Trouver Lisa

 

Les trois hommes se réveillèrent à peu près en même temps, vers la fin de l’après-midi. Les lendemains d’ivresse étaient de plus en plus pesants, maintenant qu’ils approchaient de la quarantaine… La veille, la dernière petite amie de Yannick l’avait quitté pour un autre. Il ne s’y attendait pas du tout et l’avait très mal pris. Ses deux amis, Mika et Robin, étaient venus le soutenir, puis l’avaient emmené faire la fête pour oublier, et la fête s’était terminée vers l’aube. Mika et Robin étaient célibataires eux aussi. Robin était divorcé et avait un fils qu’il ne voyait pratiquement jamais, tandis que Mika ne s’était jamais vraiment mis en couple, se contentant d’aventures passagères.

La salope ! Comment elle a pu me faire ça !

Pense à autre chose Yannick et surtout pense-y en faisant moins de bruit, j’ai la gueule de bois… Tu n’aurais pas de l’aspirine ?

Reprends un verre d’alcool, Robin, dans ces cas-là c’est souverain : il faut soigner le mal par le mal. Hey, nous sommes le 31 décembre, quelqu’un a pensé à ses bonnes résolutions du nouvel an ?

Va au diable, Mika ! Je sais où elle va fêter le réveillon ce soir. C’est une fête très privée et elle avait eu du mal à avoir des entrées. Elle y sera avec son nouveau copain.

Mais toi, tu n’y seras pas ! Alors oublis !

C’est ce que tu crois. Je connais l’endroit et je sais comment baiser la sécurité. Elle me doit une explication, cette garce !

Oh putain, le voilà reparti. Laisse tomber l’aspirine, Mika, il faut l’accompagner pour lui éviter de faire des bêtises.

Je vais tuer Yannick. Mon Dieu, je jure que je vais le tuer ! Oh, j’ai trouvé : à partir du premier janvier, je prend la bonne résolution de ne plus avoir d’amis !


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Au milieu de la fête qui commençait à peine, les trois hommes naviguèrent vers une table libre. L’endroit se remplissait vite d’homme en habits de soirée et de femmes en robe aussi déshabillées que coûteuses.

La sécurité est déplorable, on devrait se plaindre aux organisateurs.

Si on m’avait dit qu’il suffisait de passer par la porte de derrière pour entrer dans une fête privée…

Yannick ne disait rien, il scrutait les visages pour retrouver son ancienne petite amie. Soudain, il s’immobilisa et son expression changea. Pour la première fois depuis la veille, la colère disparut de son visage.

Eh, les mecs, visez par là !

Les trois filles s’étaient placées près du bar. Elles étaient jeunes et on sentait qu’elles n’avaient pas l’habitude de ce genre d’endroit.

Putain, les morceaux ! Elles ont l’âge d’être ici ?

Mais oui, elles ont vingt, vingt-cinq ans. Elles font plus immatures parce qu’elles sont moins maquillées que les autres.

Regardez, elles ont l’air de se demander ce qu’elles font là. Aucun mec n’est avec elles. Je vous parie qu’elles sont célibataires ! Faites comme vous voulez, mais moi, je passe à l’attaque !

Robin et Mika se regardèrent. Dès qu’une occasion se présentait, Yannick oubliait tout. Instantanément ! Ce n’était finalement pas si étonnant que sa petite amie se soit lassée.


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C’est toujours délicat de trouver une entrée en matière, surtout si les filles sont en bande. Mais Yannick n’eut pas besoin de déployer son art de la séduction. À l’instant où il arrivait près des jeunes femmes, un serveur fut bousculé et trébucha, et son plateau avec tout son contenu s’envola en direction des demoiselles ! Au dernier moment, Yannick parvint à le rattraper. C’était le genre d’exploit qu’on ne réussit qu’une fois dans sa vie, mais Yannick n’en montra rien, il se redressa lentement et posa le plateau sur le bar avec le plus grand calme, comme s’il faisait ça tous les jours. Les filles le fixaient avec des yeux ébahis !

