis la bassesse se mêla à la douleur. Un plaisir nauséabond se mit à suinter de ses grandes lèvres. Des vibrations remontèrent de son clitoris, entortillé dans les poils les plus fins et tiré, tordu et frotté, interminablement. Farcie comme de la viande sexuelle, Arnaud vit naître en lui l'envie dégoûtante, l’envie sale et humiliante, l’envie suprême que ces choses ne s'arrêtent pas tout de suite ! L'homme dans le corps de la femme violée n'avait même plus assez de caractère pour s’empêcher d'en réclamer davantage ! La pourriture du plaisir l’envahissait partout, et ça rongeait, et il suppliait intérieurement comme une abjecte petite pouffiasse qu'on le branle et qu'on le bourre encore. Arnaud n'était plus qu'un sac de salope à remplir et il s’écœurait lui-même ! C'était la déchéance ultime qui coulait dans tous les replis de son esprit comme une bave : non seulement il était une femme, mais en plus il était ce genre de pute !
Une voix immense claqua alors :
– Non, ça ne va pas, il faut revoir tout ça !




6

Projet Aïko

La voix résonna longuement dans l'étendue obscure qui recouvrait ce lieu étrange. Les tentacules se retirèrent d'Arnaud et la laissèrent tomber à terre, comme un paquet sans importance. Arnaud sentait ses trous dilatés de femme ouverts sur le vide. Souillé dans tous ses intérieurs, il était honteuse comme une pucelle déshonorée.
– Sa fuite est amusante, continua la voix gigantesque qui provenait de tout l'espace à la fois, ça devient même hilarant quand elle gigote une fois attrapée. Mais ensuite, c'est d'un ennui ! Les pénicules la recouvrent et elle est incapable de faire un geste. Franchement, si on ne peut rien voir, ce n'est pas drôle. Il faut la laisser se débattre un peu… Modifiez les réglages en fonction, je vous prie !
Arnaud leva la tête, repoussa sa tignasse et regarda par-dessus son épaule. Le visage de son assistante se tenait dans les trois yeux plats de la chose couverte de poils qui le surplombait. La triple image tourna la tête dans sa direction.
– Arnaud ! dit la voix qui tonnait au-dessus de lui, tandis que les lèvres de son assistante formaient les mots sur les images. Arnaud tu peux m'entendre ? 
Arnaud se concentrait sur les yeux-écrans, et essayait de ne pas voir autour les longs poils qui frissonnaient encore. Il hocha sa tête de femme.
– Alors, qu'est-ce que tu penses de ta nouvelle situation ? L'assistante eut un petit rire. Non, tu vois, je dis ça comme ça, mais en fait, je m'en fiche de ce que tu en penses ! Je te parle seulement parce que ton intellect est trop fragile pour affronter ce qui t'arrive. Si on ne te donne pas un minimum d'explications, tu vas tomber fou ! 
Avec un air réjoui, elle frappait en disant cela son index contre sa tempe.
– Je travaille pour le projet ''Aïko''. J'ai été infiltrée chez vous pour répertorier vos mœurs et prélever un spécimen à étudier. Le chef de projet a décidé que ce serait toi. Tu comprends, tu semblais tellement imbu de ton importance que toute l'équipe te trouvait amusant, et il faut savoir mettre un peu de fantaisie dans le travail.
– Alors… Vous… Vous allez m'étudier comme… comme un rat de laboratoire ?
– Silence, imbécile ! cria l'assistante, donnant à Arnaud l'impression d'être plongé dans le craquement d'un orage ! Tu as déjà été étudié, crétin. Nous t'avons ouvert et observé de toutes les manières possibles. Nous avons prélevé, testé, détruit, reconstruit, réarrangé tout ce qui nous intéressait, autant de fois qu'il a fallu. Comment crois-tu que ton corps est devenu ainsi, pauvre sotte ? Tu vois, au bout d’un moment, à force de tout mélanger, on ne sait plus trop retrouver le modèle d’origine, alors on improvise pour les expériences suivantes et ça donne, ben… Ça donne ton corps actuel ! Je sais bien que nous ne t'avons pas laissé beaucoup de matière grise, mais tout de même, même toi tu peux comprendre ça. Alors essaye un peu de suivre, s'il te plaît ! 