Ça aurait été dommage de vous gâcher la soirée et d’abîmer vos jolies robes…

Profitant du mutisme persistant des filles, il se tourna vers le barman.

Donnez-nous six Bubble Bath Martini.

Robin et Mika, qui approchaient à leur tour, se dirent que c’était encore un de ces cocktails improbables que Yannick parvenait toujours à dénicher dans n’importe quelle carte, histoire d’impressionner.

Vous allez voir, c’est amusant, c’est…

Des Bubble Bath Martini ?, s’exclamèrent les trois filles d’une seule voix.

Oui, c’est avec de la mousse qui…

Euh, désolé, nous devons aller nous rafraîchir !

Baissant les yeux, les donzelles se glissèrent entre les trois hommes qui les entouraient maintenant et elles filèrent en direction des toilettes.

Elles ne reviendront pas, dit Mika. Pour la nouvelle année, je prends la bonne résolution de ne plus jamais laisser un amateur se charger d’un coup pareil ! Putain, elles étaient bonnes…

Elles reviendront, crois-moi. Je sais comment m’y prendre avec ce genre de filles. Et mon petit doigt me dit même que nous allons nous les faire ce soir. La rousse a un cul exceptionnel, vous avez vu ?


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Les trois beautés étaient revenues. Au début, elles n’étaient guère plus détendues qu’avant de s’éclipser. Mais après quelques verres elles avaient commencé à être plus réceptives et, maintenant, elles riaient facilement aux plaisanteries des trois amis. Ils étaient même parvenus à poser une main sur leurs tailles sans qu’elles ne réagissent. Yannick avait pris la rousse, Robin la brune et Mika la troisième, celle qui avait des cheveux châtains clairs.

Il était encore bien loin de minuit, mais Yannick, qui ne pensait plus du tout à son ex, estimait que les filles étaient mûres pour la conclusion. Il s’apprêtait à chuchoter des choses à l’oreille de sa cavalière quand une voix éclata dans son dos.

Qu’est-ce que vous foutez là ? Cela fait trois quarts d’heure que je vous attends à l’autre bout de la salle avec nos commanditaires !

C’était un homme d’âge moyen, plutôt gras, plutôt en sueur, mais surtout très en colère. Heureusement, la musique était maintenant très forte et elle couvrait ses cris.

Non seulement vous n’êtes pas foutues de ramener vos culs à l’heure, mais en plus vous vous laissez mettre le grappin dessus par ces abrutis ! Mais vous êtes connes ou quoi ?

Robin se tourna vers l’inconnu et s’approcha de lui, très près.

Qu’est-ce que tu veux, grand con ? Ces putes t’intéressent ? Garde-les, je les vire !

Une large gifle envoya l’homme le cul par terre et il regarda Robin avec de grands yeux, comme s’il découvrait que ce genre de choses pouvait lui arriver à lui aussi. Puis il se reprit, se remit debout en grommelant et battit prudemment en retraite devant les trois hommes qui se dressaient maintenant entre lui et les jeunes femmes.


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Le salon à l’étage était complètement désert et il était suffisamment vaste pour que chacun des couples ait une forme d’intimité. Mika et la fille aux cheveux clairs étaient sur un des canapés, Robin et la brune étaient dans un des fauteuils disposés devant la baie vitrée, tandis que Yannick avait couché la rousse sur le billard.

Les hommes embrassaient le creux des cous, mordillaient les oreilles, passaient sur les joues déjà roses de température, puis prenaient les lèvres rouges et entrouvertes. Rapidement, les langues s’en mêlèrent. Les filles se laissent faire, plutôt maladroites. Leurs doigts s’accrochaient aux épaules masculines et elles gardaient les yeux ouverts. Mais leur souffle devenait plus saccadé. Les mains des hommes serrèrent leur taille un peu plus, puis remontèrent jusqu’à leurs seins. Ils les pétrirent longuement, les dénudant, libérant les tétons durcis qu’ils engloutirent au fond de leurs bouches, ce qui arracha le premier soupir de plaisir aux demoiselles.

Une fois les filles torse-nu, les hommes firent glisser les culottes le long de leurs cuisses, provoquant un rapide mouvement de raidissement chez les dames. Mais les doigts masculins s’enfouirent dans les replis entre les jambes, et se mirent à glisser le long des lèvres, remontant jusqu’au bouton qui s’ouvrait. Alors les chairs féminines commencèrent à se relâcher. Se déshabillant tout en continuant d’embrasser, les hommes firent sortir leurs sexes déjà durs. Pendant quelques secondes, les filles fixèrent les membres qui s’approchaient d’elles.

Puis il y eut la pénétration, lente et inexorable. Cette fois, les filles eurent le souffle vraiment coupé. Leurs bouches étaient ouvertes, mais aucun son n’en sortait. Leurs yeux s’agrandissaient, leurs sourcils se fronçaient, exprimant un mélange de surprise et de douleur, ou de plaisir, on ne pouvait pas vraiment savoir. Leurs pupilles se dilatèrent lentement tandis qu’un léger tremblement nerveux traversait leurs cuisses. Une fois à l’intérieur, les hommes prirent quelques secondes pour savourer la douceur, puis le mouvement de va-et-vient s’enclencha. Ils reculèrent et s’enfoncèrent à nouveau, arrachant un gémissement des bouches toujours ouvertes. Les ongles des filles commençaient à entrer dans leur peau. Un nouveau mouvement et cette fois le souffle glissa dans un léger cri étouffé, presque un feulement. Puis un mouvement encore, et un autre, et encore. Le rythme s’accélérait et les petits cris déchirés se faisaient plus longs et plus forts, venant à chaque fois d’un peu plus profond dans les gorges.

Les filles tremblaient, s’accrochaient, leurs yeux étaient papillotants et leurs langues se retroussaient pour caresser leurs lèvres. La rousse mordit dans l’épaule de Yannick, serrant contre elle le corps de l’homme de toutes ses forces. Du côté de Mika, la fille se laissa manipuler quelques minutes, puis elle poussa un cri presque sauvage et repoussa l’homme. Basculant sur le dos, Mika vit la donzelle échevelée se jeter sur lui, l’enfourcher et serrer le sexe en elle de toute la force de ses cuisses, avant de le faire glisser à l’intérieur de son bassin. Elle s’enfonça et remonta, sautillant finalement de plus en plus vite le long de la hampe, ses seins lourds giflant le visage de Mika couché sous elle. Robin, quant à lui, avait d’abord labouré la brune en la couchant sur le dos, avant de la retourner, soulevant son bassin d’une poigne ferme, attrapant ses hanches pour la faire rebondir devant lui au rythme de son plaisir. Le visage de la brune était parcouru par ses cheveux secoués, ses seins pendant sous elle tapaient l’un contre l’autre, tandis qu’elle cambrait les reins pour tendre encore mieux sa découpure solidement occupée par le sexe masculin.

La musique cessa, à l’étage d’en dessous, et les voix de la foule commencèrent le décompte. En même temps, tous ensemble, les trois hommes commencèrent à jouir, libérant leur semence dans les ventres féminins.

« … Trois… Deux… Un… Bonne annéééééée ! ».


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Robin, Mika et Yannick furent réveillés par une sonnerie de téléphone. La sonnerie cessa. Une seconde sonnerie retentit quelques secondes plus tard, s’éternisa puis cessa à son tour. À la troisième sonnerie, Mika parvint à attraper le téléphone. « J’ai trouvé ma bonne résolution : je vais passer cette merde sous un rouleau compresseur, puis enterrer les débris, comme ça je pourrai dormir tranquille ».

Allô ?

Alors mes beautés, vous êtes prêtes ? N’oubliez pas que ce soir, c’est le grand soir pour vous ! Il faut que vous soyez au top, votre carrière va décoller !