L'assistante lâcha un petit soupir méprisant avant de reprendre :
– Normalement, après les expériences, tu aurais dû être jeté à la poubelle avec tout ce qui ne sert plus. Mais le chef avait trouvé tes manières de supplier si comiques qu'il a décidé d'exploiter ton potentiel. Bien sûr, tout ça, tu l'as oublié… Je crois que c'est une partie de toi qu'on a retiré pendant ta huitième vivisection. Ou la neuvième peut-être, je ne sais plus… Quoi qu'il en soit, nous t'avons finalement mis dans ce labyrinthe évolutif. Son plan change en permanence. Dès que tu quittes un endroit, les murs bougent. Bien entendu, il n'y a aucune issue. Il y a cinq Sinèps péniculaires enfermés avec toi. Pour commencer, nous avons choisi des Sinèps parce qu'ils sont mignons. Mais si ça n'a pas le succès escompté, nous introduirons des traqueurs moins sympathiques.
Arnaud avait l'estomac au bord des lèvres rien qu'à l'idée de tomber nez à nez avec une chose moins sympathique que les horreurs mignonnes qui venaient de le massacrer !
– C'est si simple que même toi tu vas comprendre ! poursuivit l'assistante, Tu dois fuir ! De leur côté, les Sinèps veulent t'attraper. Ils sont un peu moins rapides que toi, mais ils sont plus nombreux. S'ils te rejoignent, ils te font des choses follement désagréables – tu as vu lesquelles ! Et puis ils te laissent t'en aller, et ensuite ils recommencent à te pourchasser. C'est comme une partie de chasse qui ne se termine jamais. Toi, bien sûr, tu es le petit gibier.
Arnaud se redressa, ignorant la douleur, les tiraillements de ses membres et les impressions d’ouverture nauséeuses venues de ses fondements. C’en était trop pour lui et Arnaud était si bête qu'il avait décidé de ne plus avoir peur. Il planta sa ridicule anatomie de fille devant le visage de son assistante, qui le regardait depuis les trois yeux du Sinèp.
– C'est injuste et c'est… C'est illégal ! Oui ! C'est… C'est contraire à tous les…
Arnaud espérait broyer cette péronnelle avec un discours plein de dignité et de mots d'intellectuels ! Son assistante le laissa faire en souriant.
– Je ne suis pas la mouche qu'on… qu'on arrache ses ailes pour rire ! Je…
Il cherchait ses idées avec une rage totale, mais son cerveau d'abrutie ne lui renvoyait qu'un grand vide. Il n'était qu'une pauvre idiote et il le sentait bien. Mais qu’importe, à ce moment, sa haine était plus forte que sa honte.
– Pour vous… c'est facile ! Je souffre et ça vous amuse, c'est ça ? Y a des caméras partout peut-être ? Pour pas perdre les détails ! C'est un spectacle ? Une émission de télé-réalité débile ? C'est ça ?
L'assistante ne se mit pas en colère. Elle se contenta de garder le même sourire tranquille, ce qui ratatina le courage d'Arnaud.
– C'est pourtant vrai que tu es drôle ! Mais assez plaisanté, lève la tête, Arnaud, et, pour une fois, sois attentif s’il te plait…
Arnaud vit, dans l'immensité noire qui le dominait, une sorte de montgolfière s’avancer. Elle était couverte de dégradé de roses et de sombre, et décorée comme un visage. Des rideaux se balançaient sur ses flancs. Soudain les lèvres de la montgolfière s'ouvrirent et la voix de tonnerre lâcha par-dessus le ciel :
– … parce que, décidément, tu n'as toujours rien compris !