La voix cessa, remplacée par la tonalité du téléphone. « Putain ! Et en plus, c’était un faux numéro ! ». Ouvrant finalement un œil, Mika vit passer devant lui la fille avec qui il avait couché la veille.

Salut poupée, tu as bien dormi ?

La fille ne répondit rien. Elle était toute nue et ses chairs semblaient plus molles qu’hier, tandis que ses gros seins avaient l’air de pendre un peu plus à cause de sa posture légèrement courbée. Une fille est toujours un peu moins jolie au matin. Elle se tenait la tête et grognait : « Putain de gueule de bois de merde ! Il faut que je pisse ! ».

Une fois la porte de la salle de bain refermée, quelques secondes s’écoulèrent en silence, puis un hurlement féminin explosa à travers tout l’appartement. Mika se mit instantanément debout ! Et il sentit deux masses s’entrechoquer sur sa poitrine. Il baissa les yeux sur deux superbes seins qui finissaient de rebondir doucement l’un contre l’autre. Il enfonça ses doigts dedans, à pleine main, à pleine paume et sa peau lui envoya des perceptions de pincements. Il tira sur les chairs qui s’étendirent devant lui comme deux larges gants de toilette remplis d’eau. Il s’apprêtait à hurler à son tour, mais son cri resta au fond de sa gorge, car la rousse d’hier passa devant lui, courant à travers l’appartement, ses mains sur son entre-jambes, hurlant elle aussi comme si elle avait pris feu.

Mais bordel, pourquoi vous criez toutes les deux ?

La rousse trépigna sur place.

Je suis une gonzesse ! Je suis une gonzesse !

La fille dans la salle de bain sortit à ce moment-là.

Ma bite, rendez-moi ma bite !


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Robin, Yannick et Mika s’étaient un peu calmés. Toujours nus, ils s’étaient assis autour de la table et essayaient de comprendre la situation. Ils se rendaient lentement à l’évidence : ils étaient enfermés dans le corps des trois filles qu’ils avaient rencontrées la veille.

Regardez, j’ai trouvé leurs papiers. Moi, j’ai 22 ans et vous deux 21.

Putain, qu’est-ce qu’elles sont jeunes !

Putain, qu’est-ce qu’elles ont de gros seins !

Yannick empoigna sa poitrine, puis soupesa un sein chez chacun de ses amis.

C’est dingue comme ces trucs sont érotiques… Dire qu’on a toute la panoplie sous la main pour jouer tant qu’on en a envie.

Bon, moi, je vais m’habiller, j’en ai assez de sentir ma chatte s’écraser contre la chaise quand je m’assois.

Robin se leva et alla directement dans la chambre, sortant de l’armoire des sous-vêtements et une petite robe qu’il enfila rapidement.

Comment tu as fait ça, Robin ?, demanda Yannick soudain intrigué. Tu savais où se trouvaient les vêtements, tu savais même comment enfiler un putain de soutien-gorge ! Je veux dire : regardez autour de vous, ce n’est pas l’appartement de l’un d’entre nous ! Pourtant, c’est comme si nos corps connaissaient cet endroit, comme s’ils avaient certains réflexes…

Mika intervint :

De mon côté, j’ai des flashes, comme des sortes de souvenirs en très flou. Des images qui ne m’appartiennent pas en quelque sorte. Je suis certain que ça vient de ce corps. Par exemple, je sais que ce soir nous devons aller quelque part et que c’est important. Ce n’est pas seulement parce que ce type a appelé : je le sais en moi-même. Ça vous fait la même chose ?

Robin et Yannick acquiescèrent.

C’est glauque ! Putain, c’est glauque ! Bonne résolution : ne jamais se réveiller dans le corps de la fille qu’on a niqué la veille.

C’est encore plus étrange que ça…

Mika et Yannick se tournèrent vers Robin, qui revenait de la chambre en ajustant ses cheveux.

En fait, Yannick s’est retrouvé dans le corps de la rousse, mais toi et moi, nous avons permuté, Mika. C’est toi qui a eu le corps de la brune.

Merde ! C’est glauque, c’est glauque…


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La même putain de salle de réception ! Nous devions nous rendre dans la même putain de salle de réception qu’hier !

Les trois amis s’étaient préparés, essayant de ne pas penser à leurs gestes féminins qui savaient comment habiller leurs corps. Ils restaient malgré tout assez maladroits, comme des débutantes en quelque sorte. Ils avaient choisi leurs vêtements un peu au hasard, surtout qu’ils ne savaient pas vraiment à quel genre de rendez-vous ils devaient se rendre. Ils étaient montés dans la voiture de Robin, enfin la voiture de la fille dont le corps était occupé par Robin. Et ils avaient roulé, se fiant à des souvenirs qui n’étaient pas à eux pour trouver la route. Une fois entrés, ils s’étaient mis près du bar et regardaient la salle se remplir à nouveau pour une fête.

C’est peut-être une chance au contraire. C’est là que tout est parti en vrille, après tout, et c’est peut-être là que se trouve la solution !

Un serveur passa à côté de Yannick et ils entendirent un juron quand il trébucha dans leur direction. Ils virent le plateau foncer vers eux, mais une main surgie de nulle part le rattrapa au vol et un grand type approchant de la quarantaine le déposa lentement sur le bar, prenant l’air tranquille de celui pour qui ce genre de geste est habituel. Les trois amis se figèrent, leurs cerveaux se gelant d’un coup net, pour ne redémarrer brusquement qu’au moment où l’homme passa la commande.

Des Bubble Bath Martini ?, s’exclamèrent les trois filles d’une seule voix.


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Réfugiées dans les toilettes pour femmes, Yannick, Mika et Robin faisaient de l’hyperventilation.

C’est un putain de voyage dans le passé ! Regardez la date sur mon téléphone ! Nous sommes le 31 décembre, à nouveau !

Ça veut dire que là-bas… C’est nous ? Et ils veulent…

Il n’en est pas question ! Je ne vais tout de même pas baiser avec moi-même, la masturbation a des limites.

Attends, mais on n’a pas le choix, on ne peut pas changer le passé. On risquerait de disparaître ! C’est le paradoxe du grand-père, j’ai lu ça dans une histoire de SF et…

Vraiment, Mika ? Tu crois que le moment est bien choisi pour parler littérature ? Ou peut-être que tu veux discuter cinéma ? Ton préféré, c’est « Un jour sans fin » ou « Retour vers le futur », dis-moi ?

N’empêche que Mika a raison, il faut être prudent.

Mais merde, Yannick, qu’est-ce qu’on en sait ? Après tout, les filles sont peut-être en ce moment même dans nos corps, en train de se foutre de nous.

Écoutez, voilà ce que je propose : ce soir, nous agissons comme hier, enfin comme les filles d’hier. Ok ? On observe, on regarde, on note le moindre détail, tout ce qui peut nous être utile… Une fois minuit passé, nous verrons mieux quoi faire.

Sauf si, à minuit, nous nous réveillons encore dans la même foutue journée !

Oui, mais peut-être qu’au contraire, à minuit, nous retrouvons nos vies d’hommes !

On avisera. D’ici là, on ne peut pas prendre de risques. En attendant, Robin, tu iras avec Mika, enfin sa version masculine, et Mika ira avec ta version homme. Comme ça, tu es satisfait ?

Satisfait ? Vivement l’année prochaine, oui !


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C’était peut-être l’alcool, ou peut-être que c’était la logique naturelle de leurs chairs, mais après quelques verres, Mika, Robin et Yannick commencèrent à sentir en eux des fièvres légères, des envies peut-être, comme une forme de mollesse traversée d’attentes. C’était à la fois vif et plutôt agréable, comme s’ils se laissaient envahir par la jeunesse de leurs corps. Sans y prendre garde, ils se mirent à sourire comme des filles qui se font courtiser, lançant des œillades à leurs cavaliers et minaudant. Quand les hommes posèrent une main sur leur taille, un petit frisson de plaisir remonta le long de leur échine.