7

En libre-service

Les yeux écarquillés d'Arnaud ne parvenaient pas à se détourner ! Sa petite bouche restait béante et il faisait des efforts inutiles pour refermer sa mâchoire inférieure. Sa pauvre intelligence refluait devant l'évidence : ce n'était pas un ballon, mais un vrai visage ! Les rideaux étaient de vrais cheveux !
L'assistante lui fit un sourire large comme une autoroute et elle reprit :
– Nous sommes ici dans… appelons ça un musée, pour utiliser un mot que tu connais. Un musée de la découverte où se trouvent rassemblées des expositions éducatives. Les gens aiment venir ici pour apprendre. Je sais que dans ton petit crâne stupide, tu es en train de te dire que tu as été placée dans une de ces expositions. Tu crois que tu vas passer ta vie derrière une vitrine, pour que les visiteurs s'instruisent…
« Mais tu te fais des illusions Arnaud, tu ne vaux même pas ça ! Tu n'es qu'une attraction sans importance, une pièce rigolote enfermée dans un petit jeu anodin, installé tout de suite à gauche après l'entrée… Tu es là pour faire patienter les gens avant la visite ! Ils pourront jouer à te jeter dans les pénicules des Sinèps et, après leur petite partie, ils t'oublieront, parce qu'il y a des millions de choses plus passionnantes à découvrir ici ! Inutile que je t'explique de quelle manière les joueurs contrôlent les Sinèps, comment ils peuvent t’observer ni comment fonctionne la boîte qui contient le labyrinthe, ces mécanismes sont bien trop puissants pour une fille comme toi.
« Mais tu peux tout de même comprendre qu’il faut te résigner, Arnaud. Cette boite, c’est ce qui peut t’arriver de mieux. Tu es dans mon monde ici, et ne va pas te donner de faux espoirs en imaginant que ce que tu as devant les yeux est provoqué par un effet d'optique ou un truquage : tu as réellement la taille d'un insecte, désormais ! Ton corps est à l'image de ton intelligence, Arnaud, il est minuscule… Et d’ailleurs, même si tu avais gardé ta taille d’origine, tout ici serait mortel pour toi ! Par exemple, j’ai mis mon déguisement d’humaine pour ne pas te choquer, mais tu pourrais perdre la raison rien qu’en regardant ma véritable apparence. Ici, rien ne fonctionne comme dans ton monde et cet univers est définitivement trop grand pour une avortonne terrorisée dans ton genre…
« Alors fait ton travail sans te plaindre, désormais. Tu es là pour être une bouffonne. Tu passeras ta vie nue, tu dormiras par terre, les nutribots te donneront ta nourriture par terre, tu feras tes besoins par terre, et n'importe qui pourra voir ça quand bon lui semblera. Tu devras rester perpétuellement sur le qui-vive, parce que tu ne sauras jamais quand un joueur commence une partie en lâchant les Sinèps sur toi, et il n'y aura rien non plus pour t'indiquer qu'il renonce, si jamais tu parviens à échapper à la chasse assez longtemps pour le lasser. Tu n’es qu’un jouet, Arnaud, c’est comme ça, alors au moins, tâche d’être un jouet amusant.
L'assistante retira lentement son visage. Elle rabattit une vitre gigantesque et, à nouveau, plus aucun son de l’extérieur n'arriva dans le labyrinthe. Arnaud s'éloigna précipitamment des Sinèps, commençant sa course sans fin…
Arnaud avait-il franchi l'espace entre les mondes ? Avait-il été projeté vers le futur, ou dans une autre dimension ? Il ne le savait pas. Il se posait rarement la question d'ailleurs, il avait autre chose à faire. Les joueurs se succédaient et tout le monde pouvait tourmenter Arnaud, le jouet en libre-service. Lui, il en était réduit à espérer que sa souffrance soit une bonne distraction pour ces gens ! Car, dans sa tête, revenait en permanence la menace de son assistante : « si ça n'a pas le succès escompté, nous introduirons des traqueurs moins sympathiques »…




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