Qu’est-ce que vous foutez là ? Cela fait trois quarts d’heure que je vous attends à l’autre bout de la salle avec nos commanditaires !

C’était le gros homme de la veille, celui avec lequel elles avaient rendez-vous. En fait, c’était un producteur de films de série B et Yannick, Robin et Mika se souvinrent qu’elles étaient des actrices débutantes qui devaient jouer dans son prochain long-métrage. L’homme était aussi désagréable qu’hier, mais désormais il leur semblait plus grand et plus menaçant, sans doute parce qu’eux-mêmes avaient perdu une bonne tête en devenant des femmes et qu’ils sentaient qu’ils n’étaient plus vraiment faits pour la bagarre.

Lorsque la version masculine de Robin le gifla, les trois filles surent que leur carrière venait de prendre fin.


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Le salon à l’étage était complètement désert et il était suffisamment vaste pour que chacun des couples ait une forme d’intimité. Robin aux cheveux clairs était sur un des canapés avec Mika, Mika la brune était avec Robin dans un des fauteuils disposés devant la baie vitrée, tandis que Yannick avait été couché par lui-même sur le billard.

Les trois amis se sentaient terriblement gênés et n’osaient pas faire un geste. Heureusement, leurs versions masculines avaient assez d’expérience pour deux.

Ils s’attendaient a être écœurés, au moment où les lèvres des hommes se posèrent sur leur peau. Mais leur chair féminine était clairement hétérosexuelle et ils ressentirent plutôt une forme de curiosité. Tandis que les bouches glissaient le long de leur cou, ils se dirent même que ce n’était pas si désagréable. Ils gardaient les yeux ouverts et ils restaient raides, mais une certaine chaleur commençait à monter à leurs joues. Étrangement, ils n’étaient pas vraiment concentrés sur l’endroit dont s’occupaient les garçons. Ils sentaient au contraire toutes les parties de leur corps, comme un grand puzzle où chaque endroit s’était mis à attendre de recevoir l’attention qu’il méritait. Lorsque les mains passèrent sur leurs seins, une forme de soulagement les traversa. En fait, ils espéraient impatiemment ce geste, même s’ils l’ignoraient. Le contact des doigts s’enfonçant dans leurs chairs était délicieux. C’était une sorte de caresse intérieure, comme un massage qui ouvrait tout leur torse, et même un peu plus bas. Ils sentaient leur sexe commencer à s’amollir, devenant plus humide et plus chaud.

Lorsque les mains masculines firent descendre leur culotte, ils connurent à nouveau un bref moment de panique. Mais les hommes ne s’arrêtaient pas et bientôt les doigts se mirent à glisser le long de leurs vagins, s’insinuant entre les lèvres, leur faisant découvrir des recoins de leur propre corps qui leur firent serrer les dents de plaisir. En relevant la tête, ils virent que les sexes masculins étaient déjà dégainés et qu’ils s’approchaient d’eux. C’était le moment ! Ils ne pouvaient plus rien y faire…

Les cylindres s’enfoncèrent lentement. Au début, ils sentirent une résistance en eux. Ce n’était pas vraiment une douleur, plutôt l’impression que l’on a lorsque l’on froisse entre ses doigts une fleur pas encore ouverte, aux pétales serrés. Sauf que la fleur était dans leur corps et que c’est leur corps qui était froissé. Peu à peu, alors que la chair des hommes avançait, ils sentirent s’installer une grande tension en eux. Tout leur corps se crispa sous l’effet d’une décharge qui les avait traversés. Tout leur corps, à part leur vagin qui se laissait peu à peu pénétrer. Une fois à l’intérieur, les hommes s’arrêtèrent quelques secondes. Ils avaient le regard tranquille des mâles qui ont déjà atteint leur but. De leur côté, les trois amis restaient tendus. Ils se sentaient incroyablement bien et en même temps incroyablement frustrés. Leur chair voulait que tout s’accélère, en même temps qu’elle voulait que tout s’arrête. Le premier mouvement de va-et-vient fut comme un déchirement ! Le plaisir suivait le chemin du lent glissement des sexes d’hommes. Il montait le long du ventre et des hanches, roulait dans les seins comme une boule de feu, avant de crépiter le long du cou jusqu’à la nuque. Ils entendirent un petit cri sortir de leur gorge. Sans s’en rendre compte, ils commencèrent à entrer leurs ongles dans les épaules masculines. Le second mouvement entra jusqu’au fond et ils sentirent qu’ils ne pourraient bientôt plus contrôler leurs gémissements. Avec le rythme qui s’accélérait, ils entendirent sortir de leur gorge des cris de femme en train de jouir. C’était le genre de cris qui les ravissaient lorsqu’ils étaient des hommes, ça leur donnait l’impression d’être de vrais mâles. Mais à présent, c’était de leur propre bouche que ces cris sortaient, et ils savaient que ça faisait d’eux de vraies femmes. Des femmes dans la chaleur de l’étreinte…

Yannick mordit dans l’épaule, il serra le corps d’homme contre lui. Ses seins s’écrasaient contre le torse aux chairs dures, en deux flaques qui tremblaient en rythme sous la brusquerie des coups. Il serrait jusqu’à s’en faire mal aux bras, comme s’il voulait fusionner son corps féminin avec la large carrure d’homme complètement couchée sur lui. À cet instant, il n’espérait même pas retrouver son identité masculine, il voulait seulement faire entrer le plaisir encore plus profondément en lui.

Robin repoussa violemment le mâle. Il n’en pouvait plus de subir et se sentait prêt à griffer de frustration. Il s’enfonça et imposa enfin son rythme. Il avait besoin que ça aille vite, il voulait se sentir rebondir, pour à nouveau s’enfoncer, déclenchant à chaque fois en lui un bref orgasme violent comme une gifle. Il sentait avec délice ses seins frapper le visage de son partenaire, et ça lui envoyait d’incroyables démangeaisons de plaisir.

Mika se laissait faire. Il n’était plus capable d’une pensée ou d’un geste, il n’était qu’un chiffon de jouissance étalé sous un homme. Lorsque les mains masculines le retournèrent pour le prendre par-derrière, il ressentit un bref moment d’humiliation. Il tourna la tête vers le mâle, mais celui-ci avait déjà repris son va-et-vient, plus rapide encore qu’avant. L’expression furieuse de Mika se crispa et fondit sous une vague de plaisir. Il sentait ses fesses frapper contre le bassin chaque fois qu’il était tiré en arrière, ses seins rebondir en claquant chaque fois qu’il était envoyé en avant, et puis il y avait la prise bien ferme des mains qui maintenaient ses hanches…


La musique cessa, à l’étage d’en dessous, et les voix de la foule commencèrent le décompte. Tous ensemble, les trois mâles libérèrent leur semence dans les ventres féminins.

« … Trois… Deux… Un… Bonne annéééééée ! ».


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D’un coup, les trois filles se retrouvèrent seules. Les hommes n’étaient plus là, ils avaient juste disparus ! Se sentant un peu bête, Mika réalisa qu’il était à quatre pattes sur le tapis. Robin s’agita encore une ou deux fois avant de s’apercevoir qu’il ne chevauchait plus rien, tandis que Yannick resta couché sur le billard, ses bras serrant le vide.

Bordel ! Alors c’est ça, se faire baiser ?, lâcha Mika, encore essoufflé.

Quelle heure est-il ? Quel jour on est ?

Robin retrouva son téléphone.

Minuit et quatre minutes, le premier janvier. Nous sommes demain, les mecs !

Oui, mais nous sommes encore des gonzesses.

J’ai essayé de m’appeler, c’est-à-dire d’appeler ma version masculine. Rien ! Ça dit que le numéro n’est pas attribué.

Alors… On a juste disparu ?, demanda Mika d’une voix perdue. C’est tout ? On va rester comme ça maintenant ?

Putain, je l’avais bien dit qu’il ne fallait pas attendre sans rien faire !

Mais… Pourquoi ? Pourquoi nous, pourquoi comme ça ? Tout ça doit bien avoir un sens !

Qu’est-ce que j’en sais ? Nous avons glissé dans une faille temporelle ? Un magicien vaudou à l’autre bout du monde a fait une expérience qui a mal tourné ? Une sorcière s’amuse à jouer aux marionnettes et c’est nous les marionnettes ? Un dieu a un peu trop fêté la nouvelle année et ses pouvoirs ont dérapé ? Les extra-terrestres sont en train de nous observer ? Qu’est-ce que j’en sais, moi ?

Inutile de se mettre en colère, Robin ! De toute façon, c’est trop tard pour regretter. Et puis qui sait ce qui se serait produit si nous avions agi autrement ? Après tout, nous sommes partis en beauté : on a terminé nos vies d’hommes sur une de nos meilleures baises !

Yannick se regarda dans un des miroirs du salon. Il touchait ses seins et ses fesses, un peu brutalement, comme un maquignon tâte la croupe d’un cheval.

En fait, je ne sais pas si je suis complètement dégoûté ou follement excité ! Mais ça pourrait être pire. On est bien gaulées et on va s’éclater avec ces corps !


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Les trois filles retournèrent dans la salle où les gens s’embrassaient encore pour fêter la nouvelle année. Au détour d’un groupe, elles virent le producteur fondre vers elles !

Mes petites beautés, je vous retrouve ! Venez, les commanditaires attendent, j’ai réussi à réparer vos conneries.

Tout en parlant, il prit le bras de Yannick et pinça la joue de Mika. La surprise priva les trois amis de réaction. Ils allaient devoir s’habituer : désormais, ils étaient jeunes et belles et ils plaisaient aux hommes. Le producteur passa entre Yannick et Robin et les pris par la taille pour les emmener avec lui, tandis que Mika suivait.

Surtout, il faut que je vous présente à mon petit prodige. C’est grâce à elle que le film est relancé. Elle a des idées pour le scénario, elle nous en a parlés pendant toute la soirée et elle a conquis tout le monde. Elle va tout réécrire bien entendu et elle jouera dans le film avec vous.

Le groupe arriva jusqu’à une table où d’un côté se tenait des hommes à la séduction inversement proportionnelle à la taille de leur portefeuille. Et ils avaient clairement de gros portefeuilles ! De l’autre côté, se tenaient une belle gueule de jeune homme et une jolie fille. Mika vit Yannick se raidir et il se porta à sa hauteur, pendant que le producteur, toujours aussi enthousiaste, commençait les présentations.

Vous connaissez déjà Rodrigo, qui sera une des stars de notre film. Et voici Lisa, mon charmant prodige ! Lisa est fiancée à Rodrigo depuis peu.

En reconnaissant son ex-petite amie et l’homme pour qui elle l’avait quitté, Yannick marmonna quelque chose comme « connard prétentieux » et « immonde salope », mais personne à part Mika ne l’entendit.

Laissez-moi vous raconter l’idée de Lisa : ce sont trois hommes qui se réveillent un jour dans des corps de femmes, mais toute l’astuce, c’est qu’ils sont revenus dans le passé et vous savez le plus marrant ? Ils finissent par coucher avec eux-mêmes !

Lisa souriait en fixant les trois amis. Mika repensa soudain à quelque chose qu’avait dit Robin, à propos d’une sorcière qui s’amuse à jouer aux marionnettes. Il pris fermement le poignet de Yannick et lui glissa à l’oreille :

Cette fois, j’ai la meilleure des bonnes résolutions du nouvel an : il faut rester calme, Yannick, il faut toujours rester très, très, très calme…

 

 

Commentaires

  1. Une super histoire avec une chute mémorable j'adore!

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    1. Merci ! Il fallait une chute (de l'histoire) à la hauteur des chutes (de reins) de ces trois belles dames !

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